Et voila! Dès le premier jour de classe, j'allais être en retard! La sonnerie venait de retentir et je n'avais toujours pas trouvé ma salle. Tous mes amis avaient rejoint leurs classe tandis que j'avais perdu du temps à explorer un peu les environs pour repérer le gymnase et je me retrouvais donc toute seule à errer sans oser demander mon chemin.

L'établissement étant bien plus grand que ce à quoi j'avais été habituée, je n'était pas parvenue à me repérer et à découvrir cette fameuse salle.
Je m'y était pourtant prise une demi-heure à l'avance! Ça n'avait apparemment pas suffi et je me retrouvais pour la énième fois au milieu du hall lorsque retentit la sonnerie.

Aïe aïe aïe! J'allais faire mauvaise impression dès mon premier cours de magie!
Avisant un adulte qui passait par là, je courus vers lui et, prenant mon courage à deux mains, lui dis:

-Excusez-moi, monsieur! Je me suis perdue et je dois me rendre en cours. Est-ce que vous pourriez m'indiquer où je peux trouver la classe des premières années, s'il vous plaît?

Il devait me prendre pour une idiote. J'étais certainement passée trois fois devant et elle était sûrement très bien indiquée. Et pourtant, je m'étais parfaitement égarée et je commençais à être un peu désespérée.
Cette pensée me fit rougir et je dus réprimer ce réflexe qui consister à me rendre invisible lorsque j'étais intimidée. Je fis donc appel à une solution de secours et rabattis mes cheveux devant mon visage.

Avec discrétion je me mis à bailler doucement sous mon masque. Se lever si tôt était vraiment fatiguant, surtout lorsqu'on se couchait tard après avoir joué à des jeux vidéos toute la soirée....

Tandis que je mettais mon pied dans le hall du grand pensionnat, la première sonnerie de la journée se mit à retentir, annonçant le début des cours.
Quant à moi, il me restait encore une heure avant mon premier cours de sport de la journée, mais je m'étais décidé à aller dans le gymnase plus tôt, histoire de préparer avec délicatesse les instruments de tort...De sport. De sport. Mais avant tout, il fallait que je remplisse des papiers dans la salle des profs huh....

A ma grande surprise -enfin pas si grande que ça, ce n'était pas la première fois que je voyais ça- une élève était toujours dans le hall. Les personnes en retards étaient forts courant. Soit le réveil n'avait pas sonné, soit parce qu'ils le faisaient « exprès ». Ma foi, ça ne me regardait pas tant que ce n'était pas mon cours, et je ne pouvais pas y faire grand chose...
Sauf que quelque chose clochait avec cette élève là. Elle ne semblait pas être pressé d'aller en cours. Au contraire elle paraissait...Confuse... ? Non. Je dirais même perdue... ?Oooh. Je ne l'avais jamais aperçu auparavant. Sûrement une nouvelle.
Oulalalala. Cela signifiait donc des problèmes en conséquences.

Je tentai de me fondre dans le décor, les mains dans les poches de ma veste de sport, mais il était difficile de passer inaperçu avec un satané masque sur le visage.
Et j'avais raison. Elle me vit e un clin d’œil et se dirigea vers moi.

Je ne pus réprimer un léger soupir. J'avais pensé que les problèmes ne viendraient que dans une heure, et me voilà déjà avec quelque chose sur les bras...

-Excusez-moi, monsieur! Je me suis perdue et je dois me rendre en cours. Est-ce que vous pourriez m'indiquer où je peux trouver la classe des premières années, s'il vous plaît?

Tout en me disant cela, elle rabattit ses cheveux d'un gris étrange devant son visage.

Arf...En tant que professeur je ne pouvais guère la laisser là...Personne ne s'était chargé de lui faire visiter les lieux ?! Bon sang...

Mais la salle des premières années huh ? Elle devait donc avoir 14ans. 14 ans et elle faisait pratiquement la même taille que moi, même plus.
D'une certaine façon, je me sentais irrité et offensé.

Bah, mettons ça de coté. D'une voix grave et glacé je lui répondis :
-Au première étage. Me rendant compte que cette réponse ne l'aiderait sûrement pas, je continuai :-Je vais vous y emmener. Mais avant ça, dite moi avec qui vous avez cours.

Certains profs détestaient les retardataires, et il était préférable de ne pas y aller du tout que d'arriver avec une minute de retard haha...

Aïe! J'étais tombée sur un type froid et à l'allure peu sympathique. Avec son masque et la froideur qui se dégageait de lui, je me sentis encore plus mal à l'aise, ce qui faillit me faire perdre le contrôle de moi-même et céder à mes impulsions de me rendre invisible.
Je pris cependant sur moi pour tenter de rester la plus calme possible.

Au moins, je savais que ma salle de cours se trouvait au premier étage mais sa question me prit au dépourvu et je sortis en tremblant mon emploi du temps de mon sac.
Ce n'est qu'après un moment que je pus enfin me concentrer sur la lecture du nom de mon premier prof de la journée.

Apparemment, je commençais par un cours d'anglais.

-J'ai... heu...j'ais cours avec, heu... Madame Shimazu...

En fait, la seule chose dont j'aurais eu envie à ce moment là, c'était de prendre mes jambes à mon cou pour essayer de limiter les dégâts de mon retard et abandonner ce prof qui me faisait froid dans le dos. Un rapide coup d'oeil à la suite de mon emploi du temps m'informa que le cours d'après était un cours d'EPS.
J'espérais que là, au moins, je trouverais le gymnase sans problème.

Je regrettais de ne pas avoir suivi Ryusaki, ce matin, j'aurais sûrement été à l'heure.

Tentant une manoeuvre d'évasion, je dis au prof:

-Me...Merci pour l'information... je crois, heu... que je vais y aller... toute seule. Merci encore.

Je me retournais donc vers les escaliers. Il fallait que je traverse tout le hall sans perdre mes moyens, sans me rendre invisible et sans me mettre à courir comme une folle.
Je commençai donc la traversé de la vaste pièce d'un pas qui se voulait rapide et assuré.

Elle avait sortit en tremblant son emploi du temps, et après un court moment qui m'avait semblé étrangement long, elle finit par me répondre qu'elle avait cours avec la prof d'anglais Mlle Noriiko Shimazu.
Hmm...De ce que j'avais entendu dire et de nos quelques rencontres, cette prof là avait l'air sympathique, donc je suppose que ça devrait aller. Rien à craindre de ce coté là en théorie..

Toutefois de ce coté ci, la jeune élève semblait visiblement mal à l'aise en ma présence. Tellement mal à l'aise qu'elle finit par décliner mon aide et s'en alla, en tentant de cacher un certain empressement. Pour seul réponse, je haussai les épaules en signe d'indifférence.

Snif...C'était souvent l'effet que je faisais aux élèves...
Enfin, seule consolation c'était que au moins, mon accoutrement faisait l'effet escompté. Sans ça, elle m'aurait probablement pris pour un autre élève en retard.

Mais allait elle vraiment s'en sortir ? Il m'était difficile de l'admettre, mais moi même il m'avait fallu une bonne semaine ou même plus pour me repérer plus ou moins dans ce vaste pensionnat. Et ce n'était pas encore parfait. Je m'étais perdu en cherchant les toilettes deux jours auparavant...
Et encore, j'avais une carte à ma disposition.
En plus de ça, j'étais sûr de n'avoir pas exploré les moindres coins et recoins de ces lieux. M'enfin, pas comme si je venais souvent ici. Je passais plus mon temps dans le gymnase et dans mon studio qu'autre chose.
D'ailleurs, peut être que c'était moi qui avait un sens de l'orientation digne de celui d'une moule sous hallucinogène, mais je m’inquiétais un peu pour elle sur le coup.

Avec toute la discrétion et la flegme dont j'étais capable je finis par la suivre. Pour l'instant, elle semblait aller vers la bonne direction.
Tant pis pour ce que j'avais à faire, cela pourrait attendre. Ce serait peut être cruel pour les élèves de devoir installés leurs propres instruments de tortu...de sport, mais bon. Et puis j'étais un adulte ! Il fallait que je sache si elle finirait par arriver à bon port ou pas ! Et de m'assurer qu'elle y arrive si ce n'est pas le cas.
Puis quelque chose fit tilt dans mon esprit. Les 1eres années. J'avais cours après avec eux. Savait elle au moins ou se trouvait le gymnase... ? Non, ce serait différent, elle pourrait suivre d'autres élèves.

Bah, espérons qu'elle ait un sens de l'orientation plus développé que le mien et qu'elle ne se perdra pas cette fois ci.

Parce que aujourd'hui, je n'ai ramené ni carte ni boussole...

Je gravis les marches quatre à quatre, certaine d'être seule et me retrouvais rapidement au premier étage. Première année, premier étage, cela aurait pu être logique... Enfin, je n'avais pas le temps de rêvasser ou me poser des questions du même ordre. Je me mis donc à arpenter le long couloir qui s'offrait à moi d'un pas rapide et mais peu assuré. J'avais vraiment peur d'arriver en retard mais plus encore de vraiment le rater. Mon regard passait de droite à gauche, analysant toutes les pancartes de salles. Au bout de quelques minutes, j'arrivai à un embranchement. A droite ou à gauche? Je commençai à regretter de ne pas m'être faite accompagnée par le prof que j'avais rencontré en bas.

Ne voulant pas perdre plus de temps, je résolus de prendre à droite et de revenir sur mes pas si je ne trouvais pas la fameuse salle. Je continuais à suivre le long couloir qui desservait de nombreuses pièces sans écriteau je n'avais aucune idée de ce qu'elles contenaient mais, à la réflexion, je m'en moquais éperdument.
Finalement, après des tours et des détours, après avoir de nombreuses fois rebroussé chemin pour prendre d'autres bifurcations, je me retrouvai une nouvelle fois complètement perdue.

J'étais vraiment dans le pétrin... Un coup d'oeil à ma montre m'informa que le cours avait commencé depuis vingt minutes: inutile de m'y présenter maintenant. Il fallait que je retrouve la sortie et que j'aille m'excuser auprès de Mlle Shimazu.
Je m'était arrêtée tandis que je songeais à tout cela. En émergeant de mes pensées, je me rendis compte que je me trouvais dans un couloir plus sombre que les autres. Il semblait s'enfoncer dans le noir, là-bas, devant moi tandis qu'il redevenait un peu plus éclairé dans mon dos.

Mais où avais-je bien pu atterrir? Ce lycée était un véritable labyrinthe   et je n'aurais jamais imaginé qu'il soit si grand.
Un coup d'oeil aux mur à la peinture défraîchie m'informa que ce couloir ne devait pas être très fréquenté. Peut-être une voie de maintenance? Ou une issue de secours?

Soudain, je me raidis: des bruits de chuchotements provenant d'une salle sur ma droite. Longeant doucement le mur, je collai mon oreille contre le battant de la porte et pus entendre des rires étouffés. Cela ne pouvait que signifier que des gens occupaient cette salle. Je frappai à la porte, pensant demander à ces personnes de m'indiquer comment retrouver mon chemin.
Ne recevant cependant pas de réponse, je poussai la porte et me retrouvais dans une salle très sombre, seulement éclairée par les rayons solaires filtrant des lourds rideaux tirés devant les fenêtres. Lorsque mes yeux se furent habitués à l'obscurité, je me rendis qu'il n'y avait personne dans cette pièce.

Hey hey hey..C'était une blague ? Une camera caché ? Comment était ce seulement possible ?! Ou allait elle donc comme ça ! Elle avait gravi les marches à toute vitesse,  et avant même que je ne puisse lui crier de stopper, elle avait déjà bifurqué à droite ! Bon sang...
J'aurais dû la forcer à me suivre quand j'en avais l’occasion.. Maintenant Dieu sait où elle allait aller. À moins...Qu'elle faisait exprès ? Qu'elle séchait pour rejoindre ses amis ou faire quelque chose de peu recommandable ? Hmm, cela laissait à réfléchir...
Je m’apprêtai à courir pour la rejoindre au plus vite mais m’arrêtai en plein mouvement. Je risquais plus de l'effrayer qu'autre chose. Qui ne serait pas effrayé dans un couloir, seul, avec une personne étrange et masqué vous poursuivant à toute vitesse ? Rien qu'à cette idée j'en eus la chair poule.
Devrais je retirer mon masque dans ce cas... ? Non, Elle me reconnaîtrait à mes habits...Zut...
Dans ce cas, je n'avais qu'une seule option : Continuer à la suivre, et la ramener quand l’occasion se présentera. Mais avant cela, je sortis un carnet et un stylo.

-Vous avez une sacrée matinée hein. Intervint mon familier caché sous mes vêtements.

-M'en parle pas... Soupirai je exaspéré. Moi qui avait espéré une matinée tranquille, me voilà à prendre en filature une nouvelle.

Je me remis à suivre la jeune fille, tout en traçant le chemin qu'elle prenait, histoire de pouvoir retourner en arrière. Comme je l'avais dis, je ne faisais guère confiance en mon sens de l'orientation. Dans le pire des cas, je pourrais toujours sauté à travers la fenêtre pour me réceptionner plus bas, mais bon...Je préférais éviter ça haha...

La jeune fille ne prêta aucune attention devant les divers salles qui s'offraient à elle, et continua son chemin d'un pas qui se semblait se faire de moins en moins confiant. Âpres tour et détour qui me donnèrent pas mal de fil à retordre, elle finit par s’arrêter devant une salle. Combien de temps avions nous passé ici ? Un coup d’œil m'informa qu'il restait 40 minutes avant mon prochain cours. Argh....
Maintenant que j'y pensais, je n'avais jamais visité ce lieu là. Le couloir semblait étrangement...vide. Et l' atmosphère y était étrange. Définitivement.

Contre toute attente, la jeune fille longea doucement le mur et frappa à la porte de la salle où elle s'était arrêté. Il ne sembla pas y avoir de réponse de là où j'étais, caché derrière un coin. Pourquoi était elle rentré dans une salle vide de toute personne ? Ce coin du pensionnat n'était guère utilisé, donc j'étais sur qu'il n'y avait personne.
Cette blague avait assez duré, il faudrait maintenant que je la ramène non.... ?

En poussant un profond soupir, je me dirigeai vers la salle et passa derrière la jeune fille qui ne sembla pas me remarquer. Comme prévu, il n'y avait personne à l'intérieur de la pièce sombre.
Avec douceur je posai ma main sur l'épaule de la jeune fille et dit en tentant d'adoucir ma voix au possible, malgré le ton qui restait assez froid et autoritaire :

-Je suis sûr que ce n'est pas la salle que vous cherchiez, jeune fille. Qu'est ce que vous faites ici ?

Et d'un coup je me rendis compte que me rencontrer dans ce déguisement, dans une pièce sombre mal éclairé, dans un lieu désert de vie à la ronde et d'un silence total équivalait un peu....à rencontrer un monstre.

Aaaah...J'étais vraiment maladroit concernant les relations humaines.
 

Je commençais à être vraiment angoissée. Que se passait-il, ici? Pourquoi avais-je entendu ces voix? Est-ce que je les avais au moins réellement entendues?

Mon projecteur cérébral se déclencha et je commençai à me faire un film. Peut-être que ce lycée n'était qu'une couverture, un prétexte,  trouvé pour pouvoir torturer les élèves, pratiquer des expériences épouvantables sur eux? Ou alors, peut-être que l'école cachait un terrible secret et que des centaines de fantômes la hantaient?

Je n'étais pas facilement effrayée mais là, je devait l'admettre, j'étais proprement épouvantée. Me retrouvée dans une pièce plongée dans l'obscurité, au coeur d'un dédale de couloirs, perdue et toute seule... Il y avait de quoi faire flancher sa raison et délirer en se créant des scénarios angoissants.

Déglutissant difficilement, je me fis toutefois la remarque que je pouvais toujours essayer de faire des signaux par la fenêtre. Malheureusement, en m'approchant, je me rendis compte que les rideaux étaient cousus entre-eux et cloués au mur. Cela suscita une nouvelle bouffée de terreur et je reculai lentement jusqu'à la porte.

Arrivée à celle-ci, où plutôt à l'endroit où j'aurais dû la sentir dans mon dos, j'entendis une voix sépulcrale s'élever et une poigne d'enfer se refermer sur mon épaule.

-DWAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH!

Je hurlai puis me jetai en avant après avoir donné un bon coup de pied au démon qui m'avait agrippée. Je me réceptionnai sur les mains et disparus instantanément de sa vue grâce à mon pouvoir avant de bondir sous une table, tremblant de terreur et me mordant la main pour éviter de hurler. De là où j'étais, je pouvais observer les pieds du spectre -qu'est-ce que ça pouvait être d'autre- et ainsi, connaître ses déplacements. Dès qu'il aurait libéré le passage, je me ruerais vers la sortie et sprinterais jusqu'aux escaliers.

-DWAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH! Hurla t-elle sans me surprendre pour autant.

Elle avait même osé tenter de me donner un coup de pied ! Vous y croyez ?! Heureusement pour moi, mes réflexes aiguisés et mon sang froid m’évitèrent un sacré coup. Je ne suis pas prof d'Eps spécialiste en art martiaux pour rien...
Mais en contre partie, elle avait shooté dans mon carnet contenant le plan de sortie que je détenais dans l'autre main. Et dans cette obscurité, bonne chance pour le retrouver. Raaah, quel pétrin...Je me serais cogné la tête contre le mur sous l'exaspération de la situation, mais pas avec une élève dans le coin.

Ahlalala....
Et Forcément hein...Sa réaction était à prévoir. J'aurais remplacé ma phrase précédente par un « BOUH » avec quelques bruits sourds d'éclairs en arrière plan en plus d'un «VRRRRROOM VRRROOOOM» d'une tronçonneuse, et ça aurait été parfait pour un film d'horreur.

Sauf que dans un film d'horreur, la victime ne se volatilisait pas comme ça. Elle, elle avait totalement disparut de ma vue en un clin d’œil. Satané magie.
Je décidai de ne pas bouger et de guetter le moindre mouvement dans la salle. Une magie de téléportation ? Non, peu probable. J'aurais entendu des pas de course si sa porté était limité. Et si sa porté n'était pas limité, elle était déjà loin et je n'y pouvais donc rien.  L'autre possibilité et aussi la plus plausible à mes yeux était  une magie d'invisibilité. Ou d'illusion. Maudit soit tous ces types de magie ! En fait, maudit soit l'existence même de la magie!

Mais n’empêche, cette pièce était vraiment glauque. Pas autant que la salle de la peur, mais pas loin non plus. M'enfin, ce n'était pas étonnant de la part d'un bâtiment si ancien, et surtout d'un bâtiment pour magicien...Ou surtout d'un bâtiment japonais...

Bah, si elle était dans cette pièce, autant le vérifier pleinement. Dans le cas contraire j'allais devoir retrouver mon carnet de déguerpir d'ici.

-Sort de ta cachette maintenant. Tu es déjà sacrément en retard, alors je ne pense pas que ce soit le temps de jouer à cache cache.

Argh...J'avais encore utilisé ma voix autoritaire d'adulte au lieu de ma réelle voix si douce et si réconfortante aux oreilles des autres...
Espérons juste qu'elle entende la voix de la raison, et pas celle de la peur.
En parlant de raison, qu'est ce que je penserais si j'étais elle.... ? Ah oui. Forcément.

-Et non, je ne suis absolument pas un démon ou un fantôme qui tente de te piéger, je suis juste le professeur que tu as rencontré tout à l'heure dans le hall.

J'aurais bien annoncé que les démons et les fantômes n'existaient pas pour la rassurer, mais ce serait juste un gros mensonge vu l'endroit où nous étions.

Quoi donc encore dans cette situation à la tension palpable...? Oh!

-Ce n'est pas non plus un stratagème pour te faire sortir. C'est la simple vérité.

J'aurais bien ajouté que je ne lisais pas dans les pensés, mais c'était déjà assez suspect en soi comme ça si on était parano. Dieu fasse qu'elle ne soit pas parano.

Et bon sang, il faisait vachement noir ici. Je n'arrivais pas à percevoir mon carnet. Je fis quelques pas pour tenter d'écarter les rideaux afin de laisser pénétrer un peu plus de lumière, mais ceux ci se révélèrent scellés. Et pas qu'un peu.
Encore une fois, plus ou moins logique vu que la pièce n'était jamais utilisé....Je l’espérais en tout cas.

Franchement, comment on en était arrivé là, je me le demandais encore....

 

Au moment où la voix de mon agresseur retentit à nouveau, je me mis à trembler comme une feuille morte.
Il tentait de me convaincre qu'il était bel et bien l'homme que j'avais abordé en bas, dans le hall, mais je n'avais aucun moyen d'en être sûre.

Mon esprit se remit à vagabonder et les suggestions farfelues à s'amasser. Et s'il était télépathe et qu'il pouvait lire et déchiffrer toutes mes pensées? Cette idée d'une telle intrusion dans ma vie privée me fit rougir à nouveau. De stupeur et de rage.
Si seulement j'étais armée... La présence d'un quelconque objet pouvant servir à me défendre au creux de mon poing serait tellement réconfortante... Malheureusement, je n'en avais pas, à l'heure actuelle. Je me fis la promesse de m'équiper pas plus tard qu'à la fin de la journée. On était jamais trop sûre avec tous ces mages dans les environs. Le moindre pétage de plombs pourrait conduire à l'hécatombe.

Cette pensée me rassurait étrangement. Je m'étais projettée dans le futur et cela m'avait, pendant un instant, fait oublier ma situation et mon angoisse.

Ce qui me fit sortir de mes pensées, c'était des bruits de pas. Il se déplaçait en direction des grandes fenêtres dont j'avais tenté de tirer les rideaux un peu plus tôt.
Cela me laissait une fenêtre pour m'échapper. Il fallait que je tente ma chance.

Passant la tête sous par dessous la table, j'évaluais ma distance à la porte de cinq mètres environs et celle qui me séparait de la créature, du spectre, enfin, de cette chose qui m'effrayait à deux mètres.
Si je piquait un bon sprint, je pourrais peut-être m'échapper mais si je me faisais attraper, je serais maintenue ici par la force colossale de l'ombre.

Prenant une grande inspiration, je m'élançais, toujours invisible vers la porte mais l'obscurité et la peur m'empêchèrent de discerner la chaise dans laquelle je me pris les pieds et par dessus laquelle je m'écroulai dans un fracas de tonnerre. Étourdie par le choc, je redevins bien évidemment visible et ne pus me redresser, pétrifiée de terreur tandis que je voyais l'ombre s'avancer dans ma direction.

Je fis un pas, deux pas, et ainsi de suite vers les fenêtres, sur mes gardes et à l'écoute du moins bruit. Bien sur, tout cela n'était qu'un appât. Si elle ne voulait toujours pas m'écouter hé bien....

« Boom », fit elle en tombant lourdement sur le sol à cause de la chaise que j'avais soigneusement  et délicatement placé sur le chemin vers la porte avant de me diriger vers les fenêtres. Bingo.
J'avais un peu l'impression de chasser une souris effrayé...Une souris qui était invisible jusqu'à là.

Elle était vraiment têtue, et aveuglée par la peur. C'était bien la première fois que je voyais une élève autant effrayée par ma personne. Je voulais bien croire que mon masque n'était pas agréable et pouvait donner la chair de poule, mais Wow ! Pas à ce point là ! Enfin, j'imaginais que l’atmosphère prêtait à pas mal de confusion hein. Ne me dite pas qu'on lui aurait déjà raconté les ragots qui traînaient sur moi.... ? Que j'étais un démon mangeur de vitalité et sadique, avide de sang et de torture ? Qu'un élève était mort (d'épuisement) dans mon cours... ? Que le diable en personne me chuchotait à l'oreille ce que j'imposerais aux élèves ? Que des bobards bien entendu, et j'étais partagé entre l'hilarité et l'embarras à chaque fois. Enfin, je l'avais bien cherché, ce genre de réputation...

Au fond, j'étais bien content qu'elle ne puisse pas encore maîtriser de magie offensif, sinon il y aurait eu plus de casse que cette simple chaise. Quelque chose me disait qu'elle n'aurait pas hésité à me fracasser le crane si elle le pouvait...
Bien sur, cela ne serait jamais arrivé, mais c'était toujours dangereux. Pour l'attaquant.

Rapidement je me jetai sur la fuyarde et bloqua le moindre de ses mouvements en m'asseyant sur son dos et bloquant ses deux bras derrière elle. Je n'allais pas la laisser filer maintenant après tout ce remue ménage !

-Du Calme. Lui dis je plus par formalité qu'autre chose. Parce que si elle ne m'avait pas écouté jusqu'à là, elle devait encore croire que j'étais un monstre à sa poursuite. Ou un professeur de sport avec un masque effrayant à sa poursuite.

Tandis que je retenais ses deux bras derrière elle avec une main, de l'autre je me mis à fouiller dans la poche de ma veste et en sortit une console de jeu portable.
Parce que oui, j'avais une console de jeu pour m'occuper pendant les pauses, mais je gardais ça secret des élèves en général. J’espérais au fond de moi qu'elle ne prêterait pas attention à cela. L'obscurité était tel que je ne pouvais pas vraiment voir son visage clairement. Et c'était sûrement le cas pour elle. Il était toujours mieux de discuter tranquillement avec un peu plus de clarté -malgré notre position un peu inconfortable, je dois l'admettre.
J'allumai la console qui illumina quelque peu la pièce et picota mes yeux habitués à l'obscurité. J'approchai ma tête de la sienne histoire qu'elle puisse m'apercevoir clairement.

-Tu es prête à m'écouter calmement maintenant, ou je dois te donner des heures de colles pour que tu ouvres tes oreilles? Ce serait vraiment idiot, pour ton premier jour, tu ne penses pas ? Dans le pire des cas, je devrais t’assommer.

Bien sûr, je n'étais pas vraiment sérieux concernant cette dernière partie. Mais bon, il y avait plein de personne capable de guérir une petite bosse sur le crane dans ce pensionnat, donc je ne m’inquiétais pas vraiment.

Ça y était. J'avais été attrapée à cause de cette maudite chaise et j'était bloquée au sol, mon agresseur sur le dos me faisant deux clés de bras. Ma vie défila rapidement devant mes yeux tandis que je commençais à sentir des larmes de déception et de colère couler le long de mes joues. Qu'allait-il m'arriver? Allais-je être torturée ou pire...?

En plus, mon agresseur me narguait,m'exhortant au calme. Je tentais bien de me débattre mais chaque mouvement ne faisait que resserrer l'étau de ses mains sur mes bras.

Ce n'est que lorsqu'il sortit sa console de jeu et qu'il éclaira faiblement les alentours avec la lumière de celle-ci, que je me rendis compte qu'il s'agissait bien de ce prof glacial et masqué que j'avais rencontré un peu plus tôt.
En plus il me menaçait! Cette fois, la colère me submergea complètement:

-Vous trouvez ça drôle de m'effrayer alors que je me suis perdue? Vous êtes vraiment quelqu'un de sadique! Et maintenant vous m'immobilisez dans une pièce sombre! Vous croyez que je ne sens pas vos mains, espèce de pervers?!

Finie la terreur, envolée ma timidité maladive. Maintenant, j'étais vraiment envahie par la rage. Je ne faisais aucun cas de ses menaces d'heures de colle ou d'assommement. Qu'il essaie, seulement et je me plaindrais!

C'est ce moment que choisit Shanku, ma petite dragonne pour débouler dans la pièce comme une furie. Elle avait sans doute senti que j'étais dans une position plutôt inconfortable et que j'aurais bien eu besoin d'aide.
Faisant claquer sa mâchoire, elle regarda l'individu assis sur mon dos d'un air méchant.

Elle m'envoya une image d'elle en train de mordre le prof avec un gros point d'exclamation à la suite. Visiblement, elle pensait pouvoir défaire mon agresseur toute seule. Je savais cependant qu'il n'en serait rien et qu'il pourrait l'envoyer dans le décor d'un simple coup de poing. De toute façon, même si elle arrivait à l'attaquer, j'aurais des problèmes encore plus gros.
Je lui répondis donc mentalement qu'il n'en était pas question.

Malgré tout mon ressentiment, je n'avais d'autre choix que de l'écouter, même si je fulminais intérieurement. Après tout, il était en position de force, non?

Un peu mieux que la peur, la colère avait prit le dessus sur elle.

-Vous trouvez ça drôle de m'effrayer alors que je me suis perdue? Vous êtes vraiment quelqu'un de sadique! Et maintenant vous m'immobilisez dans une pièce sombre! Vous croyez que je ne sens pas vos mains, espèce de pervers?!

Elle me traita sans raison de sadique et de pervers alors que je tentais juste de l'aider ? Les élèves étaient parfois ingrats, donc je m'y étais habitué. Mais quand même, quel toupet !
Par contre je ne comprenais pas pourquoi elle me traitait de pervers alors que je ne faisais que l'immobiliser dans les règles de l'art. Étrange...M'enfin.
Je gardai le silence face à ce torrent d'injure. Même si, au fond, j'étais vachement blessé.

Au moins, elle avait reprit un peu de raison dans le crane. Au moment où je m’apprêtais à reprendre la parole, ce qui était sans doute son familier apparut et me toisa pensant probablement que j'étais une menace pour sa maîtresse. Qui ne penserait pas la même chose dans cette situation prêtant à pas mal de quiproquo?
Je sentais que son petit familier voulait se jeter sur moi, et j'étais préparé à l'attraper par la peau du cou si nécessaire. Toutefois, il était préférable que l'on n'arrive pas à de tels extrémités. Je ne voulais aucun blessé, juste sortir de cet endroit au plus vite avant le début de mon prochain cours.
J'avais l'exécrable habitude d’être toujours à l'heure pour montrer l'exemple, et je ne voulais pas que cela change aujourd'hui.

-Voyons, je me demande qui a miraculeusement réussi à se perdre dans les méandres de ce pensionnat, alors que la salle tant convoité était à quelques pas après l'escalier. Je ne m'attendais pas spécialement à recevoir des éloges et des bienvenues, mais c'est un accueil peu enviable pour la seule personne à la ronde qui tente de t'aider à sortir d'ici en temps et en heure pour présenter tes excuses à la prof d'anglais.

Résigné, je finis par relâcher la prise que j'avais sur elle. J’espérais qu'elle avait retrouvé un peu de raison et qu'elle ne s'enfuirait pas d'ici à toute vitesse. Si c'était le cas, il faudra que je l’assomme pour sortir d'ici sain et sauf.

-Si on veut sortir d'ici, il va falloir retrouver mon carnet qu'une certaine personne à fait tomber en shootant dessus en me visant. Il contient le seul chemin vers notre retour en lieu civilisé. Sauf si tu préfères repartir à l'aveuglette.  Accompagnant le geste à la parole, je me mis à chercher à l'aide de la lumière de ma console. Je fis bien attention à ne pas lui tourner le dos, pour ne pas la perdre de vue. Qui sait ce dont elle serait encore capable. Tu as quelque chose pour t'éclairer ? Un téléphone portable ou autre?

Comment ça je me montrais désagréable ? Même pas vrai, ce n'était pas comme si j'étais encore blessé par ses remarques désobligeantes et affreusement ingrates, non, même pas vrai !
Bon d'accord, j'étais juste un peu irrité...juste un peu.

Quel sale type! Lorsqu'il relâcha enfin son étreinte, je m'empressai de me relever, le dos et les bras endoloris. Me massant les poignets, je lui jetai un regard tout ce qu'il y avait de plus noir. Je fis également mine de ne pas faire attention à lui lorsqu'il me reprocha mon accueil et m'accusa de la perte de son carnet.
La faute à qui? Il n'avait qu'à pas me prendre par surprise, comme ça! Enfin, je ne relevai pas: ça n'en valait pas la peine.

Sortant mon téléphone portable, je me mis moi aussi à la recherche du fameux artefact sur lequel semblait figurer le plan à suivre pour retrouver la sortie. Je notai au passage qu'il évitait de me perdre de son champ de vision, ce qui me fit faire un petit sourire en coin. On se méfiait l'un de l'autre, hein?

-A quoi il ressemble votre calepin? demandais-je froidement.

M'attendant à une réponse ironique, je me dis qu'il valait peut-être mieux éviter de lui adresser de nouveau la parole. On risquait d'avoir encore des mots. De même, il serait préférable qu'il ne fut pas prof des premières années. Sinon, les cours promettaient d'être gai. Pour l'un comme pour l'autre.

Alors que je longeais le mur, ma main heurta quelque chose. La faile luminosité de mon appareil ne me permettant pas de bien discerner quel était cet objet, je le saisis et le portait à hauteur de mes yeux. Un livre. Je l'ouvris. Non, ce n'était pas ce qu'on cherchait. Je fourrai donc le bouquin dans mon sac, projetant de voir plus tard de quoi il s'agissait.

Shanku, fouinait de son côté, vers les étagères qui tapissaient le fond de la salle. Je sentait que des idées noires se bousculaient dans sa tête. Elle avait l'air de vouloir farouchement me défendre. De temps à autre, elle se retournait à demi et jetait un regard assasin au prof avant de retourner à ses recherches.

Tout à coup, elle m'envoya un signal: elle avait découvert quelque chose. Une image se forma dans mon esprit. Apparemment, c'était ce carnet. En tout cas ça correspondait à l'idée que je m'en faisais. Ma dragonne s'approcha avec circonspection de l'homme et lui lança l'objet.

-C'est votre carnet?

Hum! Il y avait plutôt intérêt. Je ne pouvais pas me permettre d'arriver également en retard en cours de sport et il ne restait que quinze minutes avant son début.

Elle finit par sortir calmement un téléphone et se mit à chercher à son tour, non sans cacher une certaine animosité à mon égard. D'une certaine façon, je m'étais encore attiré la haine d'une élève...Bah, un de plus ou de moins.

-Noir. Lui répondis je simplement lorsqu'elle me demanda les caractéristiques de mon carnet.

Cela dit, nous nous mîmes à chercher chacun de notre coté notre ticket de sortie, celui que j'appelais aussi secrètement le plan A. Parce que j'avais un Plan B que je préférais ne pas utiliser.

-Je crois que son familier vous lance des regards noirs. Commenta mon familier en sortant sa tête de ma veste. Et je crois que l’élève ne vous apprécie pas particulièrement. Un de plus hein ?

Il ne faisait que énoncer l'évidence même, aussi je ne pris pas la peine de lui répondre.

Âpres quelques minutes, je remarquai que le familier de la jeune fille s'approcha de moi avec prudence. Encore mieux, il s'approcha de moi et me lança le carnet que j'attrapai en plein vol.
Bingo. C'était bien celui là. Pour réponse, je hochai la tête et tourna ma lumière vers le bout de papier qui allait nous sortir d'ici rapidement.

Un profond silence s'installa quelques secondes.

Hein....HEIN ?!
Une corde. Pas pitié ramenez moi une corde sur le champ. Comment était ce seulement possible ?! Le destin lui même s'est il tourné contre moi ?! Pourquoi au nom de dieu avait il fallu que je tombe à cours d'ENCRE en plein milieu ?! Le plan ne valait plus rien ! Si je m'en étais rendu compte, j'aurais forcé le stylo pour y laisser des traces au moins, mais rien. Le chemin que j'avais tracé s'était arrêté en plein milieu.
Bon sang, si cette élève ne s'était pas tourné et retourné partout, l’encre aurait tenu et j'aurais pu me concentrer sur le carnet au lieu de la surveiller constamment pour ne pas la perdre de vue....
RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! Je boulonnai de rage et de désespoir!

-Non. Mais je vais le garder quand même. Finis je par répondre calmement en arrachant la page et en la jetant au loin. Je jetai un coup d’œil à ma montre et remarquai qu'il restait moins d'un quart d'heure avant mon cours. Il ne reste plus beaucoup de temps. Passons au Plan B.

Snif...Le Plan A était infaillible pourtant...

J'entendis mon familier marmonner :

-Le plan B ? Quel plan B ? Vous avez un Plan B ? Ne me dite pas que....

Je m'approchai de la fenêtre et arracha sans peine le rideau cloué. Tant pis pour la discrétion, je demanderais à quelqu'un de venir remettre ça. Il ne restait plus beaucoup de temps.
La lumière matinal pénétra dans la salle et j'observai l'extérieur. Oui, en dehors c'était un coin que je connaissais. Et mieux, il n'y avait personne. Aaah. Le pensionnat est si large. Et si haut.
Un sourire amusé se dessina sur mon visage, caché derrière ce masque de froideur.
Lentement je me retournai vers la jeune fille, et demandai:

-Tu as le vertige ?

Dommage... Ce carnet semblait tout de même correspondre à la description -très vague- donnée par le prof. Je pensais qu'on était sauvés mais en fait pas du tout. Avec un soupir, je retournai à mes recherches.

Il ne semblait cependant pas l'entendre de cette oreille. "Passons au plan B". Quel plan B? Parce que le plan A c'était de retrouver le carnet?
D'une certaine manière, c'était assez logique. Cependant, j'avais un mauvais pressentiment quant au plan B. Quel était-il?

Ce mauvais pressentiment devait être confirmé par l'action suivante. Il était allé arracher les rideaux, découvrant ainsi les fenêtres.
Ne me dîtes pas que...

-Tu as le vertige?

Et merde... On pouvait dire que c'était ma veine... Ce dingue voulait sauter du premier étage. Cela représentait une chute d'une petite dizaine de mètres. Je m'approchai des grandes baies qui s'ouvraient vers le jardin, me permettant de discerner le gymnase, là-bas. Si on sautait, on aurait absolument rien pour atterrir. On allait se briser tous les os!

-Je ne saute pas de cette hauteur. C'est du suicide. Et je ne sais pas voler, mon pouvoir étant l'invisibilité. Je pense qu'il vaut mieux repartir par les couloirs.

Après une petite pause, je rajoutais:

-Vous allez vous briser les deux jambes.

Je n'avais toutefois pas encore vu son pouvoir. Peut-être que lui, pouvait voler. Ou alors, peut-être qu'il avait des os en acier trempé, ce qui lui permettrait de résister à un choc pareil.

Moi, j'allais chercher son carnet et trouver le plan qui m'indiquera la sortie.
Je retournai à mes recherches, lesquelles étaient facilitées par le flot de lumière qui pénétrait par les fenêtres. Je dus cependant me rendre immédiatement à l'évidence: je ne retrouverais jamais ce calepin pour la bonne raison qu'il n'était pas dans la pièce.

Récupérant mon sac, je retournai au côté du professeur, lequel avait ouvert la fenêtre.

-Vous semblez être réellement sûr d'atterrir sans dommages. Est-ce que vous avez un pouvoir qui vous le permet?

Dans le cas contraire, il était complètement fou.
Que devais-je faire?
Je répondis donc à sa question initiale.

-Non, je n'ai pas le vertige.

Sans étonnement elle m'expliqua que ce saut d'une dizaine de mètre était du suicide et qu'au mieux, j'allais me briser les jambes. Logique, elle ne connaissait pas mes capacités.
Toutefois, elle ne répondit pas explicitement à ma question. Ahlala, les jeunes de nos jours. Toujours à tourner autour du pot au lieu de répondre directement.
Mais, en étais je réellement capable ? Je n'avais jamais vraiment testé de cette hauteur, qui à mes yeux semblait ridicule. Cela tuerait sûrement un homme normal, mais je n'étais pas normal, comme la plupart des gens ici. Au pire, je me ferais juste extrêmement mal, mais je n'avais aucune peur de me briser quoique ce soit. Mon corps avait subi bien pire et s'en était parfaitement adapté.

Ceci dit, elle alla reprendre sa recherche de ce carnet qui n'existait pas. Et elle dû s'en rendre compte, car elle finit par récupérer son sac et vint à mes cotés. La fenêtre était désormais grande ouverte, laissant passé un courant d'air frais.

-Vous semblez être réellement sûr d'atterrir sans dommages. Est-ce que vous avez un pouvoir qui vous le permet? Me demanda t-elle en toute légitimité.

Je m'attendais évidement à cette question.

-Bien sur, sinon je n'aurais jamais proposé cette alternative. Répondis je. Mon corps est capable de soulever un arbre, alors en toute logique une petite chute d'une dizaine de mètre...Et puis j'ai vécu pire. Bien pire.  

-Non, je n'ai pas le vertige.

-Parfait.

Cette question sur le vertige était une simple question de politesse. Je ne lui laissais pas vraiment le choix de toute manière. Sauter d'ici était le moyen le plus rapide de ne pas arriver en retard après tout. Et si elle n'avait pas le vertige, tant mieux ! Cela facilitait les choses.
Je me mis à faire quelques étirements, surtout au niveau des jambes, et en même temps je repris la parole :

-Dans ce cas je te laisse plusieurs possibilités qui reviennent au même pour moi. Premièrement, je te porte sur mon dos, ou dans mes bras ce sera plus facile et moins douloureux pour toi, et je saute. Deuxièmement, je saute en premier, et je te rattrape en bas. Troisièmement si tu souhaites changer d'avis, je saute en premier, et j'envoie quelqu'un ici avec une échelle ou par le couloir. Mais avec cette dernière option, tu arriveras en retard. Dans tout les cas tu devrais me faire confiance. Je suis un prof qui est venu ici en premier lieu pour t'aider. Maintenant fais ton choix.

Avoir un poids de plus ou de moins sur moi ne devrait pas trop m'handicaper. Je faisais amplement confiance en mes capacités.

Apparemment, il ne craignait absolument pas la chute et son organisme était assez résistant pour que ses blessures -s'il en avait- ne soient qu'infimes. Peut-ête exagérait-il aussi son pouvoir afin d'être un peu plus auréolé de prestige. Je ne savais pas mais je doutais quand même un peu du coup de l'arbre et du "J'ai vécu pire". Enfin, je n'étais pas là pour juger de la validité de ses informations sur son pouvoir.

Je sentais ma colère retomber. La curiosité avait pris la place et je m'interrogeais quant à la suite des événements.
J'étudiai la proposition du prof avec attention. Que valait-il mieux?

J'écartais d'office la dernière solution, celle des secours qu'il m'enverrais, une fois arrivé en bas. Beaucoup trop long, j'arriverais encore en retard au prochain cours.

Restaient encore deux solutions possibles. Je sautais dans le vide avec lui ou bien je m'élançais dès qu'il aurait pris pied à terre.
Je n'avais pas tellement envie de sauter toute seule, pour risquer en plus qu'il ne me rattrape pas...

Il disait que je pouvais lui faire confiance et je n'en doutais pas. Enfin, je n'en doutais plus. Après tout, c'était parce qu'il avait voulu me ramener au bon endroit qu'il s'était perdu.
Une vague de remord me saisit quand je repensais à tout ce que je lui avais dit. Je ne le pensais pas réellement, c'était la peur, la colère et la honte qui m'avaient mise dans cet état.

Je me sentis rougir.

Je vis que Shanku, elle, n'avait pas attendu le signal du départ et s'était posée dans un arbre, en face, pour étudier le déroulement des opérations. Evidemment, la vie était bien plus simple quand on avait des ailes...

Je resserrai la bandoulière de mon sac pour être certaine de ne pas le perdre durant le saut.

-Je... Je pense qu'il vaudrait mieux qu'on descende ensemble...

Nouveau rougissement, immédiatement camouflé par la chute d'une mèche de mes cheveux argentés sur mon visage.

Tandis que la jeune fille réfléchissait aux possibilités, son familier ailé se posta plus loin sur un arbre pour nous observer.
Au fur et à mesure de ses réflexions, les joues de l’élève se colorèrent quelque peu, et elle finit par accepter ma proposition numéro 1.
Était ce mon imagination ou son attitude avait radicalement changé envers moi ? Bah, pas le temps pour penser à ça.

-Bien.

Je revérifiai qu'il n'y avait personne aux alentours, et cela fait je me retournai vers la jeune fille.
Sans lui donner le temps de réagir je la porta dans mes bras -la façon la plus sûr de tomber à deux selon moi- et posai un pied ferme sur le rebord de la fenêtre, prêt à sauter. Je n'avais jamais été fan de sensation forte, mais ça ne me faisait pas peur pour autant.
Peu à peu je puisai dans mon pouvoir, et sentis déjà une certaine force dans mes bras et mes jambes.

-Ne bouge surtout pas. Lui conseillai je.

Je pris une profonde inspiration et me pencha dans le vide. Sans un mot de plus ni un cri, je me mis à chuter d'une dizaine de mètre. J'aurais voulu crier « Geronimooo » mais cela ne collait pas vraiment au personnage que je m'étais fait. Et pourtant je vous assure que ça me démangeait la gorge de le crier ! En plein vol, je me mis même à faire des acrobaties comme les plongeurs, faisant deux ou trois tours sur moi même pour le simple plaisir, au grand dam de ma passagère. Bon d'accord, c'était un petit caprice de ma part. J'avais rarement eu l’occasion d'en faire après tout haha, donc c'était une occasion comme une autre...

Le sol se rapprocha en un éclair, et au moment où le bout de mes pieds toucha le sol, je fléchis les jambes pour limiter l'impact.
Malgré mes chaussures de sports aux semelles de qualité, je ressentis le choc remonter le long de ma colonne vertébrale et une douleur plus forte que je ne me l'étais imaginé. Mais ce dernier détail s'estompa petit à petit.
La chute n'avait pas fait grand bruit, et mes jambes étaient en un seul morceau.

Délicatement je reposai la jeune fille sur ses pieds et commençai à me masser les jambes, me laissant le temps de faire retomber la monté d’adrénaline et mon pouvoir.

-Ça c'est mieux passé que je ne l'aurais imaginé. Commentai je en regardant la fenêtre d’où nous étions tombés. Tu vas bien ?

Si elle n'était pas là, j'aurais ri à gorge déployé à cause de cette salle matinée. Qui aurait cru que j'aurais dû sauter du premier étage pour ne pas me taper le retour dans un couloir afin d'arriver à l'heure pour mon cours ? Quel matinée...
Je jetai un coup d’œil à mon montre et continuai :

-Tu vas devoir aller à ton prochain cours, et t'excuser auprès de ta prof d'anglais plus tard semblerait il.

A peine avais-je répondu, que je m'étais retrouvée dans les bras du professeur, avec pour consigne de garder une immobilité parfaite.
Je sentais confusément une aura de force émaner de lui et ses bras se raffermir sur moi.

Avant de me rendre compte qu'on y allait, je tourbillonnais dans les airs, cramponnée à cet homme dans les bras de qui je me trouvais. Je sentais le vent agiter mes cheveux dans tous les sens tandis que nous effectuions diverses figures aériennes. Je voyais la terre puis le ciel, les bâtiments, les arbres tournoyer autours de moi. Mon compagnon semblait parfaitement s'amuser -ce que je ne pus que deviner puisque son visage était toujours recouvert de son masque inexpressif- alors que j'étais proprement terrifiée. J'aurais voulu hurler mais aucun son ne sortit de ma bouche durant le peu de temps que dura la chute. C'était comme si j'avais non seulement avalé ma glotte, mais aussi mes cordes vocales.

Tout à coup, je ressenti un grand choc: on avait atterri. Je me senti également déposée sur mes pieds avec une grande délicatesse tandis qu'on me demandait si ça allait bien.
Je ne répondit pas immédiatement, trop choquée par ce que je venais de vivre pour pouvoir énoncer un seul mot. Je m'étais d'ailleurs écroulée sur un banc qui se trouvait juste là, idéalement placé.
Shanku était venue se poser près de moi et m'envoyais en image télépathique de quoi j'avais l'air. Je pouvais ainsi me contempler comme dans un miroir.
Mes cheveux étaient tout emmêlés tandis que mon visage était aussi blanc qu'un linge.

-Oui... Je... J'ai juste dû perdre une petite dizaine de points de santé mentale...

Mais qu'est-ce que je racontais? Secouant la tête, je retrouvai peu à peu des couleurs.

-M... Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi, monsieur. Je... Je m'excuse aussi pour tout à l'heure. Tout ce que je vous ai dit, je ne le pensais pas vraiment. Ce... C'était comme un effet secondaire de ma peur, une espèce de protection instinctive.

Je préférais ne pas mentionner la terrible épreuve qu'avait été ce plongeon dans le vide.

Aïe! Aïe! Aïe! Mon prochain cours! Je l'avais oublié. Je devais me rendre au gymnase mais maintenant, je ne le voyais plus.

Avec un faible sourire, je demandai au professeur:

-Euh... J'ai cours au gymnase, est-ce que vous pourriez m'indiquer la direction à prendre pour que je n'arrive pas à nouveau en retard? Cette fois, je tâcherais de ne pas me perdre, monsieur... Monsieur?

C'est vrai! Je ne connaissais même pas son nom et il faisait peut-être partie de mes profs!
Je ferais tout aussi bien de me présenter.

-Pour ma part, je me nomme Iwanishi, je suis en première année.

Je m'inclinai pour lui montrer mon respect.

Elle ne répondit pas tout de suite à ma question et alla s’asseoir directement sur un banc. J'en...avais un peu trop fait hein... ? Si elle se mettait à vomir, j'en serais le seul responsable. Quel idiot je fais...

Âpres avoir respiré un bon coup, elle finit par dire :

-Oui... Je... J'ai juste dû perdre une petite dizaine de points de santé mentale...  

Ow. Elle devait être sacrément déboussolé pour parler comme ça.
Mais pas étonnant. Moi même j'avais dû en perdre. Mais en contre partie, j'avais gagné de l'expérience.

Par la suite elle me remercia et s'excusa pour son attitude de tout à l'heure, qui, je me devais de le dire, était exécrable. Mais compréhensible. La peur et la colère pouvaient faire dire des choses vraiment désagréables. Il faudra que je leurs apprennent à garder leurs sangs froids moi. Je n'avais pas vraiment d'idée pour l'instant...

Avec un léger sourire l’élève me demanda de lui indiquer la direction du gymnase, et me donna même son nom. Car dans le feu de l'action, nous ne nous étions pas présenté convenablement.

Hein ? Lui indiquer la direction... ? Alors là non non non. Elle allait encore se perdre je ne sais où.
Attendez...Est ce que par hasard elle ne se serait toujours pas rendu compte que j'étais son professeur d'Eps... ? Ahem...Je pensais que ça avait été évident et qu'elle l'avait deviné la première fois...
Bah.

-Ce sera Monsieur Aybara. Ton professeur d'Eps pour les prochaines années à venir probablement. Tu as peut être déjà entendu parler de...ma réputation.  Me présentai je en penchant légèrement la tête. Enchanté de te rencontrer Iwanishi.  Suis moi. Autant que l'on parle du fonctionnement de mes cours  pendant le trajet, pour que je n'ai pas à le faire durant le cours même. Et vu qu'on arrivera un chouilla en avance, tu m'aideras à installer les instruments de tort...de sport. De sport.
J’espère que tu es prête à transpirer et à me maudire, parce que c'est ce que font la plupart des élèves durant mes heures et même après.

Si elle n'avait vraiment pas deviné que j'étais son prof de sport, l'ironie de la situation devait frapper fort. Très fort.
Surtout que ce prof était un cinglé masqué et imposant des cours épuisants à ses élèves.

-Même si je compte te ménager un peu pour ton premier jour, et à cause de ce petit incident. Rajoutai je pour la rassurer. Toutefois à ses oreilles, cela pouvait sonner comme une remarque ironique.

D'une certaine façon, je plaignais la pauvre. M'avoir comme prof n'était pas facile, et elle allait l'apprendre à ses dépends pour son plus grand malheur.

Ainsi donc, pendant tout ce temps, j'avais été avec mon prof de sport? C'est vrai que j'aurais pu m'en rendre compte un peu plus tôt... La façon dont il avait bloqué mon coup, dans la pièce sombre et aussi ce saut qu'il avait effectué sans aucune peur tout en me portant dans ses bras et en effectuant une série de figure. La tête me tourna lorsque je repensai à ceci.

Et comble de l'ironie, j'allais encore passer une heure avec lui, dans son cours d'EPS.
"Tu m'aideras à installer les instruments de tort...sport." Hum... Cela ne présageais rien de bon mais il venait de me promettre d'alléger mon traitement.

Espérons que ce soit la vérité.

J'avais vaguement entendu parler de lui comme du prof le plus terrible de l'établissement, n'hésitant pas à tuer ses élèves à la tâche. Certains racontaient même qu'il se nourrissait de l'énergie et de la souffrance d ses élèves, que c'était ce qui lui permettait de charger son pouvoir...

Nous verrons bien ce qu'il en est. Après tout, j'avais toujours été assez sportive...

-J'espère un bon nouveau départ, Aybara-sensei. Je ferais de mon mieux pour me faire pardonner de tout à l'heure!

Je lui fis de nouveau un sourire et le suivis vers le gymnase. J'était sûre qu'il ne pouvait pas être aussi méchant que ce qu'on disait. Même sous son masque glacé, il devait dissimuler un coeur.  Il devait simplement être un peu maladroit et brusque...
Après tout, il avait sauvé une élève dans le besoin, non?

HRP: