S'il y avait un cours dans lequel Ryusaki était pressé d'aller, c'était bien le cours d'artefacts magiques. Après tout, les autres cours dans les autres écoles étaient non seulement ennuyeux, faciles, mais en plus, on lui reprochait de manger en classe. Que c'était interdit. Et il s'était fait expulser plusieurs jours pour récidive. Ce qui faisait qu'il avait le temps de faire tout autre chose et d'aller goûter bien plus de choses. Or, ce cours-ci était non seulement un cours qu'il n'avait jamais suivi auparavant, mais en plus, c'étaient des artefacts magiques. Oui, Ryusaki ne savait pas ce qu'Artefact voulait dire. Mais cela n'était qu'un détail. Après tout, machins magiques, il avait une chance sur deux que ces trucs étaient tangibles, et s'ils étaient tangibles, ils étaient comestibles.

Le voilà donc arrivé avec, quelque chose comme quinze minutes d'avance, devant la porte, à attendre le début du cours, en grignotant un petit quelque chose au passage. Ce petit quelque chose était en l'occurrence une raquette de tennis à qui il manquait quelques fils et au manche bien usagé. Non, il n'y était pour rien, dans la disparition de ces fils. Il avait juste trouvé cette raquette à la poubelle et l'avait prise en passant pour son petit en-cas en attendant l'ouverture de la porte. Des élèves de tout age semblaient attendre le début du cours. Aussi bien lui de première année que des adultes faisant deux fois sa taille de dernière année. Cela allait être cool s'il y avait plein de monde. Mais en attendant, Ryusaki prit le dernier fil de la raquette dévorée et l'utilisa comme fil dentaire.

La porte s'ouvrit alors, et très rapidement, Ryusaki entra. D'un pas assez rapide, pressé, pour avoir la meilleure place - tout devant. Et cela pour deux raisons. La première, c'est qu'il savait qu'il était petit. Très petit. Donc, s'il y avait quelqu'un devant lui qui faisait plus d'un mètre 70, il avait de très fortes chances de ne rien voir devant lui. L'autre raison était son intuition. Plus il serait devant, plus il aurait de chance d'avoir le bureau du prof proche de lui... Et donc, plus il pourrait éventuellement chiper un truc à grignoter si les "artefacts" ne lui suffisaient pas. Et donc voilà, la professeur de HOUAH et d'artefacts magiques s'était présentée. Et elle leur disait de se détendre et d'apprécier l'air. Bon ben d'accord, Ryusaki commença à manger l'air devant lui. Sauf que voilà, ce n'était que de l'air.

Quoi? Ryusaki toussa de surprise en entendant ce que la madame venait de dire. Il y avait dans l'air un virus de fièvre Ebola? Non, cette toux n'était pas là pour essayer de recracher ce qu'il avait avalé, mais juste parce que la nouvelle était si surprenante. Il n'avait rien senti, après tout. Il n'avait rien vu venir. Il n'avait rien goûté. C'était totalement injuste. Pourquoi faire des trucs dans l'air si c'est pour que l'air garde le même goût? Cependant, la description de ce virus semblait rigolote. Les cerveaux commenceraient à couler des orifices. Cela allait être drôle. Oui, le jeune garçon n'avait juste pas conscience que lui aussi était affecté. Qu'il allait aussi subir ces symptomes. Mais cela n'était qu'un détail. Une petite explication qui disait qu'il avait un item de soin par le sang. Euh. Okay.

Un petit regard derrière lui et toute une gamme d'expressions s'était dessinée. De la peur, du désespoir, de la colère, de l'indignation, des élèves qui par instinct de survie essayent de sortir d'une façon ou d'une autre, mais en vain... Hmmm... Il y avait beaucoup d'agitation. Il fallait qu'il prenne la parole. Ryusaki leva la main. Tout en gardant une expression aussi neutre, aussi calme que possible, il sentait aussi la déception monter en lui. Il fallait qu'il s'exprime. Au nom de la classe. En attendant avec sa main levée, qu'on lui donne la parole.

"Madame? Je pense parler au nom des élèves pour dire qu'il s'agit d'une grande injustice. Vous inoculez dans l'air un virus mortel... Et vous ne pensez même pas à lui donner de goût? Je voulais un Ebola à la pomme, moi... Ou à la fraise. Vous croyez que c'est possible, ce parfum là?"

Bon. Au moins, il avait un item de soin par le sang. Sauf qu'il n'avait aucune idée de comment l'activer. Après tout, c'était son premier cours. Et probablement son dernier. Ryusaki allait mourir. Mais il ne mourrait pas sans avoir gouté à cet item. Un bien étrange item, qui donnait bien envie au jeune garçon. Un étrange cube pas très cubique avec quelques trucs qui dépassaient par ci par là, et une espèce de symbole en haut. En tout cas, suffisamment petit pour qu'il rentre dans sa bouche. Et hop! Lancé directement dans sa bouche. Et... Aie! Ryusaki recracha le cube. Quelle erreur! Il avait mis l'artefact directement dans sa bouche sans qu'il ne touche ses lèvres! Ce qui faisait que, évidemment, l'artefact n'était pas rendu comestible, et avait gardé toutes ses propriétés. Et c'était trop dur pour être croqué ou mangé sans son pouvoir.

Toussant un peu, Ryusaki se rendit compte qu'il crachait un peu de sang. Passant ses doigts dans sa bouche, il remarqua que le passage de l'artefact avait un peu écorché son palais, et que quelques gouttes de sang tombaient de là. Et qu'il y avait en fait pas mal de sang sur l'artefact. Bon. Autant cette fois bien faire attention, mettre le cube étrange dans sa bouche en faisant bien attention à toucher ses lèvres avec d'abord, avant de le sucer comme un bonbon. C'est étrange, il avait un goût plutôt apaisant, si l'on écartait le goût du sang qu'il y avait dans sa bouche...

Etes-vous déjà arrivés dans le mauvais cours et vous rendre compte que vous n'avez pas grand chose à faire ici? Certes, beaucoup de personnes dans cette salle semblaient ne pas vouloir rester non plus, cependant, le jeune garçon avait cette impression d'être sur une autre planète. Ce que le professeur lui disait n'avait aucun sens réel. Un enzyme, il n'avait aucune idée de ce que c'était. Apparemment, c'est ce qui fait qu'un truc sente ce qu'il sent. Sauf que voilà, ce truc, Ryusaki n'en avait jamais vu, il n'a juste vu que des pommes ou des bananes qui ont le goût de pommes ou de bananes. Peut-être était-ce des mini-pommes ou des mini-bananes toutes petites qu'on met sur des trucs pour leur donner un goût de pomme ou de banane. En tout cas, le jeune garçon n'eut pas vraiment le temps de plus se pencher sur la question, et se fit secouer comme un cocotier parkinsonien dans des montagnes russes.

"Nyuuu."

A contrecoeur, Ryusaki recracha ce qu'il avait en bouche. Le petit cube gravé de runes retomba sur la table, plein de salive et de sang. Il n'avait pas l'air trop abimé par son passage dans la bouche du jeune garçon, cependant, ce dernier n'avait pas encore pu le croquer pour voir ce qu'il y avait dedans. Bon ben, tant pis. Autant le regarder, par curiosité, sous toutes les coutures. Il y avait des trucs qui avaient changé de couleur dessus. En plus des petites traces de sang. C'était étrange, plein de petites marques très bizarres qui recouvraient le cube. Et ces marques, il n'avait strictement aucune idée de ce que c'étaient. Sa première intuition était de penser qu'il devrait goûter pour savoir si ça faisait quelque chose ou non, mais la vilaine prof va encore lui dire de recracher. Pourquoi vilaine? Parce que c'est rien qu'une empêcheuse de manger des artefacts!

Connecter l'artefact à son... Organisme? Bon. Déjà, la première chose à faire, c'était de voir s'il y avait un trou dans cet item qui correspondrait à une protubérance du jeune garçon. Mais apparemment, il n'y avait pas de trou qui avait la bonne forme. Et il n'y avait pas non plus d'extension qui avait la forme d'une narine, d'un canal auditif, d'un nombril ou d'un rectum. Et ça pouvait pas être la bouche puisque la madame lui avait dit de recracher son item. Peut-être qu'il fallait qu'il force? Et à priori, Ryusaki pensait que sa théorie rectale avait de bonnes chances de fonctionner. Après tout, les autres trous sont beaucoup trop petits pour laisser rentrer le cube, et la madame avait dit que c'était une partie délicate. Espérons juste que dans cette salle, personne n'ait de pouvoir de télépathie pour entendre ce qu'il pensait.

Toutefois, le jeune garçon eut la bonne idée d'hésiter et de regarder comment les autres mettraient leur item à cet endroit avant de s'y mettre aussi. Et heureusement, car il vit que parmi les élèves qui n'étaient pas complètement brisés intérieurement, ceux qui ont su garder leur sang-froid faisaient à peu près la même chose : Mettre les deux mains sur l'objet et réciter un truc bizarre. Ryusaki arqua un sourcil, et jeta sa théorie aux oubliettes. Après tout, s'il s'agissait d'un examen, et que plus de la moitié des gens faisaient la même chose, alors il avait de bonnes chances de devoir faire la même chose aussi. Un soupir de soulagement, et le jeune garçon posa ses deux mains à côté du cube en commençant à réciter une incantation.

"Pom dé ranett y pom da pi, ta pita piruj !"

Sauf que son incantation n'eut absolument aucun effet. En même temps, il pouvait s'y attendre. Il venait juste de débarquer dans ce pensionnat, c'était son tout premier cours d'artefacts magiques, et il n'avait pas encore reçu son manuel. Ou alors, il l'avait déjà mangé. Aucune référence donc. Ce n'était pas des syllabes au pif qui allaient marcher comme par miracle. Cependant, écoutant plus attentivement le brouhaha causé par les multiples incantations, Ryusaki remarqua qu'elles étaient toutes les mêmes. Et que les gens étaient vachement concentrés pour réciter cette formule. Il fallait qu'il se concentre aussi. Pour, genre, prendre le même accent, et répéter la même chose.

"├╔₱£≡ῶὯᶣᶚไᶒᶓᵠݭ۞۝۩ȶ... Oh? "

Ce que Ryusaki avait observé en récitant la formule étaient deux choses. Un, que cela n'avait évidemment pas marché non plus, mais que cela avait donné un résultat. Deux, que l'item avait commencé à briller, puis s'était soudainement arrêté en plein milieu de sa phrase. Alors que à côté, ça brillait en permanence même après qu'ils aient fini de réciter. Donc, ça lui permettait de tester s'il allait dans la bonne direction ou pas, d'après ce qu'il entendait. Se concentrer très fort, et écouter les autres avant de reproduire.

" ├╔₱Ω≡ῶὯᇀ... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣ놁... Non, c'était plus... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣᶚ ᵮᶒọ... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣᶚ ᵮᶒෟ... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣᶚ ᵮᶒᶓᴝ... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣᶚ ᵮᶒᶓᵠ ᴂᘟ... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣᶚ ᵮᶒᶓᵠ ᴂᢼ... ├╔₱Ω≡ῶὯᶣᶚ ᵮᶒᶓᵠ ᴂݭ۞۝۩ȶ... Oh?"

Il semblerait qu'au bout d'une dizaine d'essais, Ryusaki avait réussi à entendre et à reproduire correctement ce qu'il avait entendu. Parce que là, l'artefact semblait briller de la même façon que ceux des autres tables de ceux qui apparemment savaient comment faire. Super! Peut-être qu'avec un peu de chance, il pourrait enfin le croquer, à la prochaine étape?

Le... Hasard? Le hasard n'avait jamais sauvé personne. Voire même, le hasard ne pouvait pas se voir. Ryusaki n'avait jamais vu à quoi le hasard ressemblait, peu de chance donc que cette entité, aussi mystérieuse qu'elle soit, puisse le sauver. Certes, le jeune garçon avait déjà fait beaucoup de chose totalement au hasard. Mais pour lui, ce n'était pas une entité extérieure qui décidait de sa réussite ou non. Ce qui l'avait poussé à faire, à prendre des décisions totalement impossible à expliquer, n'était pas le hasard mais son instinct. Il ne croyait pas au hasard, juste à l'instinct. Et c'était cela qui faisait pencher la tête du jeune garçon, apparemment.

"Les... Runes? C'est quoi des runes?"

Il était vrai que le jeune garçon venait de manipuler des runes. Cependant, il n'en avait absolument pas conscience, et c'était la toute première fois qu'il en voyait. Pour lui, c'était juste des décorations qui brillaient. Des décorations très bizarres, mais il s'en fichait un peu, lui même pas très doué en art plastiques, il respectait les goûts des autres en matière d'art. Il respectait les goûts de tout le monde de toute façon. Parce qu'on ne se moque pas d'un goût. Toujours est-il qu'il regardait la prof d'un air intrigué, intéressé. Parce que, si ça se trouve, les runes sont des objets comestibles, dans son esprit? Les concepts, ça va bien cinq minutes, mais difficile de trouver le bonheur quand on ne peut pas le manger.

En tout cas, la suite semblait plus prometteuse. Il fallait qu'il se mette en groupe avec ses voisins. Une demoiselle qui avait l'air charmante et un monsieur qui avait l'air posé. Et qui avaient tous deux des objets bizarres aussi qui brillaient. Tout de suite, Ryusaki se demanda quels goûts respectifs ces deux personnes pouvaient bien avoir. Mais bon, ils étaient en examen, c'était sérieux, tout ça, il attendrait donc un peu plus tard avant de leur demander un ptit bout d'eux à grignoter. Faisant un grand signe de la main, le jeune garçon rejoignit la table de celle nommée apparemment Anzentaru avec son cube bizarre plein de sang et de salive. Avant de leur faire un gros câlin à tous les deux lorsqu'ils furent à portée de bras.

"Aloha! Moi c'est Ryusaki Kokori! C'est mon tout premier cours et j'espère que j'pourrai goûter du cerveau liquide à la fin de l'exam!"

Oui bon, ce que le jeune garçon venait de dire, c'est qu'il souhaitait la mort d'un autre élève ayant malheureusement échoué à cet examen. Mais cela, il ne l'avait absolument pas remarqué, encore tout joyeux et tout content d'être à un super cours où il y avait plein d'objets qui avaient l'air délicieux. En tout cas, c'était une drôle de manière de se présenter, qui lui valut des regards bizarres d'un peu partout. Honnêteté et franchise absolue ne faisaient pas bon ménage. Mais cela, le jeune garçon ne le remarqua absolument pas.

Lorsque tous les groupes avaient fini de se mettre ensemble, la drôle de prof empêcheuse de manger des artefacts et croyant au hasard avait annoncé un truc bizarre. Fallait qu'une personne se blesse. Une personne devait avoir une blessure assez profonde, mais il faut pas retirer le ventre de la personne concernée. Beuh? C'était vrai que l'estomac était important, mais Ryusaki aurait bien aimé voir à quoi ressemblaient réellement les organes qui font qu'il a tout le temps faim. Et comme les deux personnes avec lui n'avaient pas vraiment envie de se blesser, ou alors n'ayant simplement pas attendu assez longtemps, le jeune garçon prit la parole. Tout en regardant la demoiselle avec un étrange sourire...

"Bon, ben... Puisqu'il faut s'y mettre..."

D'un geste vif, le jeune garçon porta son avant bras gauche à ses lèvres avant de croquer, d'un coup. Arrachant un bout de muscle et mettant du sang un peu partout, tout en mâchonnant son bout d'avant-bras. Il y avait maintenant un gros trou en forme de dentition sur son avant-bras gauche. Et le jeune garçon se rappela soudainement de quelque chose : Cela... Faisait mal.

"AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGH!"

Ryusaki cria en pleurant pendant, on va dire, cinq bonnes secondes avant de reprendre son souffle et de se remettre à crier. Avant de s'arrêter, d'un coup, comme ça.

"AAAAAAAAAAAAAAAAA... En fait, ça sert à rien de crier. Mais ça fait mal, bon sang! Et j'ai faim."

Le jeune garçon regarda à gauche puis à droite, avant de prendre son cube et de le mettre dans le trou béant qui pissait le sang. Et il faisait un énorme effort pour ne pas se remettre à crier. Et un effort encore plus énorme pour ne pas manger le cube qui brillait bizarrement.

Nobis alenda est.

Hinata Anzentaru et Shido Murasaki. Deux personnes relativement peu bavardes, avec qui le jeune garçon aurait surement du mal à s’entendre. Enfin, non, surtout, du mal à entendre. C’était pas vraiment leur truc, de causer, de s’exprimer, de crier leurs émotions à pleins poumons. Non, il y avait en eux quelque chose de calme, de trop calme. C’était bien trop tranquille à son goût. Il fallait rompre ce charme, ce silence qui allait s’installer. Et quoi de mieux pour cela que de bouffer son propre bras? Vous connaissez la suite. Apparemment, Ryusaki n’avait pas besoin d’offrir ses services pour en faire de même avec les deux personnes en présence. Tous deux avaient leur propre lame, petite ou grande, afin de se blesser légèrement et avec bien plus de retenue que le jeune garçon. Qui avait faim. Et les larmes aux yeux. Il n’avait pas pu goûter ses petits camarades. Tant pis, Ryusaki aurait surement une autre occasion.

Un petit coup d’oeil et une file se faisait devant la prof d’artefacts. Certes, elle avait un antidote. Ou plutôt, elle allait en distribuer. Ainsi donc, ce professeur ne comptait pas laisser mourir ceux qui n’avaient pas réussi à arriver jusque là. Ce qui voulait dire qu’il était peu probable que le petit blondinet puisse goûter avant la fin du cours à cet étrange substance qu’était le cerveau humain liquéfié. Une petite moue de désapprobation du jeune garçon qui regardait cette file. Mais bon. Cela ne le concernait plus désormais. Il fallait passer à l’étape suivante. Le soin de groupe. Sauf qu’il y avait un léger problème.

Une goutte de sang au creux de sa main. Ou plutôt, de ses mains. Difficile de former un cercle s’il n’y avait qu’une seule main qui tenait celle des autres. Mais il y avait un très léger problème avec cette action. Car du sang, il n’y avait pas qu’une goutte dans ses mains. Mais ses deux mains étaient pleines de sang. En particulier sa main gauche, dont il manquait un morceau à l’avant bras gauche. Bah, au moins, s’il y avait beaucoup de sang partout, ça voulait dire que forcément, le centre de sa main aurait un peu de sang dessus.

“Bon, ben… Snif… Hinata, Shido… Snif… Va falloir s’y mettre.”

Alere. Apparemment, fallait penser à ce mot là pour activer l’item. Mais c’était plutôt difficile. Après tout, à ce moment, Ryusaki pensait à un gâteau au chocolat. Alere. Gâteau au chocolat. Alere. Forêt noire. Alere. Bon, ben, fallait s’y mettre, le jeune garçon tendit ses mains de part et d’autres, en direction de ses camarades. Attendant que l’on lui prenne les mains. C’était quelque chose d’important à faire… Mais pourquoi Alere, au fait? Ca voulait dire soigner. En latin. Oui, mais… C’était vague! C’était tellement vague. Qui devait soigner? Qui devait être soigné? Est-ce que cela désignait l’item? Est-ce que cela avait un rapport avec un opéra ou un trianon trois chocolats? Non, fallait pas penser à ça. Mais à ses quelques cours dont il se souvenait et qu’il n’avait pas dévoré.

Alere. Troisième conjugaison. Ce n’était pas juste soigner, ce à quoi il devait penser. Mais soigner ses camarades. Et se soigner. Ils devaient se soigner. Il fallait qu’ils se soignent. Ils devaient se soigner. Nobis alenda est. Il s’agissait d’une obligation. D’une certitude. Se forcer à se soigner. Tel était l’emploi de l’adjectif verbal, au lieu du simple infinitif. Nobis alenda est. Ne pas penser à des gâteaux au chocolat, aussi bons sirent-ils. Il aurait tout le loisir d’y penser plus tard. Penser juste à deux choses. Le cube de soin qui pataugeait dans son avant-bras. Et un gâteau au… Non, NOBIS ALENDA EST. Libum edenda est… Aha! Le chocolat n’existait pas à l’époque latine, impossible de penser à un gâteau au chocolat en latin! Nobis alenda est.

Il faut nous soigner. Nous devons être soignés. Nobis alenda est.

Inspirer un coup, et ne pas ressentir la douleur. Oublier qu’elle était là, parce que de toute façon, elle ne serait plus là dans quelques instants, une fois que les artefacts de soin auront fait leur effet. Mais c’était dur. Très dur. Après tout, difficile d’oublier un détail aussi gros qu’un trou dans son bras. Cependant, une jolie surprise l’aida à oublier ce détail. La douce voix d’Hinata, qui lui rappela un fait important. Il n’était pas seul. Ils étaient trois. Et même si c’était la première fois qu’ils se parlaient, même si c’était la première fois qu’ils se rencontraient, le jeune garçon n’était pas seul, ses deux compagnons étaient là, tous les deux, pour lui. Et Ryusaki ne s’attendait pas non plus à ce que la demoiselle lui passe un doigt sur le visage pour retirer les larmes qui perlaient aux coins des yeux. C’était doux. C’était rassurant. C’était inspirant. D’un hochement de tête, le petit blondinet avait oublié sa douleur. Il était prêt… Et ses camarades aussi.

Lumière.

Pas de doute, le sort de groupe avait fonctionné. Parce que certes, les artefacts se sont mis à briller et à émettre une certaine aura, de la lumière, mais le point le plus notable chez le jeune garçon est la disparition de la douleur. Une sensation d’apaisement, comme si quelqu’un mettait un voile frais sur sa plaie, enlevant les picotements et voyant à vue d’oeil le petit trou formé se refermer peu à peu. Le sang s’était arrêté de couler, les muscles semblaient grandir, puis la peau commençait à s’étendre. Il ne restait bientôt plus qu’une grosse cicatrice, qui elle même disparaissait peu à peu. Et une fois Ryusaki totalement soigné, la lumière commençait à diminuer, les artefacts semblaient peu à peu s’éteindre. Si Ryusaki avait été totalement soigné alors qu’il avait un trou dans le bras, nul doute que les petites coupures de Shido et d’Hinata auront totalement disparu aussi.

“On a réussi! Je… Crois? ”

Regardant son bras, le jeune garçon vit qu’il n’avait plus rien du tout. Aucune trace de ce qu’il s’était lui même infligé. Regardant à droite et à gauche, il n’y avait aucune expression de douleur sur le visage de Shido ou d’Hinata, et un peu derrière, quelques autres groupes ont aussi généré la lumière de leurs artefacts. Le jeune garçon récupéra ainsi son cube, l’examinant un peu. Il brillait encore, faiblement, mais il brillait encore. Dans son coin, le jeune garçon mordit légèrement son pouce tout en essayant de réactiver l’artefact, cette fois ci en solo. Cela marchait, moins bien, mais il sentait peu à peu la petite coupure infligée se guérir. C’était pratique, ce truc. Sauf que ledit truc s’éteignit complètement une fois cette opération faite. Oh. Dommage. Puis la prof’ était venue féliciter le petit groupe. Pas besoin, pas besoin… Ce n’était pas vraiment un besoin, plus une envie. Une occasion qui ne se représenterait pas souvent. Ce qu’avait répondu Hinata ne le laissa pas indifférent. Le jeune garçon serra les dents. Il ne voulait pas vraiment qu’on le voie dans cet état… Mais c’est surtout ce qu’elle lui demanda ensuite qui le fit agir, tout content. Le jeune garçon enlaça la jolie demoiselle.

“Avec plaisir Hinata! Laisse-moi juste le temps de nettoyer tout… Cela…”

Oui, enfin, là, le jeune garçon regardait sa table et la table du milieu. Les deux étaient pleines de sang. De son sang. Il lui fallut un petit moment pour tout nettoyer, même avec un produit nettoyant à disposition. Peut-être était-ce pour cela que l’empêcheuse de manger des artefacts lui avait dit qu’il n’y avait pas besoin de se dévorer lui même. Parce que c’était dur à nettoyer. Enfin, ce qui était fait était fait. Un signe de la main pour dire au revoir à Shido, une petite révérence devant la madame anti-autophagiste, et le jeune garçon s’élança tout content vers la demoiselle qui l’attendait.