Je venais de me réveiller, l'oreiller baigné de larmes. J'avais rêvé de mes parents. Je me retournai sur le dos et écoutai les bruits de respiration de mes nouveaux amis.
Comme tout était paisible, la nuit. Une petite brise rafraîchissante pénétrait par la fenêtre ouverte en même temps que les sons nocturnes de la ville éloignée.
Sentant qu'une crise de larmes ne tarderait pas, je me levai discrètement et enfilai un survêtement. J'attrapai mes chaussures au vol puis ouvris la porte. Coup d'oeil à gauche, à droite. Personne. Refermant la porte le plus délicatement possible, je me mis à avancer sans autre but que la sortie.
Un bruit suspect de porte me fit sursauter. Fausse alerte. Je me détendis mais usai tout de même de mon pouvoir d'invisibilité pour être sûre de ne pas me faire détecter.

Atteignant l'extérieur et redevenant visible, je me rendis compte que, comme prévu, l'air frais de la nuit me faisait du bien. Je me préparai à avancer vers les jardins lorsque je changeai d'idée: j'allais aller sur le toit du lycée. Ce devait être très agréable d'y monter et d'y observer les étoiles.
C'est donc sur le toit que je montai. J'allais y être bien, c'était sûr. Un petit coup d'oeil à ma montre m'informa de l'heure: bientôt minuit.

J'atteignis enfin le toit, vaste étendue plane et globalement rectangulaire à laquelle on pouvait accéder par deux escaliers. On pouvait y trouver des antennes et aussi un petit bâtiment servant au contrôle et à la réparation du système de climatisation. Je m'avançai près du bord. Les toits étaient ceinturés par un grillage de 2m50 de haut environ pour "prévenir des accidents".

Un bruit. Je me retournai en songeant au comité de discipline et en me mettant du même coup dans mon état d'invisibilité.

Au dessus de ma tête, les étoiles brillaient et projettaient avec la lune une faible lueur blafarde sur le lycée.
Je frissonnai.

Cette fois, c'était sûr: j'avais entendu un bruit de course et j'avais en plus aperçu une ombre escalader le petit bâtiment. Il ne s'agissait sans doute pas d'un membre du comité de discipline ou d'un éventuel professeur faisant une ronde.
Je m'approchai donc tout doucement du petit bâtiment, toujours sous couvert de mon invisibilité.
Je savais que j'allais commettre une énorme erreur mais c'était plus fort que moi. Quelque chose me poussait à aller voir de quoi il s'agissait.
Ensuite, je descendrais au jardin afin de limiter les risques.

J'étais maintenant à trois mètres tout au plus de la petite construction et un nuage se plaça devant la lune, histoire de me forcer à avancer encore plus près. Je sentais que mon pouvoir commençait à faiblir. Après tout, je l'avais pas mal utilisé aujourd'hui et c'était un peu fatiguant, même si je ne ressentais pas cette fatigue immédiatement.
Je redevins donc visible, me disant que ce nuage me permettrait de prendre la fuite si je me faisais repérer. Avançant un peu, j'avisai une échelle sur le côté le plus proche de moi. Je gravis trois barreaux, le plus silencieusement possible. Ce bloc de béton mesurait dans les trois mètres de hauteurs alors je gravis à nouveau deux barreaux. Cela ne faisait dépasser ma tête jusque sous les yeux: idéal pour observer sans être vue.

Je décelais une forme plus foncées, allongée sur le toit. Apparemment, le personnage portait une casquette à visière courte.
Un rayon de lune se décida à percer le gros nuage durant l'espace d'une à deux secondes, me laissant suffisamment de temps pour reconnaître le garçon dont j'avais rêvé la veille au matin.

La surprise me fit brutalement lâcher l'échelle et je fis une chute de cinq barreaux en arrière, retombant sur le dos assez lourdement et perdant connaissance pendant quelque secondes.

Lorsque je revins à moi, ce fameux garçon était penché au dessus de moi, toujours sur le toit. Il avait l'air inquiet et me demandait si j'allais bien. Je sentais que mon dos m'élançais mais surtout que j'avais dût me cogner la tête assez fort.

-Euh... Oui... Aïe!

J'étais vraiment mal tombée. Ça m'apprendra à être curieuse, tiens!
Soudainement, je me rendis compte que c'était arrivé parce que je l'avais un peu espionné. Je rougis d'un coup et me dissimulai le visage derrière mes longs cheveux argentés. Je me serait même rendue invisible et aurait fui si je n'avais pas été aussi vide en force magique.
C'est donc avec ce faible rempart que je dissimulai ma gêne. Je me relevai et m'époussetai tout en défroissant ma veste.

Je ne savais pas vraiment quoi dire mais je ne pouvais pas me résoudre à quitter le lieu comme cela. Le souvenir de notre première rencontre refit surface dans ma mémoire, ce qui provoqua une nouvelle vague de gêne et de rougeur au niveau de mes joues.

-Euh... je suis désolée, je ne voulais pas t'espionner... Je me demandais juste qui pouvait bien être venu ici en pleine nuit...

N'était-ce pas quand même un peu de l'espionnage?

-Je... J'avais entendu tes pas et...

Le reste se perdit en un murmure que je ne compris pas moi-même. Je n'étais absolument pas crédible, je le savais et je n'arrivais même pas à me justifier correctement.
Il aurait été normal qu'il s'énerve un peu ou se montre agacé et je l'aurais très bien compris. Je savais également que je devrait me tirer de là et le laisser tranquille, cependant, je restai figée là, droite comme un I, les cheveux cachant mon visage.

Il n'avait absolument pas l'air de m'en vouloir, enfin, d'après ce que je pouvais constater avec mes cheveux tombant en masse sur mon visage. Cela me déstabilisait un peu et comme je n'étais déjà pas bien stable, je devins encore plus gênée.

A un moment, je levai discrètement les yeux sur lui et je vis... une larme rouler? Il avait ensuite commencé une explication bancale et incompréhensible puis fondit en larmes.

Je m'était donc retrouvée là, les bras ballants, à ne pas savoir que faire. A vrai dire, depuis ces derniers jours et la mort de mes parents, j'avais oublié que d'autre personnes étaient malheureuses et avaient besoin de réconfort.
Je l'avais donc regardé quelques instants avant de prendre une décision.

Je grimpai l'échelle et vint m'asseoir à côté de lui, le prenant dans mes bras comme il l'avait avec moi la dernière fois et lui murmurant des paroles qui se voulaient réconfortantes.

-Allez, ça va bien se passer. Tout va bien...

L'inutilité de telles répliques me sauta immédiatement aux yeux et je me tus, me contentant de le gardé serré dans mes bras.
Celà devrait pouvoir le réconforter un peu. Il est plus facile de se décharger de sa peine en en parlant avec d'autres personnes et c'était ce que j'avais appris dans l'après-midi.
Comme il continuait à pleurer, je me sentis à nouveau triste et l'ajout du souvenir de mes parents finit par me faire verser, à moi aussi, des larmes silencieuses.

A un moment, je sentis que le garçon s'écartait un peu de moi, me tenant cependant, toujours la main. Je séchai mes larmes d'un revers de l'autre main et me tournai vers lui en lui lançant mon sourire le plus radieux.
Il me semblait que, tout les deux, nous pouvions communiquer et nous comprendre sans parler.
Comme il avait l'air de s'être un peu calmé, je finis par lui demander si ça allait mieux. Moi, je savais que ça m'avait fait du bien mais lui, je ne savais pas.

Je regardai la ville et ses lumières, là-bas, après le vaste jardin de Tadakai. Quel lieu magnifique. J'aurais voulu rester là pour l'éternité mais un coup d'oeil à ma montre me prouva que le temps suivait son cours et qu'il était bientôt deux heures du matin. On était visiblement resté collés ensemble plus longtemps que je ne l'avait imaginé.

Les étoiles brillaient et la lune avait de nouveau disparu derrière un nuage gris translucide.

-La nuit est magnifique, tu ne trouve pas ?

Je me tus à nouveau, écoutant le vent dans les arbres, les bruits nocturnes d'insectes et d'oiseaux et, plus loin, le faible bruissement de la circulation urbaine.
Je me rendis soudain compte que, si proche que nous étions maintenant, après avoir partagé notre chagrin et s'être consolés mutuellement, je ne connaissais pas son nom.

Je me tournai alors une nouvelle fois vers lui et lui souris de nouveau.

-Mon nom est Anko Iwanishi. Et toi, comment t'appelles-tu?

Yaoto Yukinojo... Je lui souris. Il avait vraiment l'air d'aller mieux ou, du moins, il semblait plus heureux.
Je ne savais pas ce qui l'avait rendu si triste mais je ne lui demanderais pas à moins qu'il ai besoin d'en parler. J'était toutefois sûre que ce devait être pour une raison proche de la mienne: la perte d'un être cher.

Je demeurai encore quelques instants à le regarder en souriant puis, avec un soupir de satisfaction, je m'allongeai sur le dos.
Je tenais toujours sa main.

Je me sentais bien. Réprimant un bâillement, je tournai de nouveau la tête vers Naoto. Il avait rabattu sa casquette sur ses yeux, ce qui lui donnait un air encore plus mystérieux. Quelque chose m'attirait mais j'étais incapable de saisir ce dont il s'agissait. Peut-être ses grands yeux tristes? Ou alors cet air un peu indéchiffrable? Je ne savais pas.

Tout à coup, le vent se leva, rabattant des mèches de cheveux sur mon visage. L'air avait fraîchit et je sentais maintenant l'humidité de la nuit. Un frisson me parcourut: j'aurais dû me vêtir plus chaudement. J'allais sans doute devoir rentrer à la chambre, si j'avais froid. Je n'en avait pourtant pas envie.
Je frissonnais à nouveau en me redressant.

Mes jambes pendaient le long du mur du petit bâtiment. Il me suffisait de me laisser glisser jusqu'en bas puis redescendre aux dortoirs.
Je choisi pourtant de me serrer à nouveau contre mon voisin pour tromper la fraîcheur de la nuit. Puis je fermais les yeux pour profiter pleinement des sons nocturnes que j'affectionnait tant.

Il avait raison. Cette nuit était magnifique et j'aurais souhaité qu'elle dure pour toujours.

-Moi aussi. On est vraiment bien, ici, Naoto-san.

On se regardait les yeux dans les yeux. Je ne cessais plus de sourire. Après tout, je gardais de nombreux souvenirs heureux du temps où mes parents étaient encore vivants. Certes, j'allais encore être triste de leur disparition et ils allaient me manquer; mais je ne devais pas continuer à me morfondre et à nager dans ma douleur. Je devais la surmonter. C'est ce qu'ils auraient voulu.

Ainsi, j'étais de nouveau joyeuse et je pouvais sourire à mon compagnon. Serrés l'un contre l'autre, nos visages n'étaient séparés que de quelques centimètres.

Un nouveau frisson me saisit tandis qu'une petite brise continuait à souffler au ras des toits du lycée Tadakaï. Une chouette passa près de ma tête en hululant.

-Malheureusement, tout a une fin. Il est impossible de stopper le temps. J'ajoutais après un instant de réflexion: Mais qui sait, peut-être existe-t-il des mages comme nous qui disposent de ce pouvoir? Ou même d'un pouvoir leur permettant de voyager dans le temps.
A quelle époque irais-tu, si tu possédais ce pouvoir? Moi je pense que je retournerais juste avant le départ de mes parents pour les prévenir de l'accident.

Mes yeux s'embuèrent à nouveau mais cette idée me redonna une bouffée d'espoir bien que je n'en saisisse pas la raison.

Après un long moment, je finis pas me relever et dire à mon mystérieux compagnon:

-Je vais retourner au dortoir. Merci beaucoup, Naoto-kun.

Je déposais ensuite un baiser sur sa joue et sautais du petit toit.

Avec ses derniers mots, je me retournai vers lui et lui fit un joli sourire, les yeux fermés puis lui fit un petit signe de la main et m'éloignai dans la nuit, retraversant tout  le toit, descendant les escaliers et me glissant furtivement dans le couloir du pensionna, cherchant à tâtons la poignée de la porte de ma chambre, que je tournai avec délicatesse et refermai sans bruit.
Retournant auprès de mon lit, je retirai mon survêtement et me glissai sous mes draps.

Je repensai alors à ce moment que j'avais passé avec Naoto sur le toit. Ça nous avait fait du bien à tout les deux d'être ensemble et partager cette tristesse.
Il m'avait dit qu'il n'aurait pas utilisé le pouvoir parce que s'il le faisait, il ne pourrait pas rencontrer ses nouveaux amis et me rencontrer moi.
Cette pensée me fis rougir et je tirai les draps sur ma tête, m'endormant tout en me demandant ce qui m'avais poussé à l'embrasser.

HRP: