Un, deux, cha cha cha, un, deux, cha cha cha ! En prévision du bal de Noël qui approchait à grand pas le professeur de japonais, Kintaro Takei, s’entrainait devant sa télé à enregistrer les pas de danse de quelques styles susceptibles d’être diffusés pendant la soirée ; Sanosuke Maeda. Avec son pouvoir de mémoire instantanée il allait enflammer la piste sans le moindre effort et faire rêver son partenaire du soir. Malgré la mauvaise nouvelle qu’il avait reçue de son familier le soir d’Halloween, il ne comptait pas se laisser abattre au risque de gâcher la fête et s’était donné comme nouvel objectif de percer le mystère de la mort de son père qu’il pensait encore en vie jusqu’à il y a quelques semaines.

Le dernier pas enregistré, il alla prendre une bonne douche pour se laver de la sueur qui perlait sur son visage après autant d’exercice. Pas très fan des costards il avait décidé de n’en porter que le pantalon associé à une chemise de couleur jaune avec un petit gilet classe par-dessus. Il s’était même acheté une montre à gousset pour l’occasion dont il laissa pendre la chaine pour le style. Bien sûr, il voulait la dégainer à un moment de la soirée pour donner l’heure et ainsi avoir encore plus de style ! Il n’était pas dans le club de mannequinat pour rien.

Les coups de l’horloge du Pensionnat sonnèrent pour lancer la fameuse soirée, l’hybride se dit qu’il était donc temps d’y aller tout doucement. Mais pas question d’arriver à l’heure. Il traina donc encore un peu chez lui avant de prendre lentement le chemin du gymnase. La nuit était froide mais belle, de quoi le mettre de bonne humeur et même le mettre d’humeur romantique. Un bal, c’est fait pour danser, se faire des bisous, se tenir la main et tout et tout. Il allait donc sortir le grand jeu à son cher Sanosuke. Enjoué, il arriva dans la salle fraichement décorée et déjà pleine de monde. En principe il avait donné rendez-vous à son collègue à une certaine heure qu’il n’avait pas respecté, il dût donc le chercher un moment, et tourna directement son regard vers le buffet, le seul endroit où une personne seule pouvait passer le temps, surtout un fan de sucreries comme lui. Il ne mit pas longtemps à le trouver. En un grand bon il se retrouva devant lui.

- Bouh ! Je t’ai pas trop fait attendre ? T’es tout en beauté ce soir dis-moi.

Il attrapa alors d’un geste nonchalant un verre qui passait par là et le porta à ses lèvres. Tant de cirque pour impressionner pouvait paraitre un peu pathétique, mais ça faisait partie de la personnalité de Kintaro d’en faire des tonnes pour simplement cacher ce qu’il a réellement sur le cœur.

- Bientôt prêt à danser ?

Effectivement, à bien y regarder de plus près Sanosuke ressemblait quelque peu au mec de la pub du parfum dont il parlait. Kintaro acquiesça donc, pour lui faire plaisir. Ahahah, le pauvre s'était entrainé à danser avec une banane et un poisson, il ne risquait pas de pouvoir rivaliser avec le niveau récemment acquit de l'hybride. A cette petite idée, il était plutôt fier de pouvoir l'épater même si cette compétence n'émanait pas directement de lui.

- Tu vas voir à quel point je sais danser!

Il empoigna alors le bras qu'il lui tendait pour jouer le jeu. Il n'appréciait pas trop qu'on le traite de gonzesse en général, mais tant que ça ne se répétait pas trop souvent il voulait bien faire l'impasse dessus et juste sourire timidement comme le ferait une femme dans ce genre de situation. Il posa même sa main sur sa joue en faisant mine de rougir. Mais une fois sur la piste il reprit son attitude et son rôle d'homme et empoigna son partenaire par la taille pour le faire danser. Il avait surtout mémoriser des chorégraphies qui se dansaient à deux, et dans ce genre de bal il n'était pas rare d'avoir des musiques de valse. C'est donc celle-ci qu'ils entamèrent. La valse en fait était plus compliquée à danser qu'il n'y paraissait, car il faut tournoyer harmonieusement sans s'emmêler les pieds. Sanosuke aurait peut-être un peu de mal à suivre dans devoir faire plus de pas que nécessaire voire de s'arrêter pour retrouver le rythme, mais qu'à cela ne tienne, ils recommenceraient autant de fois que nécessaire.

Il était assez agréable de tournoyer de la sorte en étant collé à quelqu'un, et dans ce genre de situation on ne sait pas trop où poser son regard; faut-il regarder son partenaire dans les yeux? Ou bien détourner le regard? Kintaro était plus grand que Sano d'environ cinq bons centimètres, il pouvait donc focaliser son regard sur son front tout en risquant de croiser son regard, alors que le surveillant avait pleine vue sur le centre du visage de son ami. Pas vraiment concentré sur ce qu'il faisait car c'était automatique, il pouvait laisser vagabonder son regard à loisir et observer les gens autour de lui.

La suite des musiques de la soirée risquaient fort d'être plus actuelle et plus jeune, ce que Kintaro n'avait pas vraiment prévu, ils devraient donc compter sur ses propres capacités de danseur qui étaient somme toutes assez banales.

- On devrait trouver un compagnon à Bobby, lâcha-t-il soudainement.

Une femelle ou un mâle, peu importait pour un poisson rouge pensa Kintaro. De toutes les façons ce n'est pas dit qu'il s'accouple avec, juste, il devait être un peu triste tout seul.

- Parfait! On lui achètera ce que tu veux.

Et la musique changea, et Sanosuke prit les choses en main, ce qui n'était pas pour déplaire au loup. Mais il ne s'attendait pas à ce que le surveillant revienne avec cette histoire du temple. Non pas du tout, il avait l'impression que Sano ne pouvait pas vraiment se préoccuper de sujets sérieux, du coup il fut très surpris. Raah, pourquoi maintenant? Et comment pouvait-il bien lui annoncer la nouvelle? Pas la peine de prendre des pincettes et de tourner en rond, autant dire les choses telles qu'elles sont, ça dédramatise. Il prit un air grave et renfrogné.

- Elle m'annonçait que mon père était mort, sûrement depuis des années. En fait j'étais venu ici dans l'espoir de mettre la main sur lui parce qu'il avait disparu depuis longtemps. Mais... comme tu viens de le constater ça ne sert plus à rien maintenant.

Il fit un petit sourire amer. En évoquant son père les souvenirs qu'il avait de lui remontèrent à la surface et l'emplirent de nostalgie. Son papa était un type bien, juste et enthousiaste, que sa maman aimait de tout son coeur, et lui aussi. Que lui était-il arrivé pour qu'il disparaisse aussi subitement sans laisser de traces? Il se posait la question. Au départ il lui en voulait car il pensait qu'il s'était tout simplement enfui et les avait abandonné, mais maintenant... Perdu dans ses pensées, Kintaro dansait distraitement et avec peu d'énergie. Sanosuke avait réussit à plomber son enthousiasme. Mais se montrer déprimé n'était pas vraiment son genre, alors il essaya de retrouver le sourire.

- C'est la vie hein! Qu'est-ce qu'on y peut?

Mais le coeur n'y était plus vraiment.

- ... on peut s'arrêter cinq minutes et aller dehors s'il te plait?

En voulant quitter la piste de danse Kintaro avait eu dans l'idée de s'isoler un moment pour se cacher et réfléchir aussi. Mais Sanosuke en gardant sa main dans la sienne en avait décidé autrement, et ils restèrent donc ensemble. Le voir vraiment désolé le réconfortait dans un sens; parce qu'il avait quelqu'un de triste en face de lui, il fallait qu'il arrête d'être triste. C'est comme quand on va dans une attraction à sensation forte; on a peur, mais être accompagné de quelqu'un qui a encore plus peur que soi nous oblige a faire preuve de courage pour le rassurer. Du coup il sentait sa tristesse s'envoler, l’empathie du surveillait semblait fonctionner mieux que des paroles creuses de réconfort du style "je comprends ce que tu ressens" ou "tu sais la vie continue". Il ne put donc pas s'empêcher de sourire après qu'il lui ait proposé de rencontrer son père, une pensée bien naïve mais efficace. Le voir parler de son papa avec bonheur lui faisait penser au sien avec joie.

- Ce serait avec plaisir, mais attends que je t'ai passé la bague au doigt avant, d'accord?

Sano le regardait dans les yeux, comme s'il attendait de voir la tristesse s'envoler de son visage. Et grâce à lui, elle s'en était effectivement allée.

- Là t'es content? ça va mieux maintenant, je ne suis plus triste.

Ils étaient toujours à l'intérieur du gymnase, main dans la main, yeux dans les yeux. Et pour le remercier, Kintaro s'approcha de lui et déposa au coin de ses lèvres un bisou rapide mais plein de tendresses, et le nez contre le sien, il lui susurra un "merci" avant de reprendre une distance convenable. Maintenant qu'il avait retrouvé sa bonne humeur, il était prêt à continuer de danser comme si de rien n'était sans vraiment penser aux conséquences de son acte ni à ce qu'il avait provoqué comme sentiments et sensations chez Sano. En fait les choses n'étaient pas claires entre eux. Ils s'entendaient bien certes, il trouvait même la présence de Sano assez réconfortante. Il jouait un peu avec lui aussi, sans être sûr que c'était sérieux. Peut-être que si un jour les choses s'arrêtaient brusquement là il se rendrait compte de ses sentiments. Mais en attendant l'insouciance prenait toute la place dans sa tête.

La situation prit une tournure vraiment très bizarre. Alors qu'ils avaient tout les deux reprit du poil de la bête, s'étaient déchainés sur la piste et avaient assisté avec envie à l'élection du plus beau couple de la soirée, voilà qu'ils étaient à présent figés dans de la glace. Non Sano, t'es pas devenu un homme-glaçon, et c'est pas l'ère glacière non plus, d'ailleurs cette situation devrait t'inquiéter plus que ça. Car oui, Kintaro était inquiet. Il tendait l'oreille pour voir ce qu'il pouvait bien se tramer, car un froid aussi soudain ne pouvait être dû qu'à de la magie. Très vite, le coupable fut démasqué; une certaine Elsa, Reine des neiges. Il avait déjà entendu parler de cette histoire, mais il pensait que ce n'était qu'une légende. Mince... alors elle se cachait vraiment à Hybriland? Lui qui n'avait jamais été dans cette région de son pays, voilà qu'une revenante en ressortait. Il l'écouta faire son discours de sorcière, sans pouvoir bouger. Il l'observa faire disparaitre le pauvre Mizuto, s'en aller, et ils retrouvèrent leur mobilité à mesure que la salle se réchauffait. Et voilà maintenant qu'un nouvel inconnu débarqua pour les inviter à combattre des monstres de glace ou à aller chercher la reine. VRAIMENT? Voilà comment devait se terminer la soirée de Noël??? Lui qui rêvait de rouler une pelle à Sano, c'était manqué. Mais si toute la ville était en danger, ils se devaient de faire quelque chose.

- Sano! On y va! On va botter les fesses de ces monstres et récupérer notre Noël!

Plus de temps à perdre, ils étaient prêt à suivre l'équipe qui allaient se charger de ça.