Plop. Plop.

Le bruit était continuel. Depuis presque deux heures le son tapait dans le creux de son oreille. Kumi remonta un peu la couverture sur sa tête espérant que cela atténuerait le tambourinement désagréable des gouttes d'eau contre la céramique du lavabo. Un vilain frisson parcourut son dos et elle se terra davantage dans le creux de ses draps, se recroquevillant, une main partit à la recherche de Mouki. Elle aimait sentir ses poils doux glissaient dans le creux de ses doigts, c'était rassurant. Comme une petite fille, elle détestait dormir seul abusant sans honte de la présence de son familier pour se rassurer les nuits sombres. Les mains de Kumi ne tardèrent pas à rencontrer les oreilles de Mouki qu'elle caressa dans un soupir soulagé que récompensa un ronronnement satisfait. Elle referma les yeux.

Plop. Plop...

D'un sursaut exaspéré, la jeune fille quitta le lit et prit la direction des toilettes de la chambre. Dans la pièce la pénombre et le silence était rois, seulement trahis par les respirations sourdes de ses colocataires et le clapotement dans la salle de bain. Elle les enviait de dormir si paisiblement quand elle-même ne trouvait aucun sommeil. Fermant la porte derrière elle, l'écolière vint passer une vague d'eau fraîche sur son visage, puis se tapota les joues. La lueur blafarde du néon donnait à son faciès cerné une expression encore plus épuisée. Kumi, ne se remettait toujours pas de son aventure du samedi dernier. La peur semblait depuis lors collait à sa peau pareille à une vielle amie. Dans la tête de Kumi, comme à chaque fois que l'anxiété la prenait, le dos d'un grand brun apparu. L'image de ses épaules fortes et carrés avait le don de calmer ses peurs les plus profondes. Il n'y avait dans cette pensée aucun amour. C'était bien là, le simple fait de ses rêveries enfantines.

Crr...

De l'autre côté, elle entendit la porte du dortoir grinçait. Kumi, eut juste le temps de sortir la tête par le battant de la porte de la salle de bain qu’elle entrevit une queue mauve s'effacer, dans le noir à l'entrée. «Mouki ?» s'interrogea-t-elle se lançant à la suite du familier. Les couloirs de Tadakai n'étaient pas bien rassurants même la nuit. Ils en émanaient une odeur de javel forte -à n'en pas douter que la ménagère de l'école c'était adonné ardemment à sa tâche après le couvre-feu -. Tâtant les murs pour se guider, Kumi songea qu'elle n'avait jamais rencontré le personnel chargé du nettoyage. Etaient-ils des magiciens ? L'illusion d'une femme bien en chair faisant danser et chanter balais et sauts lui tira un rire étouffé.

-Mouki ! –chuchota-t-elle avançant dans le couloir.

On aurait dit son familier en chasse, ces derniers jours, il ne cessait de fuir. Kumi se décida à prendre l’escalier et aller vérifier dans les dortoirs du dessous. Alors qu’elle s’accrochait à la rambarde elle sentir quelqu’un la frôler et se figea comme une statue. Elle retint sa respiration. Son pouls s’accéléra, elle n’était pas seule. D’un pas tremblant, elle descendit une marche plus basse. Dans une obscurité pareille, il n’y avait aucune raison que la personne peu importe son identité, l’ai remarqué. Elle n’avait plus qu’à s’éclipser, en silence.

Kumi frémit de peur. Le rire moqueur résonnait en échos dans le couloir. Elle déglutit et s’accroupit, sa respiration réduite en un souffle infime pour faire le moins de bruit possible. Il y a quelques mois, elle aurait sans doute paniquée aussi sec, mais depuis peu, elle se sentait plus forte. Kyoya, l’avait durement entraîné et elle se croyait désormais capable de gérer une situation telle que celle-ci où, de toute évidence, on tentait de lui jouer un mauvais tour. Elle entendit les pas s’éloignaient bondissant contre le marbre des marches. La jeune académicienne soupira alors, en silence, et défit le premier bouton de son haut de pyjama qui collait à sa peau et lui donnait l‘impression de l‘étrangler. Dans ces moments là, l’anxiété avait tendance à la prendre à la gorge facilement. Du bout du pied, elle tâta le bord de la marche où elle était assise et descendit avec aisance aussi souple qu’un chat.

La magicienne ferma ensuite le poing et compta jusqu’à trois, avant de rouvrir les doigts sur une petite arachnide rose. Kumi observa son reflet fluorescent éclairé d’une lueur, à peine perceptible, le couloir. C’était une lumière aussi faible que la flamme d’une bougie, mais bien assez forte pour la guider dans cette obscurité. L’araignée tisseuse se cala dans le creux de sa paume, le dard pointé vers l’avant prêt à envoyer une toile collante au moindre mouvement suspect. Kumi, rassurée par sa présence magique se décida à finir son ascension vers le bas, d’une marche plus ferme. La peur n’était jamais bonne conseillère, mais le courage toujours probant n’est-ce pas ? Les ombres sombres que découpaient en reflet rose son minuscule monstre léchaient les murs dans une étrange danse tantôt effrayante, tantôt mourante. On eut dit un combat de coq entre la nuit et le jour.

-Sortez de votre cachette. Je n’ai pas peur de vous. -lança Kumi d’une voix pourtant rauque de frayeur.-

Elle n’aurait pas l’oscar de la meilleur actrice, surtout pas ce soir. L’écolière fit le tour brandissant l’araignée à la recherche d’une éventuelle présence. Elle était sûr de ne pas avoir rêver, mais l’autre élève s’était peut-être contenté de rentrer. Kumi attendit plusieurs minutes, puis haussa les épaules. Dans sa main, l’être magique disparu. Elle n’était plus sur ses gardes.