Depuis son arrivée au pensionnat, une semaine auparavant, et l’apparition de son familier, Suzue ne savait plus où mettre la tête. Entre apprivoiser son Phénix, remplir les dernières paperasses d'inscription et rattraper son retard au niveau des cours, elle n'avait pas eu une minute de repos. Tard dans la journée, assise sur son lit, penchée sur son cahier, Suzue bloquait sur un exercice de maths, ce qui, soit dit en passant, lui arrivait très peu, voir jamais.

En vérité, la jeune fille n'était pas concentrée, ses pensées focalisées sur autre chose.Ses doigts tapotaient sur son cahier au rythme de la mélodie dans sa tête. Abandonnant ses devoirs, Suzue se leva et sortit en hâte de sa chambre à la recherche d'une salle de musique. Elle n'y avait pas encore eu le temps d'y aller, et son manque de sens de l'orientation ne l'aidait pas. Après une vingtaine de minutes à faire le tour du pensionnat, se perdant une fois dans les jardins sombres, elle trouva enfin la porte indiquant la salle de musique.

Elle l'ouvrit et découvrit avec merveille ce qui se cachait derrière : une immense pièce contenant de nombreux instruments à vent, à percussion et à corde, comme un grand piano à queue dont elle avait toujours rêvé de posséder. Il trônait au milieux de la pièce, son couvercle ouvert. Pour son plus grand plaisir, personne n'était présent, la jeune fille pourrait jouer comme bon lui semble sans public quelconque. Elle referma rapidement la porte derrière elle marcha en direction du bel instrument noir. S’asseyant au banc devant le piano, elle remonta les manches qui cachaient la cicatrice de brûlure sur son bras, puis elle glissa ses doigts le long des touches de manière presque affectif.

Elle frappa une note, puis une autre, et la musique dans sa tête prit vie, le son résonnant dans la pièce, elle ferma les yeux et rapidement, oublia où elle se trouvait. Le rythme devint plus rapide et sa timidité du début disparut. Ses longs doigts volaient presque sur les touches. Cette mélodie, elle ne l'avait pas inventée, loin de la, en fait c'était la toute première mélodie qu'elle avait apprit à faire au piano, lorsqu’elle avait huit ans. Il lui avait fallut moins d'une semaine pour la jouer parfaitement, sans aucune fausse note. À cette âge, elle ne représentait rien d'autre qu'une mélodie pour Suzue, mais après les événements tragiques de son adolescence, s'en était devenu une façon d'exprimer ses émotions, sa tristesse et ses larmes. Pour son bien et le bien de ses proches, elle ne s’autorisait pas à pleurer réellement, tout sentiments trop fort devait rester à l'intérieur, rien de devait sortir, rien du tout.

Pourtant, malgré elle, une larme coula le long de sa joue, puis une autre et encore une autre. Son cœur se serra et lorsqu'elle ressentit la chaleur de son corps augmenter dangereusement elle retira rapidement les doigts du piano. Un de ses doigt jaillit une flamme et elle ferma abruptement sa main en un poing tout en faisant en sorte de se calmer. Un bruit sourd en direction de la porte la fit sursauter, elle se tourna vers la personne qui l'observait dans le coin de la porte. Suzue se hâta de redescendre les manches de son pull tout en regardant, anxieuse, la jeune fille devant ses yeux.