Bon, je me retrouvais toute seule dans la chambre, mes deux colocataires s'étant précipités vers le réfectoire. J'arrangeais une dernière fois ma mise, vérifiant mon uniforme et passant, tout comme Ichi-kun un coup de brosse dans mes cheveux couleur argent.
Alors que je m'apprêtais à fermer la porte, mon regard fut attiré par une chose qui se trouvait sous mon lit.
Je m'apprêtais à aller récupérer le livre lorsqu'un piaillement suraigu et impatient, provenant de Shanku me pressa de fermer la porte et de descendre manger.

Je suivis donc sans plus tarder mes amis, en direction du réfectoire, reportant à plus tard le ramassage du bouquin.
Le réfectoire était un bâtiment à part, bordant le grand jardin. Je rejoignis rapidement les deux garçons qui m'attendaient.
Ainsi, nous entrâmes dans le réfectoire et je vis que les yeux de mon familiers commencèrent à briller de joie et de gourmandise, une larme apparaissant même au bord de l'oeil droit.
Jamais je n'avais eu aussi faim de toute ma vie.
M'approchant du menu, j'en commençais la lecture. Tout me faisait envie, l'évocations des plats, illustrés par des images télépathiques envoyées par ma dragonne, me faisait monter l'eau à la bouche.

Je me tournais vers Ichi-kun et Ryusaki-kun, leur demandant:

-Qu'est-ce que vous allez prendre? Tout me fait envie mais je ne sais pas trop que choisir.

Je pensais que j'allais me laisser tenter par un mapo doufu... Je préférais cependant auparavant recueillir l'opinion de mes amis.
Vu le panneau de circulation que Ryusaki venait de s'enfiler, je doutais qu'il ait encore toutes ses dents mais plus encore qu'il ait encore faim. Je l'interrogeais donc sur ces pratiques pour le moins insolites.

L'interdiction de tourner à droite avait totalement disparu des mains du jeune garçon lorsqu'il arriva en compagnie d'un autre garçon et d'une fille au réfectoire. Les deux personnes ne semblaient pas très intéressés par un panneau déjà à moitié dévoré, cela tombait bien, cela en faisait plus pour lui. Et apparemment, tout le monde avait faim. C'est vrai que la nourriture conventionnelle était peut-être plus appréciable pour des personnes qui n'étaient pas lui. Bon, ben. Au moins, une bonne odeur lui disait qu'ils allaient dans la bonne direction. Et une fois arrivé... Il y avait une belle ardoise où il y avait écrit tout ce qu'il y avait au menu. Il y en avait, des choses. Ryusaki regardait l'ardoise en bavant, comme ses deux camarades. Sauf que lui voulait l'ardoise en elle-même, pas pour ce qui était écrit dessus. Cependant, il dut se résoudre. S'il mangeait l'ardoise, il n'y aurait plus d'endroit pour eux pour baver devant. Donc, ne pas y toucher.

"Pourquoi choisir? Un peu de tout aiderait à savoir quoi prendre la prochaine fois, non?"

C'est vrai qu'il avait reçu de la directrice un petit papier spécial, qu'il s'était juré de ne pas dévorer, au vu de son pouvoir. Non pas que le papier était magique, mais son effet était magique. Car il s'agissait d'une autorisation, de par sa condition, de pouvoir commander plus qu'une personne normale. Qu'il avait droit à autant que nécessaire... Mais pas plus. Ce qui représentait déjà beaucoup. Il ne fallait pas non plus priver tous les autres élèves de repas, ce que Ryusaki ne voulait pas. Il était le mieux placé pour connaître les méfaits de la faim, après tout. Donc, se mettre une limite, aussi terrible que ce soit. Et accessoirement, prendre ce qui apparemment ne s'écoulera pas très bien, si possible. Un plateau? Pourquoi pas, ça craquait bien sous la dent. Sauf que Ryusaki se rendit compte cinq secondes plus tard que là n'était pas son utilité principale. Bon ben, autant en prendre un deuxième et s'en servir correctement.

Bon. Tout d'abord, prendre un verre d'eau. Et un mouchoir. Tout doux, tout fondant sur la langue. Un petit sachet de thé earl grey et une petite portion individuelle de miel d'abeilles locales. Il y aurait surement un endroit où ils pourraient avoir de l'eau chaude, cependant, Ryusaki aimait beaucoup macher les sachets de thé. Leur amertume douce était généralement très agréable. Un détail le fit s'arrêter. Un coin qui apparemment était encore plein, puisqu'il s'agissait de produits généralement bons pour la santé, mais au goût trop prononcé pour que les élèves aiment bien. En l'occurrence, le jeune garçon prit un flacon en verre d'huile de foie de morue.

Et juste à côté, on lui proposait un potage de légumes. Ce qu'il accepta avec plaisir, un grand bol de potage à la citrouille. Un doux parfum, une soupe bien concentrée et pleine de vitamines. Peut-être qu'il commençait à faire trop chaud pour ce potage, mais ce n'était pas le genre de détails qui arrêtait le jeune garçon. Qui avait pris au passage deux fleurs du pot d'à côté. Des zinnias bien parfumées. Avec le petit ver à soie accroché dessus, que le jeune garçon croqua directement. C'était doux et sucré, bien qu'un peu terreux, avec très peu de résistance à la dent. Ce qui irait bien avec? Un peu de lait bien chaud. Et avec du lait, quelques patisseries.

Bon. Son estomac commençait à gronder. Il lui fallait quelque chose de doux. Ou quelque chose qui a beaucoup de goût. Quoi qu'il en soit, un plat de nouilles sautées devrait être bon. Rien qu'à l'odeur des nouilles, Ryusaki pouvait sentir du boeuf, des carottes, du poireau, du soja, des champignons et de la sauce huitre. Cela allait être délicieux. Une petite tranche de pain de seigle sur le côté, et du fromage suisse pour l'accompagner. Et une tartelette aux fruits secs. Mais retournons aux plats. Les accompagnements... Du basilic? Ryusaki en prit quelques feuilles. Il en prit même un petit tas.

Quelque chose d'autre? Il n'avait plus vraiment de place sur le plateau. Le poser quelque part et enlever ce qui gênait le plus. Or, ce qui dépassait légèrement était le verre d'eau. Autant donc le manger. Enfin, le boire, puis le manger. Voilà, là il avait une petite place pour quelque chose en plus. Et manger tout de suite les zinnias lui permettait de prendre à la place deux roses qui étaient là aussi en décoration. Quelques bonbons losanges au miel et au citron, ca faisait pas de mal. Qu'il prit avec une pince, avant d'avaler ladite pince. Bon. Plus beaucoup de place quand même. Un petit bol de petits pois. Un bout de brie, un petit bol de potage pékinois, un peu de fromage de chèvre... Il en voulait plus. Encore plus. Toujours plus.

Même s'il ne le devrait pas.

Rejoignant ses deux camarades avec son plateau très rempli de tout et de rien. Un grand sourire aux lèvres. S'installant avec eux à une table, Ryusaki se rendit compte qu'il lui manquait quelque chose sur son plateau. Quoi de plus normal puisqu'il l'avait déjà mangé plus tôt pour faire de la place.

"Zut, me manque juste une petite chose. Vais nous chercher du sel et du poivre, en attendant, peux-tu, s'il te plait, m'apporter un tout petit verre d'eau?"

Spoiler:

HRP:

Je m'était installée à côté d'Ichirouta et je regardais attentivement le déroulement des opérations. Ryusaki avait l'air si... affamé...
Comment pourrait-il avaler tout cela? Cela me rendait malade rien que d'y penser mais je ne parvenais pas à détacher mon regard de cette scène. Il prenait absolument de tout, dévorant même ce qui n'était normalement pas comestible. J'avais été droguée, c'était pas possible!

-Ichi-kun! Comment fait-il...?

Mais voila que le monstre, car je ne pouvais pas envisager cela autrement, venait de s'installer en face de moi.
J'étais tellement choquée par tout ça, le panneau, le plateau et son arrivée fracassante dans la chambre, que je demeurais bouche bée lorsqu'il fit sa requête. Ce n'est qu'au bout de quelques instants que je réagis:

-Oui, bien sûr, Ryusaki-san.

Me levant pour aller lui chercher un nouveau verre, je ne pus m'empêcher un regard en arrière. Secouant la tête je finit par me rendre à l'évidence: il s'agissait d'une contrepartie de son pouvoir. Il pouvait apparemment manger tout ce qui existait à la surface du globe mais souffrait en contrepartie d'une faim permanente.

Je récupérais donc un verre en bon état pour le glouton et retournais à ma place tout en méditant la dessus.
Ainsi donc, les colocataires de la chambre 7 étaient un footballeur mignon mais ressemblant à une fille et ne parvenant pas à maîtriser son pouvoir, un petit garçon turbulent et dévorant n'importe quoi et
une jolie fille très gentille mais extrêmement timide et devenant invisible pour un rien (oui, c'étais de moi que je parlais). Comment serait le prochain?

Alors que j'avançais dans la cohue, je bousculait quelqu'un je m'excusait rapidement en rougissant mais la personne n'en sut rien: j'étais déjà partie en courant et en étant invisible. C'est donc assise à côté de mon ami que je réapparut.

Une question me vint à l'esprit et c'est, cette fois, en me dissimulant entièrement le visage dans mes longs cheveux argentés que je demandais:

-Ryusaki-san, est-ce que tu crois que... tu pourrais avaler... une barre d'uranium telle qu'on utilise dans les centrales nucléaires?

"Une barre... D'Uranium? Jamais essayé. C'pas comme s'ils en vendaient aux supermarchés locaux. Mais je vois pas pourquoi je pourrais pas."

En effet, le jeune garçon avait beau chercher, dans n'importe quelle boutique ou centre commercial, il n'y avait généralement aucune vente d'uranium. Ce que Ryusaki trouvait dommage, mais de toute façon, ce n'était pas comme s'il en avait réellement cherché. Après tout, il y avait déjà tant à manger à sa portée qu'il ne cherchait pas réellement à découvrir ce qui était trop difficile à obtenir... Pour l'instant. Là, d'abord se concentrer sur ce qui était devant soi. Et ce qui était devant... Plein de plats! Fromage de chèvre à l'huile de foie de morue, pâtisserie à la soupe de potiron, et même petite coupelle au miel! Et au moment où il allait attaquer... Une demoiselle se présenta, et semblait être la dernière occupante de la chambre d'après ce qu'elle disait. C'est vrai qu'il y avait un nom en dessous du sien. Ombrage, donc.

"Enchanté, Ombrage. Moi c'est Ryusaki."

A peine s'était-il présenté qu'il entendit tousser. Apparemment, Ichirouta avait quelques soucis avec son repas. A croire qu'il avait avalé de travers... Le laissant ainsi prendre le verre d'eau qu'Anko lui avait rapporté. Bon, ben, autant continuer à manger. Tant de goûts différents, qu'il s'amusait à manger séparément ou en mélangeant de manière un peu aléatoire. Toutes ces magnifiques combinaisons étaient si délicieuses... Du moins pour lui. Sauf qu'un bruit l'arrêta en plein milieu de ses mélanges. Apparemment, Ichi' avait fait tomber un autre pichet... Bon, ben, tant qu'à faire, Ryusaki se leva et rejoignit le garçon aux cheveux bleus.

"Laisse-moi t'aider, à deux, on ira plus vite."

Un petit vent semblait passer. Ryusaki n'arrivait pas à en déterminer l'origine, ne sachant pas vraiment d'où venait ce courant d'air, qui n'était pas désagréable. En tout cas, éponger le tout allait assez vite, et la véritable raison pour laquelle le jeune garçon s'était proposé de l'aider... Etait de pouvoir manger la serpillère. Après tout, il avait une petite tâche de soupe à la citrouille sur le coin de la joue, qu'il fallait qu'il nettoie, et il avait déjà mangé ses mouchoirs. Donc, autant utiliser la serpillère pour cela, et tant qu'à faire, autant manger la serpillère aussi. C'est ainsi que les deux garçons revinrent à table, trempés, mais l'un d'entre eux était content.

"Nyaaaah. Bon ben, continuons l'repas! Au fait, vous voulez goûter de quelque chose?"

HRP:

J'avais compris que ma question était idiote, voire même carrément dangereuse avant même d'avoir fini de la poser. Cela fut d'ailleurs confirmé par le petit rire qui parti derrière moi.
Je me retournais un peu vexée mais j'interrompis mon mouvement en cours de route: Ichirouta était littéralement en train de s'étouffer. Il faut dire qu'il s'était jeté si goulûment sur son repas... Il avait attrapé chacun de nos verre et les avait descendu d'un seul trait.
S'ensuivit une multitude de péripéties fort distrayantes durant lesquelles il dut éponger le sol après avoir renversé deux pichets.

Je reportais donc mon attention sur la moqueuse de tout à l'heure: la nouvelle venue s'appelait donc Ombrage Lazarin.

-Bien... bienvenue, Ombrage-chan.

Elle avait vraiment l'air d'humeur joyeuse et c'était plutôt rassurant de n'être pas la seule fille dans cette chambre.

-Installes-toi donc avec nous! On est justement en train de faire connaissance.

Ce n'était pas tout à fait faux, je ne connaissais pas Ichi-kun depuis une heure et je venais juste de rencontrer Ryusaki-kun.

Ces moments d'amusement et de convivialité m'avaient temporairement fait oublier la douleur qui m'accompagnait depuis le matin.
C'est alors que je fis attention au plateau de Ryusaki: Un mélange des différents aliments, comme une palette de peinture, voila ce qu'il était devenu. Apparemment, il testait de nouvelles saveurs, se concoctant des échantillons et réitérant l'expérience en plus grande quantité en cas de résultats concluants.
Je préférais décliner son offre, d'un gentil sourire et d'un petit signe de la main. Je préférait ne pas risquer de gâcher mon repas à cause d'un mélange malheureux tel que... du brie macéré dans de la sauce soja. Et cet exemple n'était pas le pire, loin de là. Avez vous déjà goûté un mélange serviette en papier-miel-soupe-champignon?

-Alors, Ombrage, t'es-tu déjà installée dans la chambre? Tu verra, je pense qu'on y sera bien. Le seul problème c'est que les garçon, et notamment Ichi-kun, ne sont pas très ordonnés.
(nouveau sourire, en direction de ma nouvelle amie, cette fois)

Manger d'abord. Parler plus tard. C'est vrai que Ryusaki faisait un petit peu de bruit en mangeant. Cependant, il fallait le comprendre, il était difficile de faire peu de bruit quand, à l'intérieur de sa bouche, porcelaine et verre s'entrechoquaient avec des aliments plus conventionnels. Pour lui, une petite coupelle était aussi craquante que des chips, et en plus, ils étaient parfumés avec ce qu'ils contenaient à l'origine. Le jeune garçon avait une petite préférence pour l'assiette de brie. Le brie, c'est cool. Ca allait très bien avec la soupe de citrouille. Et le potage pékinois était un délice avec les deux-trois roses. Et avec tout cela... Le jeune garçon n'entendait la conversation actuelle que par bribes. Et il s'en désintéressait légèrement. Manger d'abord. Et, par des gestes furtifs, en donner à manger à Usa, assise à côté de sa chaise.

Quelque chose lui tira la manche du pantalon. Faisant une pause dans son repas, le jeune garçon vit son lapin en peluche avec un vase à moitié dévoré dans une patte, et l'autre patte supérieure qui lui tirait le pantalon pour lui indiquer un autre familier qui s'approchait de lui. On aurait dit un renard, avec plein de queues. Ryusaki se demanda brièvement quel goût il avait, s'il pouvait éventuellement lui donner une de ses queues vu qu'il en avait plein. Peut-être qu'il avait faim aussi. Ce qu'il y avait de bien avec son pouvoir, c'est qu'il ne lui permettait pas de tout manger, mais de tout rendre comestible pour pouvoir tout manger. Ainsi, il n'avait aucun souci à donner n'importe quoi à n'importe qui, quelle que soit l'espèce, et cet être pourrait manger sans problème ce qui était donné. C'est pourquoi il tendit au petit animal une brochette improvisée de boeuf, champignons et carottes, le tout recouvert de miel. En défendant Usa de la manger. Elle en aurait une plus tard. Ca parlait sinon vaguement de pouvoirs... Autant rejoindre la conversation, en espérant ne pas trop se tromper.

"Bon, ben, apparemment, si j'ai bien compris... Anko peut se cacher derrière ses cheveux et Ichi peut désordonner les choses quand il a des émotions. C'est ça?"

Techniquement, il n'avait pas totalement tort. Cependant, ces deux actions sont plus des conséquences de leurs pouvoirs plutôt que leur pouvoir en eux-mêmes. Mais, venant de faire leur rencontre, il n'avait pas non plus compris quels étaient leurs pouvoirs respectifs, n'ayant pas tellement fait attention. Ce à quoi il fit attention, en revanche, c'est que Ichirouta lui avait donné quelques unes de ses boulettes de riz. Ooooh. Ca c'était gentil! Tout souriant, Ryusaki ne se fit pas prier pour en prendre. Avant d'en tendre à Usa et au renard qui était à côté.

"Pas de souci, il peut le manger. Car c'est ça mon pouvoir. Je peux rendre tout comestible par n'importe qui."

Et bien vite, un peu aidé par Usa-chan, son plateau pourtant rempli plus qu'au bord il y a quelques minutes était désormais vide. Totalement. Les plats étant intégralement engloutis. Même le plateau, Ryusaki le mordit dans le sens de la longueur afin de le diviser en deux pour donner la moitié à Usa-chan. Et voilà, tout avait disparu, circulez, il n'y avait plus rien à voir. Le voilà rassasié... Pour le moment. Il savait que quelques instants suffiraient à ce qu'il ait encore faim, mais un estomac vraiment plein comme cela le laisserait tranquille au minimum une vingtaine de minutes. Et puis, il avait son petit bout de plateau qu'il grignotait lentement. Se tournant vers l'autre garçon de la table avec un grand sourire.

"C'est quand même cool, d'avoir dans notre chambre deux demoiselles toutes deux plus mignonnes que nous deux réunis, hein, Ichi-kun?"

Il y avait un vent frais assez agréable dans cette pièce.

C'est vrai que j'exagérais un peu quand je disais qu'Ichirouta était désordonné: à chaque envol de ses affaires, il s'était dépêché de les ranger impeccablement. Je lui présentais donc mes excuses, tout en riant devant la façon affolée dont il se défendait.

-Ce n'est pas grave, tu sais! Ce n'est pas si important que ça. Enfin, je m'excuse. Je ne voulais pas te faire penser que tu m'avais fait mauvaise impression. Au contraire, tu m'as écoutée et tu m'as réconfortée alors qu'on ne se connaissait pas encore et que tu venais d'arriver. J'ai tout de suite compris que je pourrais avoir confiance en toi.

Ombrage venait de nous interroger sur nos pouvoirs. Je me préparais à répondre mais Ryusaki-kun fut plus rapide que moi et donna une version qui me fit beaucoup rire.
J'avais le pouvoir de me cacher derrière mes cheveux!
Le plus drôle, c'était qu'il y avait tout de même une part de vrai, là dedans.

-C'est pas exactement ça. Moi, je peux devenir invisible et apparemment Ichi-kun "maîtrise" l'air. Ma timidité maladive me pousse assez fréquemment à user de mon pouvoir et donc, il arrive parfois que je fasses involontairement peur à quelqu'un.

Ce dernier point fut exposé avec un petit sourire et un clin d'oeil en direction d'Ichirouta, qui avait eu le privilège d'expérimenter cela deux fois.

-J'oubliais aussi: j'ai 14 ans et je suis en première année. Et toi, Ombrage-chan, quel est ton pouvoir?

J'avais à peine terminé que j'entendis le compliment indirect provenant de Ryusaki-kun. Rougissement de plaisir.

Shanku vint alors se poser sur mon épaule. Je ne l'avait pas vue depuis que j'étais entrée dans la cafétéria. Elle poussa un piaillement de contentement et frotta sa tête contre ma joue. Elle avait un caractère très taquin mais nous allions très certainement bien nous entendre, toutes les deux. On allait donc former un super groupe, mes trois collocs, nos familiers et moi. De grands moments d'amusement en perspective. D'autant plus qu'aucun de nous ne semblait -à part moi mais à cause de ma timidité- asocial ou avoir un caractère maussade.

A demi-cachée derrière mes cheveux, je me penchais vers Ombrage-chan et lui glissait en chuchotant et en riant tout bas:

-Déjà des avances? C'est qu'il va vite, Ryusaki-kun!

Se faire remarquer... Etait très loin de ses préoccupations. Le jeune garçon avait remarqué qu'il avait été entendu, à la fois par la pyromancienne et la demoiselle qui pouvait se rendre invisible. Après tout, les deux jeunes filles étaient toutes deux devenues toutes rouges, et c'était de sa faute. Il y avait même une petite flamme qui s'était allumée dans le plateau de la nouvelle colocataire, flamme vite éteinte par son familier. Ryusaki était très curieux à propos de cette flamme. Après tout, elle était toute petite, toute mignonne, et le jeune garçon se demandait s'il pouvait manger du feu. Puisque le feu n'était composé que d'énergie qui consumait l'air, il avait peu de chances de pouvoir en croquer. Du moins, sans se prendre des brûlures dans la face. Peut-être qu'il y avait un moyen?

Ce qu'Ichirouta semblait pouvoir faire était assez cool. Diriger la puissance et le sens du vent. C'était donc lui, le responsable de ces courants d'air dans la pièce. C'était cool d'avoir un élève qui pouvait éventuellement faire le ventilateur dans leur chambre, surtout avec une demoiselle capable de faire très vite monter la température. Ryusaki avait un assez mauvais souvenir de ventilateurs, et il avait appris à ses dépens que même si l'air envoyé était cool, il valait mieux éviter de croquer dans un ventilateur en marche. Cela faisait plutôt mal. Au moins, avec Ichi, il n'aura théoriquement pas ce problème. Le pouvoir d'invisibilité d'Anko ne lui faisait ni chaud ni froid, par contre. L'invisibilité avait l'air pratique, pour ne pas se faire repérer, mais le jeune garçon n'y voyait aucun réel profit immédiat.

L'heure du repas était terminée? Apparemment, Ombrage avait déposé son plateau, et Ichi avait déposé à la fois le sien et celui d'Anko. Bon, ben, le jeune garçon ne pourra donc pas les manger. Mais ce n'était pas grave, il avait déjà bien assez mangé comme cela. Du moins, pour l'instant, tout ce qu'il mangerait pendant un petit moment ne sera que par pure gourmandise. Comme la petite serviette qu'il prit au passage en sortant, grignotée par pure gourmandise. Cependant, Ichirouta semblait vouloir prendre une douche... Parce qu'il était trempé. N'était-ce pas assez contradictoire?

"Euh, Ichi-kun... Si t'es trempé... Tu ne penses pas qu'un courant d'air chaud pourrait éventuellement te sécher plus vite? Genre, là, on est dehors, y'a pas grand monde, j'pense que là bas, on gènera personne..."

Ce dont Ryusaki manquait le plus était le tact. Si lui pensait que l'utilisation de son pouvoir, et même l'abus de leur utilisation, était totalement normal, ce n'était peut-être pas le cas pour les autres. Peut-être qu'il n'avait pas envie. Cependant, le jeune garçon pensait aux sèche-mains qui envoyaient de l'air chaud, dans les toilettes, et si des machines pouvaient faire cela, peut-être qu'Ichirouta serait capable d'en faire plus. Et, en l'occurrence, l'état d'esprit du blondinet était celui d'un enfant impatient d'assister à un spectacle, mêlant anticipation et curiosité. Il lui manquait juste un sachet de pop corn, mais bon, ils venaient de diner et Ryusaki n'en avait pas vu dans le réfectoire...

Je fis un grand sourire à Ichirouta et le remerciais de son geste.
Je m'étais levée à la suite d'Ombrage-san. Il était temps de retourner à la chambre.

-Bien sur, Ichi-kun, cela ne pose pas de problème que tu ailles prendre en premier une douche.

Personnellement, je n'y voyais pas d'inconvénient et je me moquais d passer première ou dernière.

Le ciel, dehors était toujours aussi bleu, la luminosité n'ayant pratiquement pas baissé. La température restait très agréable et l'air était rempli du parfum des fleurs du jardin, à côté duquel il était nécessaire de passer pour rejoindre le bâtiment des dortoirs.
Le terrain occupé par le lycée et ses différents complexes était vraiment énorme et, bien que la rue passe juste à côté, le bruit des voitures était absolument inaudible.  

J'aimais vraiment cette période la journée où tout était calme et agréable. Une idée me vint soudain. Je me tournais vers les autres:

-Ça doit être vraiment marrant de faire une partie de cache-cache en pleine nuit, dans le jardin. Vous en pensez quoi?

Mais voila que j'arrivais devant le bâtiment annexe. Je gravis rapidement les marches, ouvrit la porte de la chambre et me jetais sur mon lit. J'avais encore perdu Shanku. Tant pis. Moi, ça ne me dérangeais pas qu'elle vive sa vie. Il faudrait juste veiller à ce que la fenêtre soit ouverte des fois qu'elle veuille rentrer.

Je n'avais plus peur de cette école, maintenant que j'avais des amis comme eux. Au début, en plus de peine immense, j'avais aussi beaucoup d'appréhension. J'avais peur de ce qui serait susceptible de m'arriver si mes compagnons de chambre se révélaient antipathiques ou si d'autres élève me prenaient comme souffre-douleur.
Mais maintenant, je savais que j'avais des amis sur lesquels je pouvais compter et je voulais me montrer digne de leur confiance. C'étaient me premiers amis, après tout.

Quand j'étais petite, j'étais si timide que j'en était devenue asociale. Je m'étais donc inventée un ami imaginaire, un scaphandrier gigantesque qui me protégeais lorsque mes parents n'étaient pas présents. En vieillissant, je le vis cependant de moins en moins souvent puis il avait disparu, un jour que j'étais toute seule à la maison, me faisant promettre de devenir courageuse et d'essayer de me faire des amis.

Tout ceci m'était revenu en une succession d'images qui s'étaient succédées en une fraction de secondes. Je secouais la tête rapidement puis me tournais vers mes amis.
Ombrage-chan avait laissé ses affaires en vrac avant de venir nous rejoindre.

Bon, ben, apparemment, Ichi ne voulait pas faire de super démonstration de son pouvoir. Ryusaki fit une petite moue de désapprobation, moue qui ne dura même pas deux secondes. Certes, il y avait un petit peu d’appréhension retombée, mais ce n’était pas une raison pour avoir un moral qui retombe aussi. Et de même, ses camarades étaient nouveaux pour lui, il était aussi un petit nouveau, et s’il ne pouvait pas vraiment contrôler sa faim, eux non plus ne contrôlaient pas leurs pouvoirs. Cependant, ce n’était pas la méthode à utiliser. Plus on utilise ses pouvoirs, même si on échoue, plus on peut avoir une définition nette et précise de ce qu’on peut faire ou non.

Une partie de cache-cache? Ryusaki n’était pas vraiment emballé par cette idée. Un vieux souvenir qui lui remontait. Une partie de cache-cache avec d’autres enfants de son âge… Et le jeune garçon avait été oublié. Purement et simplement. Dévorant petit à petit sa cachette jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Et jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il était tout seul. Perdu. Dans un environnement inconnu. Et pour l’instant, il ne connaissait pas suffisamment le pensionnat pour oser se perdre. En particulier en pleine nuit. Ryusaki n’était pas vraiment très nocturne. Il savait qu’étrangement, c’était la nuit, pendant qu’il dormait, que sa faim le laissait le plus tranquille. Plus tôt, il s’endormirait, moins il aurait à devoir manger.

“Cache-cache? Pas vraiment pour moi. Je veux pas me retrouver tout seul…”

Usa-chan semblait percevoir cette légère émotion, cet instant de tristesse fine dans sa voix, et prit la première chose qui lui passa sous la patte, en l’occurrence une orchidée dans le jardin à côté, pour la mettre dans la bouche du jeune garçon. C’était un peu sa manière à elle ou à lui, Ryusaki n’avait jamais regardé si les peluches ont un genre, de le consoler, de lui dire qu’Usa-chan serait toujours là, à ses côtés. Et puis les orchidées avaient un parfum et un goût plutôt exotique et raffiné. Moins parfumé que le jasmin, mais bon, on ne peut pas tout avoir. La seule chose que Ryusaki espérait, c’était que les trois autres personnes dans sa chambre partageraient ce sentiment. Qu’ils soient toujours là pour lui, car il serait toujours là pour eux.