Psalmodie nécrotique

L'obscurité, présente, oppressante, drapait le professeur d'un manteau vespéral. La forêt était calme la nuit, et seuls les derniers rayons du soleil arrivaient encore à démasquer celui dont les pas n'allaient que dans l'obscurité. Aazzlaaroth Finnegan, maître des sciences occultes au pensionnat préparait ce dont il avait besoin pour son examen. Il avait trouvé 3 candidats, et leur avaient déjà donné les consignes par une petite enveloppe. Il marchait en direction du point de rendez-vous, les mains dans les poches, sa cape couvrant son corps, sa cigarette dans la bouche, comme à son habitude. Quelque part, il espère être surpris, que les élèves réussissent. Mais d'un autre côté, sa nature reprend le dessus, il le sait, il va tout faire pour les empêcher d'y arriver. Il a déjà prévu pas mal de choses, et il sait qu'il n'a qu'un mot d'ordre ce soir : leur en faire baver.
Arrivé dans la clairière, au même moment, l'obscurité envahit les lieux, baignant la forêt dans une fraicheur malsaine. La brume s'était levée, et la lune n'était pas présente. Les conditions étaient idéales.


_C'est parfait... Tout est en place. Plus qu'à les attendre. J'espère que tu es prêt, Maze ?

_Oui, Maître. Je les attends avec impatience... Tihihihihihihihi !

Le familier rit à l'idée. Le professeur attend, impassible, avec sa cigarette. Il sait que cette nuit va être belle, et l'idée d'arracher les larmes à des enfants ne le dérange pas.



J'étais assis là, sur ce lourd rectangle de pierre. Je fumais, j'avais préparé ce dont ils allaient avoir besoin. Les petits anges n'aiment pas le noir, ils le savent. Et ils savent que je le sais. D'ailleurs... Puisqu'on en parle, je crois que c'est eux qui arrivent. Je perçois la lumière de la lampe de poche. Et les voilà, mes trois candidats. Alysse, Naoto, et Ryusaki. Ils sont jeunes, ils sont plein de vie, c'est parfait, ils vont en avoir besoin.

_Bonsoir et installez-vous, nous commencerons sans plus attendre. Vous avez tous amené ce que je vous avais demandé ? Dans ce cas, je vais vous expliquer. Vous voyez sur quoi je suis assis ? Oui, un rocher. Mais pas n'importe quel rocher. C'est un cercueil de pierre, dans lequel il y a un corps. Et vous allez vous débrouiller pour que ce corps se tienne debout sur ces deux jambes comme vous et moi. Bien sûr, vous n'avez pas le droit de toucher le corps.

Je sentais la stupéfaction dans ma modeste assistance. Bien sûr, ils allaient devoir ramener un mort à la vie, mais pas en tant que zombie ou esclave, juste en tant que marionnette. Ca me faisait rire de les voir comme ça, réaliser qu'un cadavre était tout proche, que le cadavre allait sortir du cercueil, et qu'ils en seraient les seuls responsables. Bienvenue dans le monde de la magie noire, les gosses, vous commencez en grandes pompes !

_Bien entendu, je suis là pour encadrer, je ne vais pas vous laisser tenter un rituel dangereux, c'est pour ça que nous allons rester dans le domaine de la divination. Voici deux schémas de cercles occultes. Vous allez devoir les assembler ensemble pour créer un seul grand cercle autour du cercueil. La craie que j'ai donné sera le seul objet qui tracera le cercle. Vous avez le droit de coopérer pour cette partie de l'examen. Je ne vous dirais pas si vous vous trompez. Quand vous pensez être prêt, il faudra réciter à l'unisson la formule qui est sur le parchemin que je t'ai donné, Alysse. Il vous suffira juste de la trouver. Je vous allume quand même une bougie pour vous indiquer le centre du cercle. Vous tracerez le cercle autour.
J'allumais une bougie rituelle et la posai sur le couvercle de pierre.

J'étais curieux de voir comment ils allaient s'en sortir. On allait bien rire. Il ne restait plus qu'à les regarder se débrouiller avec ça.


_Ah, au fait. Quand vous aurez récité la formule, le cercueil s'ouvrira. Le corps sera à l'intérieur et l'un d'entre vous devra mettre sa main dans la bouche du mort et retirer une obole. Le fait de faire cela verrouillera vos magies et fera le lien avec le mort, qui s'animera.  A vous de vous mettre d'accord pour savoir lequel de vous trois fera de  son âme une offrande et gardera l'obole sur lui. En cas de refus, je désignerais trois volontaires parmi vous. Je ne vais pas vous mentir, la sensation sera désagréable, mais c'est nécessaire pour que le rituel fonctionne. A vous de voir pour ça. Une fois ceci fait, et que le cadavre pètera le feu, nous verrons la suite. Alors ? Parés, les mômes ? Vous avez une heure et demi, pas plus.

L'examen commençait officiellement. La bougie se consumait doucement, elle tiendrait une heure et demi environ. Quand elle sera entièrement consumée, je les ajournerai... Mais peut être qu'ils y arriveront, après tout ?

Ne pas manger la craie.

Oui, pour le commun des mortels et même pour le commun des mages, à 99% sur cette terre, cette phrase était une évidence. Pourquoi un tel pourcentage? Parce que Ryusaki n'en avait aucune idée, mais il considérait qu'environ 1% des personnes vivantes sur cette planète sont suffisamment en bas-âge pour ne pas savoir du tout parler encore, ou comprendre quoi que ce soit. Pourtant, pour le jeune garçon, ce n'était pas une évidence, mais une torture. Car oui, depuis qu'il avait reçu cette petite note, notre protagoniste n'avait qu'une envie, c'était d'être le jour de l'examen pour pouvoir avoir une craie à grignoter. Ouais, ça fait un peu cheap, comme envie. On va dire que la curiosité de l'examen jouait aussi en sa faveur. Après tout, c'était le deuxième examen qu'il passait, et le premier était vraiment cool. Bon, la partie où fallait se blesser, un peu moins, mais le jeune garçon s'était bien amusé. Son seul regret était de ne pas avoir pu manger l'artefact. Là au moins, il y aurait pas de considération magique, une craie est une craie, point.

Ne pas manger la feuille.

Le seul ennui, c'était que cette feuille de convocation était indispensable aussi. Après tout, c'est elle qui était censé lui donner le droit de passer cet examen. Sans feuille, pas d'examen. Et sans examen, pas de craie. Bouh. Oui, Ryusaki aurait très bien pu chiper un bout de craie dans une salle random au pif. Cependant, il n'avait absolument pas envie de voler, parce que voler c'était mal, parce que voler c'était manquer de respect à cet établissement qui lui avait pourtant tant donné. Donc, le voilà, à serrer des dents à chaque classe où il y avait un tableau et une craie. L'envie qui lui montait peu à peu. La torture qui continuait de plus belle. Oui, bon, il y avait des tas de trucs qui étaient bons à manger et bien meilleurs qu'une craie, et qui sont entrés dans l'estomac du jeune garçon. Mais... C'était différent. N'avait-il point le droit de s'exciter pour cela?

Sauf que le principal défaut de ce plan était que la feuille était indispensable donc. Et trainant dans les affaires du jeune garçon, c'était facile pour lui de "ranger" une feuille dans son estomac s'il n'avait pas besoin de la sortir. En plus, cette lettre était apparue magiquement, dans son lit, un soir d'aout. Donc, cette lettre était chargée en magie, ou porte au moins les stigmates de la magie qui l'avait transportée jusque dans son lit. Le jeune garçon était donc impatient de pouvoir aussi goûter à cette feuille. Mais non. Il ne fallait pas. Il fallait qu'il résiste à la tentation. Même un tout petit bout? Non. Si cette feuille était vraiment bonne, il serait incapable de s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. La feuille ne devait pas être consommée. La feuille devait rester intacte.

Ne pas manger la craie.

Et le jour de l'examen arriva. Et le jeune garçon rencontra deux autres personnes. Le soir même, les trois personnes donnèrent leur convocation (avec grand regret pour l'un d'entre eux), et on leur indiqua à peu près où aurait lieu l'examen, à quelle heure précisément, et on leur donna chacun un item. La demoiselle qui semblait la plus grande avait récupéré son papier, quoique non, ce papier là semblait un peu plus jaune. L'autre garçon semblait par contre de première année à son visage et à sa taille, ayant certainement juste quelques mois de plus que le plus jeune des pensionnaires de cet établissement. Deux premières années, même si l'un semblait avoir une tête et demi de plus que l'autre.

Il apparaissait que l'autre garçon s'appelle Naoto et que la fille s'appelait Alysse. Oui, parce que bon, à force de baver sur la convocation, le jeune garçon avait retenu qu'ils seraient trois, et comme lui s'appelle Ryusaki, Alysse était pas vraiment un prénom de garçon, et Naoto n'était pas vraiment un prénom de fille non plus. Quoique... Et si c'était un piège? Et si c'était l'inverse? Et si c'était une combine créée bien avant sa naissance, et que les astres s'étaient coordonnés juste pour l'embêter à cet examen? Aha! Ryusaki ne tomberait pas dans le panneau! Pour lui, le jeune garçon s'appelait Alysse, et la demoiselle s'appellera Naoto. Point. Et ce sera lui qui sera tout souriant lorsqu'il verra la conjoncture des astres déconfite du fait qu'il ne sera pas tombé dans le panneau! Oui, le jeune garçon n'avait pas retenu que c'était le vrai Naoto qui avait récupéré la lampe torche et la vraie Alysse qui avait récupéré le parchemin.

Ne pas manger la craie.

Sauf que voilà, la craie était tout de même un élément important. Après tout, c'était le seul objet qu'il pouvait amener à l'examen. Elle a donc forcément une utilité, et Ryusaki ayant déjà participé à un examen de groupe, il savait qu'il fallait qu'il coopère. Qu'il aide ses partenaires, qu'il participe avec eux et non pas en solitaire. Donc, s'il n'y avait qu'une seule craie, c'est qu'elle était importante non seulement pour lui, mais aussi pour tout le groupe. Donc, il fallait qu'il se retienne. Donc, il fallait qu'il attende la fin de l'examen pour. Donc, il fallait qu'il garde en sa possession cette craie sans céder à la tentation de la croquer. Et, qu'ils arrivent devant un monsieur qui avait l'air bizarre. Il avait un de ces machins à la bouche, une cigarette. Ryusaki s'était toujours demandé quel goût ça avait pour que tant de gens en aient à la bouche. Peut-être que c'était des craies spéciales? Le jeune garçon vit que le bout était en train de se consumer par un petit feu. Peut-être que c'étaient des craies inflammables?

Bon. Ben, apparemment, y'avait un monsieur mort sous le caillou sous lequel le monsieur avec une craie inflammable dans la bouche était assis. Dès qu'il entendit cela, le jeune garçon joignit ses deux mains en prière pour l'âme du monsieur dont ils allaient le faire se relever. Le jeune garçon ne pensait pas que c'était possible, mais après tout, il avait vu (et mangé) tellement de choses bizarres depuis son arrivée qu'il n'y avait plus grand chose qui le surprenait désormais. Il fallait juste regarder les deux cercles bizarres que le monsieur tendait, les combiner et réciter la question. Et dessiner les cercles autour de la bougie. Et comme c'était lui qui avait la craie... Autant bien regarder les schémas donnés et commencer à tracer un grand cercle avec, qui fasse un peu plus de deux mètres de rayon, avec en centre la bougie. Puis, comme faut combiner les deux cercles, un second cercle à l'intérieur du premier, même centre, et à peine cinq centimètres de rayon plus petit.

Ne pas manger la craie.

C'est maintenant qu'il avait dans les mains cette craie que celle-ci semblait lui parler. Non non, rassurez-vous, la craie ne parlait pas. C'est juste lui qui, poussé à bout par toute cette tentation, semblait entendre la craie lui couiner "Mange-moi! Mange moi!" et il lui était assez difficile de lui résister. Non. Il n'y arriverait pas. Il ne tiendra pas seul. Mais ça tombe bien, il n'était pas seul. Il y avait le bel Alysse et la charmante Naoto qui étaient là pour l'aider. Donc, après avoir fini de tracer le second cercle, le jeune garçon cassa sa craie en deux, pour être sur qu'il en reste un petit morceau s'il venait à y avoir un incident fâcheux avec le premier, et tendit la moitié de la craie à Alysse qui tenait la lampe torche. Après tout, s'il avait la source de lumière, il serait surement le plus apte à mieux dessiner, d'autant plus que Naoto semblait avoir quelques difficultés avec le parchemin qu'elle a eu...

La grande ombre et les trois flammèches

Je m'étais assis pour observer, fumant ma cigarette, et m'intéressant  à leurs petites manigances. De ce que je voyais, je pouvais constater que Naoto était un peu flipette, visiblement, la vue du cercueil le mettait mal à l'aise. Pourtant, il me semblait qu'il n'était pas seul dans sa tête, ce gosse. C'est pour ça que je l'avais choisi. Pour voir comment il se débrouillerait sans ses deux amis imaginaires.

Alysse, elle, semblait plus détendue et commençait déjà à se balader avec le parchemin et à le triturer pour bosser dessus. Je ne me fais pas d'illusions, elle était futée, elle allait trouver l'astuce pour lire le parchemin. Elle avait le trac, elle dissimulait le tout sous un manteau de flegme, mais elle avait bien discerné mon sourire quand elle s'est proposée de prendre l'obole.

Ce sourire carnassier, dévoilant mes dents tâchées de nicotine, faisant sortir mes deux pièces de laiton qui servaient de pupilles dans cette pénombre. J'observais, la fumée de ma cigarette expirée par la bouche dans un soupir caverneux indiquait mon excitation. J'étais impatient de les voir ouvrir la boîte à cadavre et de voir ce qu'il se passerait dans leurs yeux. Je cherchais l'effroi, la peur, la vraie, voir la démence. Je voulais entendre des cris, pouvoir ramasser du bout de mes doigts leurs larmes encore chaudes sur leurs petites joues et caresser l'innocence de leurs visages avant de la broyer à jamais et de ne laisser que de la détresse

Mais pour le moment, je regardais Ryusaki qui était comme à son habitude : schtroumpf bêta. Du haut de ses quatre-vingt-dix centimètres et son air ahuri, il regardait sa craie avec un air frustré, comme un gamin à qui l'ont donne une sucette en lui interdisant de la manger. J'avais fait exprès, oui, je suis un salaud, et j'en suis fier. D'un autre côté, minimoyz n'avait même pas l'air de capter qui était qui dans cette histoire. Il serait capable de me confondre avec Alecto cet abruti.

Je regardais Microbe et Capitaine courage tenir la lampe de poche et tracer le cercle. Un peu plus loin, le rat de bibliothèque était en train de bosser sur son parchemin. Allez... Me dis pas que tu vas pas trouver... Je me rallume une cigarette, observant la bougie consumée au tiers. Ca doit faire une trentaine de minutes qu'on est là, et ils font leur boulot, ils sont doués je trouve. De vrais petits mages noirs en herbe. Surtout Ryusaki, lui il est vraiment tout petit.

_Ca avance les jeunes ? Méfiez vous de l'heure...

Ce qu'ils devaient comprendre, c'est que si la bougie s'éteignait, ils ne pourraient pas déchiffrer l'inscription sur le parchemin. L'incantation était écrite à l'encre sympathique, il faut absolument une forte source de chaleur pour révéler l'incantation. La lampe torche ne sera pas suffisante pour ça, et il était hors de question de se servir de ma cigarette. D'ailleurs j'en rallumais une.

Ryusaki et Naoto venaient de finir de tracer les deux cercles, plus qu'à inscrire les motifs et le compléter et ils auraient fini leur part du travail. Ils sont doués pour des premières années.


_Maître... Vous pensez que c'est une bonne idée ? Ce ne sont que des enfants....

_Depuis quand as tu des sentiments, Maze ? Je croyais que pour toi, tout était rationnel ?


_C'est que... Je ne pense pas qu'ils en soient capables. Ils manquent d'expérience.
_L'expérience vient en se trompant. Si ils échouent maintenant, ils n'arriveront jamais à passer les étapes supérieures !



Maze ne pariait pas sur vous les gosses. Vous avez fort à faire, impressionner mon familier n'est pas facile. Pendant ce temps, je continuais à regarder, et j'affûtais la lame de mon arme, cette arme que l'on appelle le Razoirnoir, cette faux au manche d'ébène, sombre et froide. Je passais le temps comme ça, et j'en profitais pour affûter également mon couteau sacrificiel. Après tout, il faut toujours avoir du matériel impeccable, d'autant qu'il pourrait servir un de ces jours...


_Quand vous aurez fini de tracer le cercle, vous n'aurez plus qu'à réciter l'incantation, pour cela vous vous placerez autour du cercueil, la main gauche sur le couvercle et réciterez l'incantation ensemble. Dépêchez-vous, l'heure tourne.... Il ne vous reste que soixante minutes.

Et maintenant, on commençait à faire de jolies étoiles! Il fallait juste un truc pour tracer à peu près droit, et Ryusaki n'avait pas de règles. Quoi de plus normal, les garçons n'avaient généralement pas ça en stock. Puis de toute façon, le monsieur avait dit que tout ce dont ils auraient besoin se trouverait sur place. Les cercles étant tracés, il ne lui restait plus qu'à faire des étoiles. Cela lui rappelait beaucoup sa propre invocation d'Usa-chan, où le jeune garçon avait tracé avec son propre sang une étoile à 17 branches. Mais là, d'après le schéma montré... Il fallait plutôt faire d'abord un carré. Un gros carré inscrit dans le cercle, ce qui n'était pas bien difficile, juste se mettre sur le cercle, regarder la bougie au centre, cela faisait déjà deux sommets du carré, suffisait juste ensuite d'un peu d'interpolation et cela faisait un carré assez carré. C'était en tout cas plus carré qu'un ballon de foot.

Et ensuite... Deux des coins du carré devaient servir de base à des triangles aussi inscrits dans le cercle extérieur, dans un angle qu'il essayait de reproduire avec ses doigts, pendant que la ravissante Naoto et le jeune Alysse semblaient parler tous les deux de la feuille. Bah, à deux, ils trouveraient bien quelque chose, et ils avaient un bout de craie pour commencer le second cercle rituel à l'intérieur pendant que Ryusaki se chargeait du cercle extérieur. Inutile d'écouter et autant continuer à faire tranquillement ses calculs et son affaire pour que ce soit bien droit, bien comme il faut sur le schéma indiqué par le professeur. Cela ne se voyait peut-être pas au premier abord, mais le jeune garçon était plutôt doué pour les calculs mathématiques.

Sauf que voilà, le temps qu'il calcule, le temps qu'il commence à tracer correctement, tout cela prenait énormément de temps, et le professeur fit remarquer qu'il ne restait plus qu'une heure avant que la bougie ne soit entièrement consumée. Or, si ça se trouve, peut-être que le rituel s'arrêterait net dès que la bougie sera partie intégralement en fumée. Le professeur avait même eu le temps de manger plusieurs craies inflammables et semblait s'en rallumer une assez souvent. Mais même s'il fallait se presser, il était hors de question pour le jeune garçon de bâcler son travail. Et il semblait y avoir conflit de l'autre côté du cercle. Genre la grande Naoto qui semblait se disputer avec son familier... Qui prit la feuille  et sembla vouloir attirer Ryusaki vers la bougie.

Le jeune garçon se mit à sourire, caressant le familier sur la tête pour lui dire qu'il avait compris ce qu'il voulait lui demander. Ryusaki se pencha donc et ramassa le papier qui était tombé près de lui et s'approcha de la bougie... Avant de fourrer le parchemin dans sa poche et de souffler sur la bougie pour l'éteindre. Sous le regard étonné et indigné de tout le monde, comme s'il venait de faire rater l'examen par ce geste.

"Bah quoi? Suffira de la rallumer au dernier moment. Là, on a notre temps pour tracer le cercle bien comme il faut d'abord, et on aura ptet besoin de plus de temps de bougie allumée, même quand on aura compris comment marche ce papier..."

Un petit peu de concentration, et l'Alysse tout tremblotant et semblant avoir peur de quelque chose se chargeait de l'éclairage. Faire des jolis triangles, puis, une fois que le gros des oeuvres était fait, il ne restait plus qu'à dessiner quelques runes. Des triangles, des cercles, des croix, des traits, suffisait généralement de combiner un peu au pif deux des éléments de cette liste et ça faisait de jolies runes. Cela dit, cela n'empêcha pas le jeune garçon de griffonner aussi des petites fleurs ou des petits coeurs par ci par là aussi. Après tout, s'il y avait plein de coeurs, peut-être que le monsieur qu'ils allaient réveiller deviendrait aussi tout amoureux?

Une fois que ceci était fait, le jeune garçon se mit à chercher dans les bois aux alentours des feuilles mortes, des brindilles, pour en faire plusieurs petits tas, chaque petit tas étant mis aux sommets de l'étoile principale. Puis Ryusaki se mit à faire un autre tas de branchages et de feuilles, qui servirait de foyer principal. Il ne restait plus qu'à trouver deux cailloux qui puissent allumer correctement un feu, à moins que... Le jeune garçon semblait regarder dans le vide, et se concentrer. Inspirer, et se baisser, se mettre en position pour pouvoir faire un saut optimal, lorsque le moment serait venu. Trois. Deux. Un. Zéro.

D'un saut, le jeune garçon se jeta sur le professeur qui semblait jouer avec une faux, à l'affuter tout en regardant les élèves faire, une craie inflammable allumée dans la bouche. Pulsion suicidaire soudaine? Cependant, même s'il semblait clairement se diriger vers lui avec une intention malsaine (et oui, l'idée de savoir quel goût avait le professeur était évidemment passée par son esprit), le saut semblait légèrement raté vu l'angle qu'il prenait, et que si la trajectoire se continuait, il allait plutôt tomber au sol devant lui en ratant complètement sa cible. Toutefois... La réelle cible du jeune garçon n'était pas le professeur. Mais le mégot qu'il venait de laisser tomber.

Attrapant avec ses mains le mégot avant qu'il ne chute, le jeune garçon ne put s'empêcher de crier à cause de la brûlure, avant de jeter ce mégôt dans le foyer principal qui prit feu. Lèchant ses mains à l'endroit de la brûlure, le jeune garçon prit ensuite une branche et y mit le feu, avant de répartir les flammes sur les petits tas pour en faire une étoile aux sommets enflammés. Certes, c'était pas précisé, mais c'était carrément plus classe. Et comme ça, ça permettait de rallumer la bougie. Sauf qu'un truc que Ryusaki n'avait pas prévu... C'est que dans un bois, un feu, c'est super risqué. Le bois derrière eux commençait aussi peu à peu à prendre feu. Oups.

Bon bah, le cercle, c'est fait, la bougie est rallumée, il ne restait plus que le papier. Et en le ressortant, vu l'incendie ambiant, cela suffisait largement pour faire apparaître des mots sur le parchemin...

"Hé! Y'a quelque chose d'écrit sur le papier!"

Et l'incendie ambiant? Ryusaki s'en fichait un peu pour l'instant, vu que c'était juste le bois derrière eux qui prenait feu, et que ça ne semblait pas trop s'étendre à la clairière dans lequel ils étaient. Ca ferait juste une autre limite de temps éventuelle.

Tout est prêt. Franchir l'interdit ?

L'examen suivait son cours. Je regardais tranquillement ce qui se passait, et j'étais impressionné par Ryusaki. Le premier année réussissait à tracer le cercle avec l'aide de Naoto. Alysse semblait aux prises avec son familier qui visiblement avait trouvé la solution avant elle. Pas de chance pour elle... Parce que c'est Ryusaki, il a beau être tout petit, il en a dans le crâne ce gosse. Il était doué pour les cercles, il était malin, il a eu le réflexe d'arrêter la bougie. Si ça l'amuse.

Il ne sait pas que j'ai une montre. Il n'empêche que tout se déroule à son rythme. Un peu trop lent d'ailleurs...  Naoto était en train de tenir la chandelle. C'est sûr qu'il restait discret, avec son air d'être mal à l'aise... Alysse aussi avait un peu de mal, elle avait eu l'idée de la lampe de poche, bien tenté, mais pas suffisant. Allez, un peu d'imagination, la solution est juste là bande de trouillards. Il reste néanmoins une chose qui me chiffonne.

Je tournais la tête en rallumant une cigarette, et je vis que Ryusaki continuait le cercle. Bon, dans un élan de kawaiitude, il avait dessiné des pitites fleurs et des pitits cœurs tout mignons pour rendre le cercle tout beau et tout agréable à regarder. C'est dégueulasse. Ca me semblait suffisamment débile pour être tenté. Par contre, son regard malicieux du gosse qui va me faire une saloperie me dérange.

Pourquoi ce sale môme de Ryusaki m'a sauté dessus pour voler mon mégot ? Il est taré ce gosse, c'est pas possible. Pourquoi ils sont tous débiles dans ce bahut ? Ah ok, il voulait juste rajouter des petits morceaux de flammes. C'est trop mignon. Par contre c'est pas malin, parce que là ça devient le Shéol ici. Ryusaki, tu viens de mettre le feu au sens propre du terme, t'es au courant quand même ? Abracadabrant comme méthode, mais en sciences occultes, il ne faut pas lésiner sur la folie et l'audace. Ce sont les plus cinglés qui s'en sortent en général. Mais là t'as peut être légèrement abusé. Enfin, au moins on aura du chauffage. Et c'est à ce moment que le minus comprit tout.


"Hé! Y'a quelque chose d'écrit sur le papier!"


ENFIN !! A 20 minutes du zéro pointé, ils allaient réussir. Ils n'avaient plus qu'à réciter l'incantation. L'examen allait pouvoir passer dans sa deuxième étape et tout allait devenir plus simple.

Le parchemin qui était jusqu'à présent vierge semblait maintenant rempli. Sa texture jaune et rêche contenait maintenant du rouge grenat. Ces lacets rouges et finements bouclés formèrent des lettres, qui finirent par former des mots écrit en langage courant. L'incantation est maintenant connue de tous. Il ne vous reste plus qu'à vous placer autour du cercueil et réciter la formule. Bonne chance....

Depuis l'autre côté de la frontière, entends ma voix. Depuis l'obscurité, regarde-moi. Réponds à l'appel de celui qui te demande. Moi [nom de votre personnage], te prie de revenir !

L'incantation doit être récitée d'une voix claire, audible, forte et bien articulée. Si tout à été exécuté correctement, vous saurez tout de suite. Si le rituel est un échec, rien ne se passera.

Ouaiiiiiiis! Le jeune garçon courut un peu comme un idiot, vers la charmante Naoto et le ravissant Alysse, afin de leur montrer, tout content, ce qu'il y avait sur le papier. Il s'agissait d'une incantation toute simple. Ecrite en japonais. Pourquoi en japonais? La dernière fois, avec la madame runique qui voulait pas qu'on mange des artefacts, fallait parler un langage bizarre d'abord pour faire briller le machin cubique qu'il n'avait pas pu croquer, puis ensuite, penser très fort en latin. Parce que c'est classe et ancien, le latin. Mais alors, pourquoi est-ce que ce machin était en japonais? Le jeune garçon pensait que les langues anciennes avaient un peu plus de magie en eux. Qu'elles avaient plus d'affinité avec les sciences occultes. Cependant, il ne lui fallut que quelques secondes de réflexion pour comprendre l'utilité d'une incantation en japonais : Cela ne servait absolument à rien de crier en latin ou en grec ancien à un mort pour qui cela serait du chinois. On est au japon après tout, et c'est bien plus facile de trouver un mort local plutôt qu'un cadavre d'importation. Qui en plus ne devait absolument pas être frais s'il parlait latin ou grec ancien.

Bon ben, autant se mettre autour du cercueil comme indiqué sur le papier. Le jeune Alysse... Raaah, tout à l'heure, Ryusaki lui demandera la permission de l'appeler Al'. Ou Al-kun. C'était ça, le petit suffixe qu'on devait ajouter pour les garçons de son âge. Et pour les filles, c'était chan. Ou sempai, puisque contrairement au garçon, la ravissante Naoto semblait plus agée et donc dans une classe supérieure. Nao-chan ou Nao-sempai? Il verrait plus tard. Pour l'instant, Al-kun semblait vouloir faire un décompte, pour être sur qu'ils soient bien synchrones. Le jeune garçon se mit donc au bon endroit, avant d'inspirer un bon coup. Ah non. D'abord, se barrer, chercher une branche enflammée, et croquer dedans d'abord. Parce qu'il avait un creux à combler, et c'est cool de manger des flammes. Son casse-croute dans le ventre, là, il reprit sa position.

"Désolé. Bon, à trois donc. Un, deux..."

Ryusaki prit son inspiration, comme ses deux camarades.

"Trois. Depuis l'autre côté de la frontière, entends ma voix. Depuis l'obscurité, regarde-moi. Réponds à l'appel de celui qui te demande. Moi Ryusaki Kokori, te prie de revenir !"

Il y avait deux choses à noter. La première, c'est que Ryusaki... S'était complètement trompé. Comment c'était possible? La demoiselle avait dit s'appeler Alysse, et le garçon avait dit s'appeler Naoto! Ce fut un véritable choc, qui d'un coup, mit le jeune garçon à terre. Non, en fait, réflexion faite, c'était la deuxième chose qui mit le jeune blondinet à genoux, une main posée sur son ventre. Son corps n'était pas dans son état normal. La dernière chose qu'il avait mangé, il y a quelques instants, étaient des flammes et une branche à moitié cramée. Il n'avait eu aucun mal à le dévorer il y a quelques instants... Mais là, c'est comme si le jeune garçon avait du mal à digérer. Qu'il avait une brûlure d'estomac. Cela ne lui était pas arrivé depuis... Depuis bien longtemps. C'était une sensation extrêmement désagréable.

"Les gens... Ca a marché. Je le sens. Je... N'ai plus faim."

La phase deux.

Ça y est, on y était. Les mioches avaient enfin compris comment il fallait faire. C'est donc fort de leur découverte qu'ils se réunirent autour du lourd récipient de pierre, l'objectif, le sésame, le cadavre. Malgré le fait, ils s'en trouvaient un peu désarçonnés je dirais. On ne peut pas forcément imaginer l'effet que ça fait de voir un mort, encore moins de le voir se dresser sur ses pattes. Voici mes trois petits sorciers qui vont se retrouver à la frontière entre la vie et le trépas, ils vont poser le pied dans le monde de l'occultisme. Parés les gosses ? Parce que là, ça va donner sévèrement.

Ils posèrent leurs mains sur le couvercle scellé. Et ils se mirent à l'unisson à psalmodier le rite que je leur avais imposé. Le son de leurs voix résonnait à travers la clairière, et il était accompagné du crépitement des flammes alentours. Tout cela sonnait de façon si mélodieuse dans mon esprit, comme une grande fête, une grande folie de danse et de chant. Je sentais la magie s'activer, félicitations. Vous êtes les vainqueurs de la première manche. Vous avez le droit de concourir pour la véritable épreuve !

Au moment où les gosses finirent l'incantation tant attendue, l'air devient froid, et le brouillard se leva, aspirant toute chaleur, toute vie, glaçant le sang, flétrissant les plantes et éteignant les flammes dans une bourrasque soudaine. Les doigts de la mort, glacés, intangibles, effleuraient la peau de chacun d'entre nous, nous épargnant, transmettant seulement cette sensation glacée du vide.

L'obscurité gagna les lieux, seule la lueur de la lampe de poche de Naoto nous permettait de nous repérer. Le courant d'air s'intensifia, et des lueurs sortirent de nulle-part, tourbillonnant autour du cercueil, diffusant là une faible lumière, blafarde et sinistre. Peu de temps après, le cercueil trembla, et dans un bruit d'effondrement, le couvercle se désolidarisait de son socle, révélant progressivement son contenu.

Je m'approchais, doucement. Mes yeux jaunes transperçaient la pénombre, la braise de ma cigarette diffusant l'odeur âcre du tabac.

_Mes félicitations. Cependant, le test va à présent commencer. Alysse, comme tu l'avais demandé, tu n'as plus qu'à mettre ta main dans la bouche du mort et extraire l'obole. Ensuite, le test prendra tout son sens, tu comprendras tout. Quand à vous deux, vous pouvez bien entendu réfléchir à la suite.

J'ai claqué des doigts, et le parchemin qu'ils avaient utilisé se mit à scintiller tandis que le mort se dressa soudainement  hors de sa boîte, flottant à quelques centimètres du sol, répandant poussière, humus, moisissures sur le sol. C'était beau tout ça. Magnifique même. Et ça me remplissait d'excitation de voir les trois élèves face à face avec l'impossible, avec un authentique mort-vivant !

_Vous voici face à un authentique cadavre animé, un mort-vivant classifié comme faible. Au moyen âge, les morts vivants étaient légions, nés de la mort injuste, de la guerre et de la torture. On peut devenir un mort vivant pour des tas de raisons. Mais lui, c'est juste une personne dont j'ai séquestré l'âme dans une de mes bagues. Un mort lambda, qui n'est plus qu'une carcasse lambda. Un rituel complexe, mais que vous n'aurez pas à réaliser. D'ailleurs, le mort voudrait vous parler.


_Je...Suis... en ...vie... Qui êtes...vous ?  Pourquoi cet homme... Me retient prisonnier ? Pourquoi m'avez vous... réveillé ? Je …. Je... Souffre... Ça me brûle, mes poumons sont en flammes. Pourquoi me faites vous souffrir ?





Le cadavre gémissait, et j'observais leurs réactions, ils étaient comme des mômes qui voient un fantôme pour la première fois. Ça ne devait pas les aider.

_Silence, tu n'es plus rien, tu seras libre quand je le déciderais. En attendant, reste docile.

D'un simple mouvement de doigts , le cadavre se plia en hurlant de douleur. Le craquement des os, le déchirement de ce qu'il restait de tendons et de ligaments, le tout magnifié par un déchaussement de la machoire, tandis que sa peau en lambeau se déchirait. Tout ça c'était génial. Puis le silence, plus un bruit, plus un mouvement. Le corps en lévitation se posa sur le sol et dit d'un ton neutre :

« Offrez moi votre humanité, que je puisse vivre. »

Je me tournais à présent vers Alysse.

« Allez. Mets ta main dans sa bouche, et choppe lui son obole, maintenant qu'il est calmé. C'est bien ce que tu comptais faire non ? Les autres, reculez de deux mètres.  »

Je rallumais la bougie et me préparais à la phase deux. Le cadavre était à présent tourné vers la demoiselle.

« Aaaaaaalyyyyyyyyyyysssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssse.... Ta main.... »

Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. De toute façon il y avait du vent frais qui avait éteint presque toutes les flammes, donc ça aidait à respirer. Mais voilà. Il fallait se concentrer pour comprendre réellement le phénomène qui se passait actuellement. Nous avions d’un côté deux gamins mis à genoux par ce vent, une demoiselle qui semblait se préoccuper des deux plus jeunes, un monsieur qui pue du moyen-âge venant d’une légion injustement torturée parce qu’il avait raison de séquestrer une bague, et un monsieur qui fume et qui expliquait la situation et accessoirement que le moyenâgeux était un danseur de lambada, qui disait qu’il était en prison pour avoir mis le feu à ses poumons. En clair, Ryusaki n’avait rien compris et ne cherchait même pas à comprendre. Parce que bon, la seule chose pour l’instant qui l’intéressait, c’était l’état de son ventre.

Ryusaki n’avait plus faim.

Il avait juste un gros mal de ventre, son ventre faisait des bruits bizarres, mais ce n’était pas des gargouillis de faim habituelle. Comme s’il y avait de l’air chaud dedans qui cherchait à en sortir. Le jeune garçon finit à quatre pattes, regardant le sol en toussant. Il ne pouvait pas continuer dans ces conditions. Il ne pouvait pas réussir son examen s’il était cloué au sol. Le jeune garçon n’avait pas le choix. Il ferma les yeux, sachant ce qui arrivera dans cinq secondes. Inspirant très fort… Avant d’effectuer un rejet d’air gastrique oral bien sonore, comme s’il avait vidé il y a quelques instants une bouteille de soda pétillant entière. Et là, ça allait tout de suite mieux… Même s’il y avait une certaine gêne présente sur ses joues. Bah, de toute façon, il n’y avait plus que la lumière de la lampe torche tombée et de la bougie rallumée, donc, difficile de voir qu’il était écarlate.

“Dé… Désolé.”

Après cet acte totalement dénué d’élégance, le petit blondinet se releva. Il allait tout de même vraiment mieux, n’ayant plus grand chose au niveau de l’estomac, et surtout, n’ayant plus du tout faim. Il n’y avait plus cette petite voix qui lui disait d’aller manger. Plus cette petite voix qui lui disait que les personnes présentes à ses côtés feraient d’excellents quatre-heures. Plus cette petite voix qui lui disait de faire disparaître des cailloux dans son estomac parce qu’ils n’appartiennent à personne et que personne ne verraient leur disparition. Il y a peut-être un mage totalement taré à Tadakai qui s’amuse à compter les cailloux dans l’enceinte de l’établissement, cependant, Ryusaki ne l’avait jamais croisé, et personne ne l’en a jamais empêché.

Ryusaki n’avait plus faim.

Cela n’était plus arrivé depuis un long moment. Le jeune garçon se sentait revivre. Il se sentait comme tout le monde. Pour tester, le jeune garçon ramassa un caillou, le mit dans sa bouche et tenta de le croquer, avant de se rendre compte qu’il était bien trop dur pour ses dents. C’est officiel, le jeune garçon avait perdu ses pouvoirs, et recracha le caillou sur le sol. Enfin délivré de sa faim. Enfin délivré de ce calvaire qui lui rongeait l’estomac chaque jour. Le voilà ainsi tout souriant pendant que le monsieur qui fume faisait faire au monsieur qui pue le même bruit qu’un paquet de chips écrasé par un maillet. Bon, apparemment, ça avait pas trop l’air de plaire au monsieur qui pue. Mais l’important, c’était que…

Ryusaki n’avait plus faim.

Et pour ça, il était tout content. Même si Naoto… Euh pardon, Alysse était super en colère contre le monsieur. Et donc, le monsieur avait dit de s’éloigner de deux mètres. Celui qui pue hein, pas celui qui fume, même si la fumée de craie inflammable sentait pas très bon non plus. Parce que celui qui pue semblait demander la main de la demoiselle. C’est un peu idiot de la demander en mariage comme ça, puisque vu ce qu’il avait compris, la mort les séparait déjà, même si cela ne semblait pas le gêner. Peut-être pensait-il l’avoir séduit avec son imitation de paquet de chips. Et le monsieur qui fume était gentil de l’avoir aidé. C’est donc ce que fit Ryusaki : Au moment où la demoiselle avait dit au monsieur qui fume d’aller brûler en enfer, le jeune garçon alla lui faire un gros câlin pour le remercier de lui avoir enlevé sa faim, les yeux plein d’étoiles et de reconnaissance et un grand sourire innocent aux lèvres.

Renaissance et cannibalisme

Il y a un certain nombre de règles tacites en sciences occultes. L'une d'entre elles était que les morts ne parlaient pas. Enfin pas les corps, les esprits oui. Mais les corps ne parlaient pas.Surtout pas celui là, je m'en étais assuré avant l'examen en tapotant sur le cercueil et en lui demandant si l'éternité s'écoulait bien. La deuxième règle, c'est de ne jamais faire de pacte avec des entités moches. Donc, ne jamais faire de pacte avec un zombie, sinon c'est la catastrophe assurée. Mais ça, les gosses ne le savaient probablement pas.

L'autre chose qu'il fallait savoir, c'était de ne jamais être assez stupide pour croire qu'on contrôlait ce qu'on avait invoqué. Dans l'état actuel, les 3 mioches étaient dans la situation du nécromancien qui a invoqué un mort vivant trop fort pour lui. Ce n'était pas un zombie classique, celui là était plus vicieux et manipulateur que les autres. Et puis, Alysse était prête à lui faire confiance sans contrepartie, mais savait-elle que les morts-vivants ne naissent pas par hasard ?

Certains ont été forcés, d'autres sont des créatures qui sont damnées, des âmes dérangées, à qui l'ont a refusé le repos éternel, par sadisme, ou par justice. Celui-là, si ça se trouve, il tuait des petites filles. Ou il mangeait des clochards. Ca se trouve c'était un pyromane ou un criminel de guerre. Allez savoir, de la viande c'est de la viande. Et surtout, ne me demandez pas pourquoi je suis en possession de ce cadavre, j'en ai des bien pires dans ma cape. En attendant, c'était assez drôle de voir les réactions. Je dois avouer que je ne comptais pas leurs faire mouiller le pantalon, bien que Ryusaki semblait encore à la taille requise pour porter des couches. Mais voir Alysse s'énerver m'arracher un petit sourire narquois. Naoto, quant à lui, se contentait de s'effacer, comme à son habitude. Qu'importe qu'il parle avec ses entités ou qu'il y soit soumis, les morts ne parlent pas, ça n'était pas intéressant. Non, là où il devenait plus drôle, c'est quand le verrou magique s'est mit en place.

Naoto devint enfin le vrai Naoto. Pas un simulacre, mais le vrai lui, sans l'artifice de ses alter ego. Alysse laissait place à la colère, puis l'effronterie, son visage était beau quand il était déformé, on aurait presque envie de le découper et de l'encadrer au dessus de la cheminée. Quand à Ryusaki, il était égal à lui même, et il semblait plus affecté, presque perdu. Sans la faim, il n'était plus. Son identité passait par  cet appétit insatiable, j'avais supprimé une partie de lui bien malgré moi, mais qu'importe, ils ne sont que des dommages collatéraux.

_Surprenant, n'est-ce pas ? Sans magie, on se sent bien différent. Malédiction pour certain, talent pour d'autres. Quand ce n'est pas par ça que vous vous définissez. La magie est notre essence, mais nous restons avant tout des humains. Nous pourrions vivre sans la magie, certains ont vécu sans pendant longtemps. Mais voyons maintenant comment Alysse va-t-elle gérer tout ça.

_Je me sens revivre. C'est tellement agréable.

Le cadavre avait parlé de nouveau, mais avec la voix d'Alysse, ce qui était du plus bel effet, je l'avoue. Maintenant qu'ils en étaient là, ils ne pourraient plus reculer.

_Voici donc la deuxième phase de l'examen. Normalement, Alysse devrait avoir de plus en plus de mal à s'exprimer, jusqu'à avoir l'intelligence d'un tas de fumier. Par contre, le petit détail, c'est que l'obole est maintenant liée à toi. Vous avez une heure pour trouver la solution et réintégrer l'âme de Alysse dans son corps, et neutraliser le cadavre. Bon courage.

Au moment où je disais ça, le cadavre animé reniflait, et s'approchait doucement de Alysse, comme attiré par une odeur. Les pauvres gosses ne l'avaient probablement pas remarqué, mais en réalité, l'autre règle qui m'est venue à l'esprit c'était « ne jamais mettre sa main dans la bouche d'un mort, ça leur donne les crocs. » Le cadavre se mit en position et bondit sur Alysse avec une rapidité surprenante.

La deuxième partie de l'examen allait commencer, et contrairement à ce que j'aurais pu dire, ce n'était pas un « petit examen facile » là, on rentrait dans l'exorcisme authentique et à l'ancienne, sans magie, sans pouvoirs, juste avec des moyens humains.  J'ai été sympa, il n'y en a qu'un seul, et normalement, ni Maze, ni moi n'auront à intervenir. J'espère que les gosses seront prêts à jouer. Le cadavre lui, il avait l'air de péter le feu pour un mort.

_Mannnngeeeeeeeeeeer Aaaaaalyyyyyyyyyyyyyyyyyyyysssssssssseee !!!!!!

Visiblement, après avoir goûté à l'âme de la demoiselle, il y avait prit goût et semblait vouloir se faire un casse-croûte de choix avant de dévorer les deux autres idiots. Ca serait drôle. Plus qu'à regarder comment ça allait se dérouler.

S'il y a une chose auquel le jeune garçon ne s'attendait pas, c'était de se faire totalement ignorer. Après tout, généralement, lorsqu'une bouille toute choupi arrive en fonçant vers vous avec deux grands yeux plein d'étoiles, il y a deux réactions. Soit on accepte et on profite, soit on évite et on repousse. Certes, le jeune garçon s'attendait à se faire éviter ou se faire repousser. Certes, cela ne correspondait pas vraiment à un maître des ombres qui a en bouche une craie inflammable de se faire étreindre par un jeune garçon tout mignon. Ce qui fit que Ryusaki ne comprit pas du tout pourquoi, au moment du contact, il y avait vraiment contact. Mais genre, contact à cent pour cent, même pas de pas de côté pour qu'il entre en contact avec un arbre ou un monsieur qui pue, mais en contact avec lui, suffisamment pour pouvoir juger de la solidité des abdominaux du professeur de sciences occultes. De quoi faire baver bien des demoiselles qui se demanderaient ce que le professeur de sciences occultes dissimule sous sa cape.

Sauf que voilà, malheureusement pour Ryusaki, il n'avait pas réellement le temps d'en profiter. Parce que derrière lui, la situation semblait totalement dégénérer. Après tout, le monsieur qui pue le moyen age semblait content d'être vivant et s'était jeté sur Alysse. Et techniquement, même s'il était en train de câliner un super monsieur, il préfèrerait tout de même faire un câlin à une Nao... Alysse qui aurait encore suffisamment d'intelligence et une âme. Et en plus, le monsieur qui pue semblait vouloir manger sa camarade d'examen. Ce qui fit changer du tout au tout le comportement du jeune garçon. Parce qu'on ne mange pas impunément un autre humain. Cependant, Aly... Naoto fut plus rapide. Ryu' avait vraiment beaucoup beaucoup de mal avec ces prénoms. Quelle idée, alors... Neutraliser le cadavre. Ouais, il y avait deux moyens de le faire. Soit lui faire suffisamment mal pour qu'il fasse dodo, soit trouver un truc pour l'attacher.

Sauf que voilà, Ryu' n'avait aucun moyen à sa disposition de faire suffisamment mal. S'il essayait de faire un super coup de pied comme Nao', il se retrouverait dans la même position que quand il avait essayé de défoncer une porte à coup de pieds : en train de se tenir le pied parce qu'il avait fait mal pour rien. Mais bon. Là, pour l'instant, le problème, c'était Alysse. C'est elle qui avait pris l'obole, donc, c'est elle qui allait perdre son âme. Donc... Le jeune garçon chercha dans ses poches, mais elles étaient vide. Pas de porte feuilles, donc pas de pièce à réinsérer dans la bouche du monsieur qui pue. Mais de toute façon, c'était pas des pièces que le monsieur qui pue voulait manger, mais Alysse. Donc...

Il fallait trouver un truc. Savoir comment rompre le sort. Il y avait bien des tas de légendes, mais Ryusaki n'arrivait pas à trouver une qui parle de zombies. Après tout, lui ce qu'il préférait, c'était les contes de fées, et il y avait rarement des zombies dedans. Mais ce n'était pas grave, parce que dans les comptes de fée, il y avait aussi plein de trucs super magiques de partout qui touchaient la demoiselle, et à chaque fois, ça se finissait toujours de la même façon : La princesse envoûtée est délivrée de son sortilège par le baiser du prince charmant. Un baiser passionné, rempli d'amour, d'un prince charmant, nulle magie plus puissante n'existe dans ce monde d'après ces contes de fée. Donc ça pourrait bien dissiper un enchantement pourri qui vole l'âme de la demoiselle?

Sauf qu'il fallait regarder la réalité en face. Il n'était pas un prince charmant. Ryusaki se trouvait trop petit, et il avait pas de cheval blanc à sa disposition pour être un prince qui convenait. Et en plus, il avait des sentiments pour une autre personne donc c'était pas de l'amour pur qu'il serait capable de donner. Nao'... Le jeune garçon regarda l'autre garçon se battre contre le zombie. Non, ils ne feraient pas un beau couple non plus, parce qu'il était plus petit aussi et n'avait pas de cheval non plus. Dans les contes de fée, le prince charmant est grand, or, Naoto est plus petit qu'Alysse. Donc, il irait pas non plus. Le seul qui était plus grand qu'Alysse, c'était le zombie. Sauf que si le zombie lui ferait un bisou, il risque de lui arracher la bouche en passant et ce serait pas plein d'amour. Mais qui pourrait jouer le prince charmant?

Et là, le jeune garçon tourna la tête, et vit la petite lumière. De la craie inflammable. Que le monsieur qui fume avec de super abdos était en train de consommer. La voilà la solution. C'était ce monsieur qu'il fallait convaincre de faire un baiser passionné à la demoiselle. C'est à ce moment là que le jeune garçon comprit : C'était cela, le but réel de l'examen. Arriver à faire plier un professeur. Il lui fallait un plan d'attaque. Les deux semblaient se battre contre le zombie, s'il intervenait dans la mêlée, il risquerait de se prendre un coup inutilement. Non, c'est donc regardant le professeur avec le même regard malicieux qu'il y a quelques instants que Ryu' se prépara, à nouveau, à bondir vers lui...

BEETLEJUICE ! BEETLEJUICE ! BEETLEJUICE !

Dans un élan de folie furieuse, la créature s'était animée d'une intention carnassière, comme si... elle avait pris goût à l'âme d'Alysse, et qu'elle se serait bien taillé le bout de gras sur sa tronche. C'était tellement mignon de les voir faire connaissance tout les deux, et même Naoto s'était joint à la fête et faisait connaissance avec son nouveau camarade mort-vivant. Bon, j'admets, la vérité c'est que ça ressemblait plus aux griffes de la nuit qu'à Oui-Oui chez les calinours, mais tant pis, il faut ce qu'il faut. Et visiblement ça leur plaisait aussi donc bon, je ne vais pas jouer les monstres.

Quoiqu'on en dise, il fallait être sûr d'une chose : le cadavre avait la dalle. Et Alysse était de la viande. La seule chose qui venait perturber ma vision Darwinienne de la sélection naturelle, c'était que la viande mettait une rouste au cadavre. Mais genre la fessée méchante, il se faisait malmener au possible.

Bon, malheureusement, ils se trouve que le souci d'un zombie, c'est que même en morceaux il continuera à chercher à manger, et même une main tranchée peut étrangler un humain. Mais cela n'est pas important n'est-ce pas ? Après tout, le fait qu'un sac à lombric ait décidé de boulotter la demoiselle de façon moyennâgeuse c'est pas important. Et il résiste bien le petit. Naoto, de son côté avait décidé d'aider la jeune fille à se défendre, soit. Lui qui semblait si craintif au premier abord était maintenant devenu un croisement bâtard entre un gamin pleurnichard et un maître d'arts-martiaux. Vous me direz, il faut de tout pour faire un monde. Il est pas tout seul dans sa tête ce gosse.

Et Ryusaki... ah Ryusaki... Pourquoi tu me fixes comme ça? T'as jamais vu un mec de ta vie ou quoi ? Il semble chercher une solution et son esprit tordu par l'enfance était en train d'enfanter je ne sais quelle théorie rocambolesque pour résoudre le problème. Et je suis persuadé qu'il est en train de s'imaginer un truc en rapport avec ma cigarette ou avec un bouquin pour bébés qu'il a dû lire y a pas longtemps. Ce gosse n'a pas un esprit cohérent. C'est une cocotte dans laquelle on a fourré des mots au hasard et qui, assemblés au hasard finissent par donner vaguement un concept logique. Mais le pire c'est qu'il s'en sortait pas si mal jusque là. Bon par contre, là il est dans l'erreur la plus complète, puisque la solution est dans sa main. Car oui, c'est bien la craie la solution. Encore faut-il qu'ils soient capable de se rappeller de ce que je leur ai enseigné en cours.

Le zombie, lui, est égal à lui même, il est même en pleine forme. Il pète le feu pour un macchabée. Et en plus de ça, c'est qu'il est très affectueux. C'est plus de l'amour là, c'est de la rage.

_AAAAAAALYYYYYYYYYYYYYYSSSSSSE !!!! MANGER !!!

A ce moment précis il se ruait dans tout les sens, agités de spasmes pendant qu'il titubait vers sa proie. Bien qu'il semblait pataud, il pouvait faire des bonds et des sprints impressionants. Il était malin, c'est sûr, à leur faire croire que ce n'était qu'un mort vivant basique. Il griffait, bavait, tentait de mordre. Et elle esquivait, mais il arriva le moment où il réussit à griffer un petit morceau de vêtement et gratter un petit bout de peau, juste sous son ongle.

Il lecha le tout et se mit alors à hurler de plus belle, à un point que je dus me boucher les oreilles. Là, il était bien chaud, et à le voir de nouveau se jeter sur Alysse, c'est clair qu'il en voulait. Et à la voir essayer d'esquiver, elle semblait fatiguer  sous l'effet du sortilège. Tournant la tête vers Ryusaki, je lui dis dans un sourire narquois.



_Hé... Au lieu de me regarder comme un poisson frit, tu veux pas t'occuper de sauver ta pote ? Si y a un mort, tu perds dix points sur la note.

Je me rallumais une cigarette et me servit un petit café, et contemplait le spectacle, savourant un petit carré de chocolat au passage.

N'empêche que le monsieur avec une nouvelle craie enflammée dans la bouche était beaucoup trop classe. Parce que non seulement, il était en train de consommer sa... Euh... Beaucoup-tième craie, mais en plus, il avait quelque chose qui ressemblait à un thermos de liquide chaud et marron, et surtout un carré de chocolat. Et c'est bon le chocolat. La marque de ceux qui apprécient le bon goût. Et il avait surement un bon goût, le monsieur. Un goût de poisson frit, qu'il disait. C'est bon le poisson frit. Cependant, il y avait un léger détail que le jeune garçon avait oublié : C'est qu'ils étaient, accessoirement, en danger de mort. Mais ce n'était qu'un détail. Cependant, cela fit réfléchir le jeune garçon quelques secondes. Parce que c'était un examen. Or, dans une matière, un professeur sait toujours comment réussir son examen.

"Je sais! Si je me mets dans la peau de Aazzaa... Alzaa... Azla...Dans la tête de prénom-imprononçable-sensei, j'vais trouver la solution!"

Donc, fallait faire comme le professeur. Etre le professeur. Après tout, s'il se mettait dans la peau du professeur, le jeune garçon aura ptet une idée lumineuse sur la matière. Donc, prendre la même pose décontractée que le professeur, en chibi-size, avec un sourire désormais disparu. Ah non, il manque un truc. Ryusaki enleva son haut et attacha les manches autour de son cou pour faire la cape comme le professeur. Non, y'avait un détail qui manquait. Même plein de détails. Il avait pas la tasse de café. Mais ça c'est pas grave. Il avait une craie inflammable dans la bouche. Pour l'imiter, il fallait donc allumer sa propre craie. Donc, une nouvelle fois, le jeune garçon se jeta sur le mégot d'Aazz, essayant de l'utiliser pour allumer sa craie à lui... Ce qui ne marcha absolument pas. Tant pis, Ryusaki reprit la même pose que le professeur de sciences occultes, avec donc une craie pas inflammable à la bouche.

La craie était salée. Han, la triche! Le professeur leur avait donné une craie faite avec du sel pour justement qu'elle ne puisse pas s'enflammer ! C'était une injustice! Lui aussi revendique le droit de pouvoir consommer des craies inflammable au lieu d'avoir des craies de mauvaise qualité parce qu'elles peuvent pas brûler! Cependant, Ryusaki ne laissa rien transparaître puisque le monsieur ne semblait pas s'offusquer et semblait plutôt calme, il fallait être calme aussi. Et parler comme si la mort était juste un truc rigolo qui peut arriver à tout instant à n'importe qui, du moment que ce n'était pas à lui même. Comme si la transformation d'un élève en zombie était un spectacle à déguster avec du pop corn. C'était comme ça que Ryusaki devait être pour réussir cet examen.

"Bah. Si elle devient un zombie, suffit de la ressusciter ensuite, on vient d'voir comment faire après tout, et ça nous fera ptet des points bonus. Et régler son petit problème de faim dévorante, mais bon, on vit généralement bien avec."

Intérieurement, le jeune garçon regrettait ce qu'il venait de dire, mais après tout, il était en train de faire comme s'il était une copie (ratée / en livre de poche) du professeur qui fume. Ryusaki arqua tout de même un sourcil devant la démonstration de précision de Naoto. Un magnifique lancer de sa demi-craie qui avait atteint le zombie et l'avait fait tomber. Apparemment, ils s'en étaient sortis. Cependant, l'examen ne devait pas être terminé. Selon ses calculs, le professeur qu'il était censé imiter devait certainement préparer une autre surprise avec tout cela. Bon. Il fallait tout de même nettoyer et ranger correctement le cadavre pour pouvoir le réutiliser et s'amuser à effrayer d'autres personnes. Et pour ça, il fallait le resceller correctement. Bon, ben, c'est simple, le jeune garçon ressortit le parchemin de sa poche sur laquelle était écrite l'inscription pour le relever.

Bout d'craie à la main, Ryusaki avança nonchalamment vers le cadavre tout en dessinant sur le parchemin avec. Des runes, un peu comme celles tracées sur le sol, mais à l'envers. Après tout, si ces runes étaient des runes de conjuration, d'invocation et de vie, il suffisait d'écrire leur contraire pour avoir l'effet inverse. Expulsion et mort, ça devrait bien marcher. Juste griffonner deux étoiles à 6 et 8 branches sur un cercle avec les runes. Et avec les mêmes coeurs et petites fleurs pour signifier que c'est sur la même personne relevée par le cercle précédent qu'il fallait agir. Un petit trait par ici, un petit bout par là, et il ne restait plus de la demi-craie qu'il avait qu'un petit caillou. Donc, autant s'approcher du cadavre et enfoncer le parchemin dans sa bouche aussi. Plus le bout de craie restant.

"Ah oui, j'allais oublier le pourboire."

Ryusaki se pencha, et chercha dans sa poche son petit porte-monnaie duquel il tira une pièce de 50 yen. Pièce qu'il laissa aussi tomber dans la bouche du cadavre. Fallait bien repayer le passeur du styx, et qu'un autre groupe d'élèves ait une obole à retirer aussi. Après tout, c'est plus ennuyeux quand on peut pas récupérer le matériel. Mais bon. Un soupir, et le jeune garçon secoua sa tête. Avant de reprendre son sourire habituel, naif et enfantin.

"N'était fun! Même si j'ai pas fait grand chose."

Le débriefing

Ils étaient impressionants de détermination, cela va sans dire. Alors je les laissais se battre avec mon macchabée le temps de me rallumer une cigarette. Alors que tout cela n'avait a priori aucun sens à leurs yeux, ils finissaient par comprendre. Enfin, « comprendre » la chance les a aidé on va dire. Pour moi c'était suffisamment lamentable comme ça, mais on allait finir par atteindre des sommets. J'étais déjà en train de foutre des points en négatifs sur les notes de certains, mais j'allais avoir besoin d'un autre système de notation pour le coup. Bien entendu, ils avaient accompli l'exercice, cela sans aucun doute. Le truc qui me chiffonait était que j'avais spécifié qu'ils n'avaient pas le droit de s'échanger les objets. Qui plus est, ils avaient dépassé le délai écoulé. Mais ça ils ne pouvaient pas le savoir, étant donné qu'ils avaient passé leur temps à éteindre la bougie qui devait leur indiquer...

Tant pis, je vais bien voir comment je noterais tout ça. Pour le moemnt je les regardais jouer à la bagarre avec le mort vivant que j'avais décidé d'appeler Marty pour l'occasion. Pour moi c'était évident, mais ils ne semblaient pas avoir encore capté que les craies que j'utilisais étaient composée de sel, entre autre. Et que le sel, ça a tendance à bien clouer les zombies au sol. Mais ils finirent par trouver la combine, les petits génies et après avoir mis une branlée au cadavre récalcitrant, ils finirent également par le remettre dans son cercueil.

J'étais impressioné, car le même cirque eut lieu. Le vent, les éclairs, la lumière, le feu n'était pas là par contre, ça ferait désordre sinon. En tout cas, ça a été sportif dans les bois ce soir. Je regardais ma montre, l'examen avait duré précisément 1h42. Ce qui constituait déjà un bon gros malus et j'en tiendrais compte dans ma notation. Malgré tout, ils avaient bien réussi, gérer la malédiction était un tour de force, ainsi que le tracé du cercle rituel. Le combat contre  Marty était beau à regarder quand même. J'aimais bien, en plus le chocolat était bon, ce qui fait un super bon point pour eux quand même. Il me reste des clopes, ça rajoute un point. Par contre ils sont moches, ce qui leur enlève un point aussi.

Je tournais tout ça dans ma tête, et je me plaçais vers eux.

_Vous devriez avoir recouvré vos pouvoirs maintenant. Si vous vous sentez un peu bizarre c'est normal. Je vais maintenant vous faire un débrief de ce qui s'est passé. L'examen portait en réalité sur un exorcisme mineur. Vous vous en êtes plutôt bien tirés sur la deuxième partie, même si j'aurais préferé que vous utilisiez correctement le parchemin dès le départ plutôt que de mettre mon cadavre de compagnie en si mauvais état. Mais c'est pas bien grave. Vous avez plutôt bien réussi l'épreuve dans sa deuxième partie, mais malgré ça, vous avez dépassé la limite de temps d'une dizaine de minutes.

Je marquais une pause, je me contentais de les regarder comme un examinateur et j'étais devant 3 apprentis mages, je ne pouvais pas être compatissant.

_Naoto, tu as affronté ton adversaire avec brio, tu as protégé ta camarade dans le besoin, et malgré le fait que tu n'aies pas eu l'occasion de trop démontrer tes talents, tu as cependant su rester calme et posé, n'agissant et ne parlant que lorsque c'était nécessaire. Tu as eu de bonnes idées, cependant tu devrait faire preuve d'initiatives plus souvent, et te fier à ton intuition. Tu es reçu à l'examen, avec la note de 11/20. Sois fier de ta prouesse.


Je me tournais à présent vers Alysse Evans. Je m'approchai d'elle et mit mùa main sur son épaule.

_Alysse. Pour ton courage, ta capacité à affronter le danger et ta détermination sont impressionnantes. Tu seras sans doute une magicienne talentueuse une fois que tu auras mûri. Cependant, dans le cadre des sciences occultes, ton impulsivité peut te coûter cher. Qui plus est, tu n'écoutes pas assez les autres, rappelle toi, ton familier a essayé de t'aiguiller, et tu n'as rien voulu entendre. En sciences occultes, rien ne doit être laissé au hasard, sous peine de créer des catastrophes. Les mages noirs qui ont mal tourné à un moment ont toujours eu un excès de confiance en soi qui les a fait basculer. Tu n'es pas reçue à l'examen. 9/20, que cela te serve de leçon à l'avenir.

Enfin, j'abordais le petit, mais vraiment tout petit Ryusaki, avec son sourire niais d'enfant de 5 ans et son regard débordant de guimauves et de petites étoiles... J'en chierais des arcs-en-ciel à trop le regarder ce gosse.

_Ryusaki... Je dois avouer que tu me laisses perplexe. Contrairement à tes collègues, tu as tiré ton épingle du jeu lors de la première phase. Tu as été moins convaincant dans la deuxième, mais tu as fait ton maximum. Je ne reviendrais pas sur ton élan d'affection ainsi que le vol de mon mégot de cigarette. Cela dit, tu as offert un bout de craie à Naoto. J'avais bien spécifié que les candidats ne pouvaient s'échanger les objets entre eux. Naoto ne t'ayant rien donné en échange, tu es donc le seul à avoir enfreint la règle. Tu n'es pas reçu à l'examen, mais je suis bon prince, je te mets 9/20 pour ta vivacité d'esprit. Ne te décourages pas, tu as du potentiel en sciences occultes, si tu te concentrais un peu plus et que tu ne te dispersais pas en permanence.

Je regardais mes trois apprentis, sans laisser transparaitre quoi que ce soit. Sans aucune forme d'affection, les mains derrière le dos, ma cigarette au bec.

_Soyez fiers de vous cependant. Ce que vous avez accompli ce soir, peu auraient eu le cran de le faire. Ne voyez pas votre réussite ou votre échec comme une fin en soi, les sciences occultes sont très vastes, vous aurez forcément de quoi vous rattraper ou échouer. Continuez à travailler avec application, mais sachez que dans ma matière il n'y a pas de réussite si vous doutez de vous. Ayez confiance en vous ! Mais sachez être lucides. Si vous vous sentez invincibles, les forces obscures se chargeront de vous consumer corps et âme. C'est tout. Rompez les rangs jeunes gens, et passez une bonne nuit.

Sur ce, je tournais les talons et m'enfonçais dans les bois en direction du pensionnat. Je n'avais pas encore sommeil, je devais encore écrire mes comptes rendus d'examens, le sourire aux lèvres, car j'étais fier d'eux. Ce soir, à la lueur de la lune pâle, ils étaient devenus de vrais apprentis mages noirs. Et ça, ça dépassait une note à un examen. C'était l'accomplissement de mon enseignement, qui était ce qu'il était, et qui donnait des résultats parfois incongrus, mais en les accompagnant, j'en faisais des mages accomplis, qui comprendraient le monde magique, ses dangers et ses vertus.