HRP:

Si j'avais des passions? A vrai dire, je n'y avais jamais réfléchi. J'avais passé mon enfance toute seule, trop timide pour adresser la parole à quiconque. Les seules personnes qui parvenaient à me faire faire un faible  sourire étaient mes parents. Je les adulait plus que tout. Leur mort fut un véritable choc. Je n'aurais très vraisemblablement jamais adressé la parole à personne sans ce choix fou que j'avais fait de m'inscrire dans ce lycée. Même maintenant que j'avais fait cela et que savais que j'allais devoir me débrouiller toute seule, il était évident que ce n'était pas gagné et que j'allais longtemps rester la petite fille esseulée de ma jeunesse.

Quand je relevais la tête, je m’aperçut que des larmes coulaient doucement sur mes joues. Je les essuyait en vitesse avec ma manche. M'avait-il vue pleurer? Après tout, cela n'avait pas d'importance car ce ne serait ni a première ni la dernière fois.
Maintenant, mes larmes s'écoulaient de façon continue, cataracte d'eau salée que je ne parvenait plus à arrêter. Je sortis de derrière mon armoire et avançais jusqu'à la salle de bain, passant devant mon colocataire sans pouvoir lui dire un mot d'excuse. Les souvenirs refluaient trop vite pour que je puisses les stopper.
J'étais vraiment malheureuse.
Quand j'arrivais dans la salle de bain, je me passait, tout en sanglotant, de l'eau sur le visage. En principe, cela me permettait de me calmer un peu mais maintenant, ça ne semblait pas fonctionner. Je m'assis donc dans un coin, attendant de pouvoir me maîtriser tout en revoyant mes souvenirs.

HRP:

Je levais ma figure trempée de larmes vers Ichirouta. Il était là, agenouillé devant moi. Il était vraiment très gentil de venir me proposer un soutien. Je lui sourit faiblement et m'approchais de lui. Je le pris dans mes bras et lui murmurais:

-Merci, Ichirouta-san.

C'est alors que, toujours en pleurant et appuyée contre lui, j'entrepris de lui raconter mon histoire, mon enfance solitaire due à ma timidité maladive, les longues vacances heureuses passées avec mes parents, puis, finalement, comment je m'étais retrouvée orpheline à cause de ce chauffard, ma fuite de chez-moi pour échapper à ma tante que je haïssais et mon inscription ici.
Je me doutais que mon nouvel (et premier) ami avait également des problèmes mais j'étais trop mal pour pouvoir penser à autre chose qu'aux miens.
Quand j'irais mieux, je m'efforcerais d'être aussi présente pour lui, pour le soutenir et essayer de le réconforter.

Raconter mon histoire et ma peine à une oreille amicale me fit beaucoup de bien et cela parvint à me faire sécher mes larmes. Je m'écartais alors d'Ichirouta  et lui fit un petit sourire tout en rougissant légèrement.
Me remémorant d'une chose qu'il avait dite tout à l'heure, un déclic se fit.

Alors que je m'embêtait à la maison, j'étais tombée par hasard sur un match de football. J'allais changer de chaîne car habituellement, l'équipe japonaise n'était vraiment bonne mais quand je remarquais le score, je me ravisai et je finis par voir notre équipe remporter la coupe du monde. Il y avait dans cette équipe un jeune footballeur... Comment ne l'avais-je pas reconnu plus tôt?
Rougissant à nouveau:

-Je... J'ai vu ton match de finale... Tu as été fantastique... Je tenais à te féliciter...

Ça sonnait un peu artificiel mais c'étais vraiment ce que je ressentais et j'étais très gênée de ne pas l'avoir reconnu.

HRP:

Je ne savais vraiment pas ce qui avait bien put se passer. Pourquoi, je m'étais naturellement serrée contre lui alors que je ne le connaissais que depuis quelques minutes. Cela devait être parce que je sentais que nous étions très similaires, sans trop pouvoir expliquer pourquoi.

Oui, je l'avais remarqué. Il faut dire que je l'avais au départ pris pour une fille bien que cette erreur n'ait duré que l'espace de cinq secondes en faisant marcher mon sens de la logique. Ce qui l'avais vraiment différencié des autres, c'étais qu'il était sensiblement plus rapide, se trouvant presque partout à la fois et soutenant toujours ses coéquipiers.
C'est ce que je lui expliquais. Puis, changeant à nouveau de sujet:

-Ichi-kun?... On est amis, n'est-ce pas?...

J'avais un peu de mal à réaliser cela, n'ayant eu de ma vie aucun ami véritable, trop timide même pour parler avec d'autres personnes. Pourquoi avait-ce été si "facile" avec lui?
Je crus entendre un bruit venant de la porte de la chambre, mais je n'y fit guère attention. Il n'était pas encore l'heure de descendre... On n'était pas vraiment bien installés, agenouillés l'un en face de l'autre sur le carrelage froid de la salle de bain.
Je me relevais donc, les jambes un peu engourdies, tout en essuyant le reste de mes larmes d'un nouveau revers de manche. Je réajustais ensuite mon noeud et déplissais ma jupe. Il était pas mal cet uniforme...
Tendant la main à mon ami, je souris, cette fois d'un sourire plus large.

Marcher, toujours marcher, encore marcher. Pourquoi est-ce que le bâtiment du dortoir n'est pas le même que celui des cours, et qu'il y avait plein de trucs à traverser? Genre des portails bizarre, des gens qui le regardaient bizarrement, des élèves qui n'avaient pas leurs uniformes, des élèves qui semblaient avoir plus de 70 ans, des élèves qui sont encore dans une poussette, des vendeurs de fruits, des marchands de téléphone... Ah, oui, il y avait une explication simple à cet étrange phénomène : Ryusaki s'était encore paumé et est sorti de l'école sans faire exprès, en cherchant le dortoir. En même temps, il y avait bien un panneau indicatif avec plein de flèches qui indiquait le chemin, sauf que voilà, en passant devant, Ryu' avait eu un petit creux... Et il lui fallut un bon moment avant de retrouver Tadakai. Forcément, si les non-mages pouvaient pas voir l'école, difficile de demander son chemin...

Une seule personne était capable de voir où se trouvait Tadakai. Le familier de Ryusaki, fraichement invoqué, qui répondait au nom d'UsainBoltQuiCourtPlusViteQueLaLumière ou un truc du genre, Ryu' avait oublié, et il se contentait de l'appeler Usa-chan. Et Usa-chan savait parfaitement où se trouvait le pensionnat, ou où se trouvait le dortoir, ayant bien regardé le panneau avant d'en manger un bout aussi. Cependant, si elle lui avait indiqué la mauvaise direction, ce n'est pas par erreur, mais par gourmandise. Savoir si ce qu'on lui avait dit sur le monde extérieur était vrai : Qu'il y avait plein de trucs étranges et bizarres à manger. Et c'était vrai. Leur petite escapade leur ont fait découvrir pas mal de trucs. L'herbe, les fleurs, le bitume, les fontaines, les feux, les panneaux... Tout ça dans leurs estomacs.

C'est donc épuisés mais contents (enfin, contents surtout pour Usa et épuisés pour Ryu', car Ryu' cherchait un endroit où se reposer et avait marché dans toute la ville tandis qu'Usa elle s'était contentée de restée perchée dans son sac à dos) que l'étrange duo arriva aux portes du dortoir. Couloir 1... Chambre 6. Ou 7. Un truc du genre. Un chiffre plus grand que 5. Heureusement qu'il y avait les noms d'inscrit sur les portes. Le voilà ainsi arrivé à sa chambre. Peut-être qu'il n'était pas seul. Deux autres noms étaient inscrits dessus. Et c'est là qu'il entendit le mot qu'il ne fallait pas prononcer. Ce qui eut pour effet de faire apparaître un garçon débouler dans la chambre en regardant un peu partout et en s'exclamant.

"Manger? Quelqu'un a parlé de manger?"

Et trois secondes plus tard, Ryusaki se rendit compte qu'il n'était donc pas seul dans cette pièce.

"Ah. Euh. Sawasdee-krub! Je suis Ryusaki Kokori et je suis... Fatigué..."

Puis le jeune garçon tomba tête la première dans le lit le plus proche. A moitié évanoui, et sans savoir que ce lit était déjà occupé.

"Faim..."

HRP:

Lorsque le garçon avait pénétré dans la chambre en coup de vent tout en hurlant qu'il avait faim, j'avais à nouveau disparue et était venue me planquer derrière Ichi-kun.
Après quelques instants de stupeur, retrouvant mon opacité, je sortis la tête de derrière le dos de mon ami pour voir que notre nouveau colocataire avait plongé sur mon lit...

Rougissante, je m'approchais de lui et lui fit remarquer que cette place était déjà occupée.
La chambre, à peine une heure après l'arrivée de ses premiers occupants ressemblait déjà à un champs de bataille: Les affaires d'Ichi-kun étaient éparpillée un peu partout, mon lit était défait et un individu excité gisait dessus, évanoui.
Poussant un soupir et jetant un petit coup d'oeil à mon ami, je me résignait, d'une main tremblante, à secouer l'intrus.

-Ichi-kun, il a dit que c'étais quoi, déjà, son nom?

Il me semblait que ça sonnait comme Roueasky coqauriz mais j'en était pas tout à fait certaine.
Un battement d'ailes me fit relever la tête: Shanku ma petite... dragonne?... voltigeait joyeusement au niveau du plafond.

Me reculant, je retournais auprès de mon ami. Peut-être qu'à tout les deux on pourrait transporter le nouveau sur son lit?

Inutile de décrire l'état psychique émotionnel actuel du jeune garçon évanoui qui se laissait porter par un autre garçon actuellement, se faisant déplacer d'un lit à un autre, puisque par définition, évanoui et inconscient ne laissaient pas transparaître beaucoup d'émotions. Toutefois, même si Ryusaki était totalement inconscient par fatigue et faim, ce n'était pas le cas d'Usa-chan qui, même si elle avait faim elle aussi, avait toute liberté de mouvement. Regardant l'état du jeune garçon, il fallait peut-être qu'elle fasse quelque chose. Ce n'était pas un petit repos qui allait aider quand il avait faim. Bon. Attendre que le jeunot au cheveux bleus ait fini d'installer Ryusaki et ensuite intervenir.

Voilà, maintenant que Ryusaki était bien allongé sur le dos dans son lit, Usa pouvait faire ce qu'elle voulait. Tirant le sac à dos du jeune garçon jusqu'à son lit, le lapin en peluche grimpa ensuite dessus pour monter sur le lit. Usa vérifia que de là où elle était, elle pouvait aisément accéder au contenu du sac à dos et au jeune garçon. Bien. Paire de forceps à la patte, l'opération pouvait commencer. Utilisant cette pince pour ouvrir la bouche du jeune garçon, Usa positionna l'instrument pour que la bouche reste ouverte avant de prendre un autre instrument.

Sauf qu'on ne voyait pas grand chose de ce qu'elle faisait. C'est pourquoi elle prit une lampe-torche qu'elle alluma, et plaça à l'intérieur de sa bouche. Ca y est, on y voyait mieux maintenant. Instrument suivant. En l'occurrence, un tournevis. Qu'elle sembla utiliser pour déloger quelque chose qu'il avait entre les dents. Instrument suivant. Un marteau. Mais il fallait agir vite. Se concentrer. Deux ou trois fois, avec le marteau à la patte, on pouvait voir Usa-chan essayer de tracer un pentacle dans les airs, comme si cela pouvait aider l'opération à aller mieux. Et une fois effectué, hop, le marteau dans la bouche aussi, rejoignant le forceps, la lampe et le tournevis. Plus une clé de 12, ça peut toujours servir de l'avoir à portée de main. Qu'est-ce qu'il manquait dans tout cela? Evidemment. L'élément le plus crucial dans une opération chirurgicale de cette envergure. Un poulet en caoutchouc. Hop! Fourré tête la première dans la bouche avec tout le reste.

Et paf! Usa-chan frappa le menton de Ryusaki pour lui faire refermer la bouche et macher tout cela, avant de rouvrir pour que ce qui dépassait rentre aussi. Et ce plusieurs fois, jusqu'à ce que le jeune garçon ait tout maché et tout avalé. Et une fois tout cela effectué, Usa-chan s'écarta, attendant la réaction du jeune garçon. Une. Deux. Trois secondes. Et paf! Ryusaki se réveilla en sursaut, se redressant comme s'il venait de faire cauchemar. Il lui fallut quelques secondes, à regarder à gauche et à droite, avant qu'il ne prenne la parole.

"Ow... Ma tête... Où suis-je déjà?"

Spoiler:

"C'va aller. Je crois."

Ryusaki eut un petit hoquet. C'était étrange, il avait l'impression d'avoir fait de la lumière en ouvrant la bouche. Curieux, cela. Réessayant, le jeune garçon vit que ce n'était qu'une impression. Non, il n'avait pas développé de facultés lumineuses avec sa bouche. Sa bouche faisait déjà assez de dégâts comme ça, inutile d'ajouter en plus des lasers ou autre bétises lumineuses. Toujours est-il qu'il semblait être dans ce qui serait bientôt considéré comme sa chambre, avec ses compagnons de chambre. Anko et Ichirouta, apparemment. Bon. Mieux valait qu'il se présente correctement, s'il l'avait pas encore fait...

"M'appelle Ryusaki. Ryusaki Kokori. Enchanté, Iwanishi-senpai, Kazemaru-senpai. Attends... Kazemaru..."

Ce petit nom lui disait quelque chose. Ryusaki se gratta le haut de la tête en réfléchissant pour savoir ce que ce nom lui disait, cherchant dans ses souvenirs où est-ce qu'il avait vu ou entendu ce nom. Un garçon plutôt athlétique, des cheveux qui filaient comme le vent... C'est ça! C'est à la télévision qu'il l'avait vu! Pourquoi n'y a-t-il pas pensé plus tôt?

"Aaaaah! Kazemaru! C'est pas... La nouvelle marque de bonbons à la menthe extra-fraiche qui vient de sortir?"

... A côté de la plaque. Mais bon. Pour quelqu'un qui ne suivait pas les activités sportives quand cela ne concernait pas la Thailande, Ryusaki n'avait aucun réel moyen de connaître le jeune garçon qui partageait sa chambre. Toutefois, le duo avait l'air bien sympathique, et Ryusaki se demandait bien quels goûts ils pouvaient avoir. Cependant, il n'avait pas vraiment eu le temps de demander. Car un autre sujet bien plus important était évoqué, le même sujet qui fit que Ryusaki avait fait irruption dans la chambre. Le fait qu'ils aillent chercher à manger... Signifie qu'il y avait à manger. A un endroit fait pour manger. Certes, ce n'est pas inhabituel, c'est même carrément commun pour une école d'avoir un réfectoire. Cependant, cela reste source de joie pour le jeune garçon.

"Je vous suis! Je mangerais bien n'importe quoi aussi!"

Sauf que voilà, peut-être était-il un peu trop optimiste à ce sujet. Après tout, il avait faim. Et le self n'était pas dans le même batiment. Donc, est-ce qu'il arriverait à survivre jusqu'au self? Mieux valait tout de même y aller tout en mangeant le premier truc qui lui tombait sous la main. Et ce premier truc était un... Panneau routier? Un signe qui disait qu'il était interdit de tourner à droite. Comment avait-il pu atterrir dans son sac? En regardant la base de ce panneau, il y avait de très fines marques de dents qui correspondaient à la dentition d'Usa-chan. Bon ben, tant pis, il venait de lui piquer son casse-croute du soir. C'est ainsi que Ryusaki suivit les deux personnes avec une interdiction de tourner à droite en train d'être dévorée comme une barbe à papa. Sauf que voilà, il n'était pas seul à avoir faim...

"Z'en voulez aussi?"

Spoiler: