Je martelai le sol avec mes pieds en me mettant en position et je l’abaissai pour être encré au sol. Plaçant mon corps en contraction et le regard noir, je regardais ma cible qui n’était autre que la porte que je devais réparer.
Je rassemblai alors mes mains au niveau de mes hanches, préparant alors comme une boule d’énergie en elles.
Mon humeur semblait être sombre, comme si je m’apprêtai à tuer quelqu’un, mais ce n’était pas le cas… Non, je repensai à ce qu’il s’était passé avant tout ça… Avant que je ne finisse ici, à Tadakaï. Mes amis et moi sommes extrêmement proches, nous nous connaissons depuis au moins huit ans ; je ne compte même plus. Et ce qu’il s’était passé… Le dernier souvenir que je leur avais laissé… Je n’arrivai pas à me le pardonner, c’était insupportable. Un véritable cadeau d’horreur et de désespoir, voilà ce que j’avais laissé. Nous sommes pourtant une grande famille… J’avais peur de trop les inquiéter, car la façon dont j’ai disparu était trop brutale. Nous serons amis à jamais… Mais, j’avais tellement envie de les revoir, de n’avoir jamais eu à supporter un tel pouvoir ! Pourquoi… Pourquoi est-ce que j’ai à faire tout ça ?!

Cet orbe que je formais dans mes mains prit plus d’ampleur. Comme des flammes, il semblait chatoyant, brûlant… Pourtant, les Abysses ne trahissaient pas leur nature. Autour de moi, l’herbe mourrait lentement, une atmosphère pesante dominait, mais Haruna devait être hors-de-porté si elle ne regardait pas ce que je faisais…
Ce miasme digne du néant que je concentrai dans mes mains… Oui, c’est l’idée que j’avais eu en tête. Je sais que les Abysses semblent provenir de sentiments, de sensations, et cette maison qui aurait appartenu à quelqu’un… Alors cela signifie que des sentiments sont restés ici et ont pu se fondre avec les objets, avec les habitudes. Une porte est une chose insignifiante, pourtant nous la côtoyons tous les jours, et c’est sur cette habitude que je jouais. Si l’habitant ayant vécu ici a pris l’habitude de voir cette porte sous un certain aspect, alors j’allai faire en sorte de faire revivre ce sentiment à travers les Abysses. De cette façon, si je dirige suffisamment bien les Abysses, la porte devrait se reconstruire d’elle-même.
Malheureusement, cette opération est technique et très dangereuse. Elle me demande d’entrer en contact direct et prolongé avec les Abysses, alors je dois préparer beaucoup de mon pouvoir afin de remodeler cette porte.

Lentement, je sentais des sensations, des émotions qui ne m’appartenaient, venir en moi et m’envahir. Je savais alors que j’étais sur la bonne voie… J’espérai seulement que la curiosité ne touche pas mon amie… Haruna.
Ainsi, je plaçai mes mains en avant et la sphère condensée de mon pouvoir se plaça devant moi, en lévitation. De la sueur commençait à perler de mon visage… Alors, des sortes de tentacules sortirent de l’orbe et vinrent entrer en contact avec la porte, ainsi qu’avec ceux qui semblent avoir été ses débris. Les tentacules s’agitèrent et la sphère se jeta sur la porte. Les débris virevoltèrent ainsi que le vent semblait avoir formé une bourrasque autour de moi, et ils furent tous aspirés jusqu’à la porte. La boule d’Abysses que j’avais créés implosa alors comme dans un bruit sourd et la porte s’était ainsi remise comme à neuf.
Je me demandai alors si tout ça, si mes efforts avaient fonctionnés… La porte s’ouvrit alors d’elle-même et je pus voir la même lumière blanche que la fois où nous avons traversés le portail. Le portail était réparé ! Je sentis le bonheur m’envahir subitement et je me retournai vers Haruna, faisant signe de loin :

-Haruna ! Haruna ! Ça a marché !! Allons-y, vite !

Waouh ! Je ne m’attendais pas à autant d’énergie de sa part, mais ça me mettait plus de bonne humeur qu’autre chose, alors je me laissai entraîner par elle ! Enfin ! Nous retournions dans le pensionnat !
Quand nous passâmes la porte et que nous sommes entrés dans le portail, mes yeux ne purent s’empêcher de quitter Haruna, j’avais peur qu’elle s’évanouisse de nouveau à cause de moi. Je finissais par fermer les yeux tellement la lumière était éblouissante, je ne lâchais pas la main de mon amie et… Nous étions enfin de retour. Ouf ! Je soupirai alors de soulagement et je tombai sur mes jambes en regardant le ciel depuis la fenêtre. Ce voyage ne fut pas de tout repos finalement !
Nos mains se délièrent et elle se retourna vers moi. Je détournai le regard vers elle pour montrer qu’elle avait mon attention et… elle s’excusa encore. Je sentis quelque chose m’irriter à ce moment-là, comme si voir quelqu’un coincé dans le passé était une chose qui pouvait me mettre en colère. Rien n’arrivait à me mettre en rogne pourtant, mais… Là, je me sentais frustré.

Finalement, je me relevai en un bond comme si j’avais assimilé une nouvelle énergie puis je m’approchai d’elle avec un air insatisfait. Je posai alors un doigt sur sa joue et je commençai à appuyer dessus en disant :

-C’est à cause de moi que tu t’étais évanouie, alors on est à égalité !

Je fis ensuite revenir ma main pour la tendre en sa destination en disant :

-Je t’avais pourtant demandé de passer par-dessus les détails, Haruna. Tu ne me fais pas confiance ?

Et un sourire rayonnant se dessinait sur mon visage. On dirait qu’elle avait besoin de confiance, alors j’étais prêt à lui en offrir ! Par contre, il ne fallait pas qu’elle devienne dépendante de moi !

J’étais content de la voir sourire, mais j’espérai que ça ne soit pas la même chose à l’avenir. Je savais que c’était faux, mais d’une certaine façon je pressentais que mon rôle allait commencer à être celui d’un père qui doit toujours répéter ce qui ne faut pas faire à sa fille… Du moins, si ça continuait comme ça.
Enfin… cette situation me rappelle beaucoup ce qui est arrivée entre Chiyo et Shiva.
Chiyo était un peu comme Haruna, elles sont toutes les deux d’une grande fragilité et elles ont besoin d’un protecteur, mais… Shiva, ma familière, elle cherche à me protéger et elle sait que je ne pourrai pas endosser des rôles semblable à cause de ma situation ; j’en demandai trop à mon corps. De cette façon, mes relations importaient peu à ses yeux mais elle maintenait que si ce genre de personne souhaitait être mes amies, elles devaient faire des efforts et devenir plus fortes. Sinon, c’est une fin tragique qui nous attendait.
Sa décision me paraissait dure, mais ce pouvoir qui me ronge à chacun des jours… Je sais que si je ne veux pas mourir, je devais prendre des décisions difficiles… Je n’avais pas le choix et… Même si ça peut être égoïste de penser comme ça, il y a d’autres êtres en dehors de ce pensionnat que je souhaite revoir plus que quiconque dans ce monde.

Les réactions entre les Abysses et moi varient selon mon humeur, ma situation psychologique. Si je me sens triste, mon pouvoir commence à me consumer, et c’est la même chose lorsque je m’énerve, lorsque j’haïs, lorsque je m’inquiète… Pourtant, tout ça… C’est peut-être tout ce que je connais au sujet du pouvoir qui m’habite. Je ne connais rien, et je le sais. Même Shiva refuse de m’en parler, alors… comment devais-je faire pour trouver mes réponses ? En tout cas, je ne pouvais pas me décider à rester dans l’inconnu, comme ça.

Il était tard en effet et j’étais un peu fatigué. Elle avait raison, il était temps de retourner à notre dortoir. Je penchai la tête vers la ciel pour me questionner un moment et… Ah oui, j’étais seul dans ma chambre. Mes camarades étaient partis en vacance… Moi, je n’avais pas le droit de sortir du pensionnat, je suis trop instable pour ça.
Ainsi, je commençai à faire marche vers les dortoirs, je lui fis signe de venir avec moi en disant :

-C’est vrai, allons-y.

Regardant devant moi, je restais calme. Un moment, je m’étirai en levant mes bras et en baillant, j’étais fatigué…

Nous arrivions finalement au niveau des dortoirs. Comme ma chambre était dans les premiers numéros, je supposai que c’était ici que nous devions nous séparer. Je m’arrêtai et je disais alors :

-C’est le moment de nous séparer. Passe une bonne nuit.

Fais-je avec un sourire bref. Je rentrai alors dans ma chambre…

Sans me retourner, je refermai la porte derrière-moi… Je posai alors ma tête contre celle-ci, observant le plafond dans un long soupire ; ma respiration s’était accentuée comme si j’étais essoufflé. Pour me calmer, je fermai les yeux et j’essayai de penser à quelque chose, à autre chose. Une chose qui pouvait peut-être me détendre et même… me projeter dans un autre univers.
Alors, des images me vinrent en tête. Je me revoyais marcher, réécoutant les paroles d’Haruna… ses bruits… Le moment où son ventre avait gargouillé… sa bouille qui était gênée… et aussi ses dernières paroles avant que nous nous sommes séparés. Un sourire illumina mon visage à ce moment-là, tandis que ma casquette marine tombait au sol… De la sueur perlait de mon visage, ma respiration s’accélérait… et… comme dans une dernière tentative, j’avais tenté d’avancer, ne me reposant plus sur l’appui de la porte. Mais… ma démarche étourdit et… je finis par m’effondrer au sol. Seul… dans le clair de la nuit.

Mes yeux mi-clos, j’étais sans défense sur le point de sombrer. La fatigue… J’avais la sensation que quelque chose m’avait été drainé… P-peut-être était-ce l’entraînement, ou bien… les évènements… ce passage… Ou bien, autre chose. Je n’avais plus la force de réfléchir, alors je finis par refermer les yeux… Tombant dans mes ténèbres ainsi.

Spoiler:

-… Zzz… Zzz… Zzz…

De faible respiration détendue et lente… Un rythme plutôt habituel, il était en train de dormir profondément, comme un petit enfant. Son visage était paisible, serein, il ne semblait pas souffrir mais les cernes sous ses yeux indiquaient une fatigue très lourde. Il avait vraiment besoin de se reposer et dormirait peut-être bien une quinzaine d’heure.
Pour qu’il puisse ainsi tenir bon et en pleine forme jusqu’au bout de cette aventure, c’est qu’il avait vraiment dû s’en donner les moyens et ainsi, puiser en lui. Les entraînements, toujours manipuler mieux son pouvoir… Un véritable acharnement, mais qui restait insuffisant malgré un travail complet d’un an. Il ne trouvait effectivement plus de temps à lui, mais néanmoins… Quand il est question d’aller découvrir l’inconnu avec une amie, il peut se résoudre à aller au-delà de lui. Pour les autres après tout, pour ces bons moments… Il pouvait dormir tranquillement maintenant.

Allongé, il continuait à dormir devant votre attention… Pourtant, il commençait aussi à frissonner, il semblait avoir froid. Peut-être que les serviettes humides placées sur son front en étaient à l’origine ? Car après tout, ce genre de méthode peut permettre de soulager d’une fièvre, ce qui n’est pas le cas ici. Il se mit alors à gigoter un peu de gauche à droite, faisant tomber la serviette à côté de lui. Il essaya ensuite de récupérer comme un objet de ses deux mains et… prit finalement son oreiller qu’il sera dans ses bras, le visage endormi posé dessus.