Déjà la pause du midi. Izaya ne voyait vraiment pas le temps passer. Quoi qu’il fasse, il trouvait toujours du plaisir à le faire et ne voulait jamais s’arrêter. Mais son ventre lui avait gentiment rappelé qu’il avait tout de même des limites. C’était avec de la bonne humeur et son sourire habituel collé aux lèvres que le professeur s’installa dans le réfectoire. Il y avait beaucoup de monde, étudiants comme enseignants. L’endroit était bruyant, mais c’est ce qui plaisait au blond.

On sentait la joie de vivre émaner de ce lieu. Après avoir réussi à trouver une place, Izaya contempla son plateau et commença son repas sans plus attendre. Il pensait à ses cours de l’après-midi. Il savait que certains professeurs trouvait cela étrange mais lui, il était impatient de retourner en classe. En général, ses élèves n’étaient pas difficiles et restaient relativement attentifs. Bien qu’il y ait quelques exceptions, il ne pouvait pas non plus se plaindre de la participation.

Il y avait tout de même des journées plus longues et fatigantes que les autres, mais le professeur se disait qu’il fallait bien un peu de diversité. Un homme brun à lunettes le sortit de ses pensées en s’installant en face de lui. Il avait des yeux étrangement rouges.

Dites moi vous en avez du courage pour venir manger ici vous…

Du courage ? Pourquoi donc ? C’était assez simple pourtant de prendre son plateau et de s’installer pour manger. Ah, il devait parler de la difficulté à choisir un plat. Il y avait beaucoup de choix, en effet. Mais en regardant son plateau, Izaya n’y vit que des desserts. Monsieur devait avoir un palais délicat. Toutes ces sucreries contrastaient quelque peu avec l’air sérieux de l’homme qui était apparemment un de ses collègues.

Il chercha dans sa mémoire quelle matière celui-ci pouvait bien enseigner. Cependant, ne possédant déjà pas la mémoire des noms et des visages, il ne parvint pas à s’en rappeler. Il n’était même pas sûr de l’avoir déjà croisé. Il y avait tellement de monde ici, et le professeur d’anglais était toujours plongé dans ses occupations, en oubliant parfois le monde autour de lui.

J’espère que je vais pas finir sourd en sortant d’ici.

Les rires se faisaient plus fort autour d’eux, et Izaya en conclut que c’était dû à cela qu’il faisait une telle réflexion. Mais tout de même, devenir sourd à cause de quelques rires était un peu exagéré. Au contraire, cela prouvait que tout allait bien. Il était toujours plus agréable d’entendre des rires que des pleurs ou des plaintes. Peu importait les dires de cet homme, cela se voyait qu’il n’était pas ravi d’être ici. Izaya se sentit d’un coup obligé de le faire changer d’humeur. Et puis, c’était l’occasion de faire connaissance.

Mais nan, vous en faîtes pas ! Il vous en faudrait bien plus que ça. Et puis après, vous allez pouvoir retourner en classe de toute façon. D’ailleurs, c’est quoi votre matière ? Et votre nom ?

Le blond adressa un sourire à son interlocuteur, en attendant sa réponse. Il n’en délaissa pas pour autant son assiette, qu’il avait bientôt terminée.

Ah oui vous avez raison… Je vais avoir la joie de retourner en classe après ahahaha…

Et ba voilà. Il voyait le bon côté des choses. Le ton de sa voix manquait un peu d’expression et ne manifestait pas la joie dont il parlait, mais Izaya n’en tenait pas compte. L’homme était apparemment d’accord et cela lui suffisait.

Je pourrais revoir mes magnifiques et très intelligents élèves…

Alors comme ça, lui aussi avait une classe sympathique ? Tant mieux, c’est toujours plus agréable de travailler dans de bonnes conditions ! Son collègue avala un de ses nombreux desserts. Cet homme était assez étrange. S’il était content de retourner en cours, pourquoi parlait-il comme ceci ? Izaya ne comprenait pas trop.

Arts occultes - Azarel Kai.

Azarel Kai… Non, décidément, c’était la première fois qu’il entendait ce nom. Mais cela ne le rendait que plus heureux. Faire de nouvelles connaissances était toujours enrichissant. Le blond espérait que cela sortirait le brun de son ennui apparent, qu’il ne s’expliquait toujours pas. Il savait que certains professeurs ne prenaient aucun plaisir à enseigner. Mais dans ce cas, pourquoi continuer ?

Si ceux-ci ne s’arrêtaient pas, c’était bien parce que malgré tout, ils avaient envie de continuer, n’est-ce pas ? Dans tous les cas, Izaya savait que si un jour, un ou une de ses collègues décidaient d’arrêter du jour au lendemain, il voudrait le ou la faire changer d’avis. Pour lui, ce serait comme perdre un ami. Et puis, les élèves, que diront-ils ?

Et vous ?

Moi, c’est Izaya Kanzoku ! Professeur d’anglais, pour vous servir !

Une fois présenté, il vit que le regard d’Azarel se dirigeait vers son assiette.

Vous avez un estomac solide dîtes-donc…

Ah, oui, on me le dit souvent ça. Je peux avaler beaucoup de choses. Je ne grossis même pas, et ça c’est cool ! Mais bon, c’est souvent bon ici donc c’est pas de ma faute si le choix est aussi difficile. Je n’aime pas faire des choix compliqués. Du coup, je prends plusieurs choses héhé.

Il sourit, légèrement gêné de lui avouer que c’était, sans trop l’être non plus, un goinfre, ou, pour être plus joliment dit, un bon mangeur.

Vous êtes ici depuis longtemps ? Je n’ai pas le souvenir de vous avoir vu avant. Et vous venez d’où comme ça ? Vous êtes un hybride n’est-ce pas ? Je peux le lire dans vos yeux…

Izaya avait dit sa dernière phrase en prenant un ton mystérieux et en se donnant un air de magicien qui lit dans les pensées des autres, faisant gesticuler sa main devant le visage d'Azarel. Il aimait bien se moquer de lui-même tout en faisant sourire les autres. Mais vu l’enthousiasme du professeur d’arts occultes, il ne savait pas si cela aller marcher aussi facilement.

Hum. Quelle pertinence dites donc ! Vous avez l’œil !

A la remarque d’Azarel, Izaya sourit de toutes ses dents, fier de lui.

Je suis ici depuis le début de l'année... Mais à la base je suis un hybride loup.

C’était donc un « nouveau » professeur ici ! Et un hybride loup qui plus est. Le blond aimait beaucoup les hybrides, il les trouvait intéressants car tous très différents les uns des autres. Après tout, sa meilleure amie était elle-même l’une d’entre eux. Un cookie plus tard, l’homme aux yeux rouges continua.

Et vous alors ? Vous venez souvent manger ici ?

Oui ! En fait, j’ai rarement le temps de sortir manger ailleurs le midi, alors je viens ici, c’est pas plus mal et ça me permet de gagner du temps. Et puis, j’aime bien être ici, c’est convivial. Parfois, il m’arrive même que des élèves viennent vers moi me poser des questions à propos des cours et je finis,  s’en forcément m’en rendre compte, par manger avec eux !

Izaya rit à ce souvenir. Ce jour-là, il s’était bien amusé, et ses liens avec ses élèves s’était resserrés. Enfin, avec les élèves désireux d’apprendre bien sûr. Les autres se tenaient le plus possible éloignés des professeurs en général.

Tiens donc Mushisa... Moins cinq points dans la moyenne

Il entendit le professeur parler à un élève qui était apparemment le sien. Cinq points ? C’était beaucoup ! L’élève ne rétorqua pas, puisqu’il n’entendit aucune protestation. L’homme blond se demandait si l’hybride allait vraiment mettre à exécution sa punition.

Cinq points, c’est pas un peu trop vous croyez ?

Il observa Azarel, qui regardait son assiette d’un air soudainement dégouté. Cette petite altercation l’aurait-elle à contrariée ce point ?

Et puis, c’est pas bien grave. Il ne l’a peut-être pas fait exprès !

Quoi qu’il dise ou quoi qu’il fasse, Izaya avait toujours ce sourire sur son visage. Il était bienveillant, et ce, envers tout le monde. Il n’essayait pas de défendre l’élève, mais plutôt de diminuer la sanction. Une aussi lourde punition devait signifier qu’il avait l’habitude de punir sévèrement ses élèves. Il ne devait pas être très apprécié de ceux-ci du coup. Et c’était dommage, ce serait tellement mieux de faire cours avec une bonne ambiance entre les élèves et le professeur !