Síf commençait à sentir des fourmis parcourir ses jambes. Assise depuis une vingtaine de minutes, dissimulée derrière la porte d'un petit cabinet de toilettes, la jeune femme passait en revue sa dernière série des photos tout en perfectionnant son art d'éviter de se rendre en cours. D'accord, ce n'était peut-être bien pas le choix le plus...
Raisonnable, mais habituée aux cours à domicile et aux horaires bien plus flexibles de ses parents-professeurs, l'Islandaise peinait parfois à se faire à la rigueur et la régularité d'une vie en pensionnat. Aussi, elle n'hésitait pas à s'accorder des petites pauses de ce genre de temps à autre. Bien entendu, l'autorité scolaire ne voyait pas ça d'un œil aussi bienveillant mais elle se trouvait bien obligée d'admettre que parfois, elle s'en tamponnait totalement. Son exil commençait toutefois à sembler un peu long dans un endroit aussi exiguë. Mais où d'autre pourrait-elle bien aller se cacher ?
La demoiselle poussa un petit soupir silencieux en relevant les yeux vers la porte des WC. Quelques écritures et gravures accrochèrent son attention. Entre les diverses insultes, promesses d'amitiés et d'amours et autres signatures en tout genre, se trouvaient quelques inscriptions d'une nature un peu plus... Curieuses. Du style : « Le saviez-vous : Les pingouins n'ont pas de genoux. » ou encore « Jamais Hortense ne vaincra, foi de sauce BBQ ! ». Síf plissa les yeux en continuant de déchiffrer quelques hiéroglyphes. L'un d'eux, assez large pour couvrir une bonne portion du mur, annonçait sobrement « SHOUUUUUUUSH » en large lettres joliment dessinées.
L'Islandaise secoua la tête ; si elle en arrivait à lire les graffitis sur les murs des cabinets c'est qu'il était réellement plus que temps qu'elle se tire d’ici. Elle se redressa, passa ses mains pour défroisser un peu son uniforme et sortie. Enfin. C'est ce qu'elle voulu faire. Le verrou refusait de s'actionner. Elle ré-essaya. Toujours rien. Elle fronça les yeux et retenta sa chance en secouant un peu la poignée. La porte s'obstina à rester fermée, le verrou visiblement bel et bien hors d'état de marche. Un souffle de panique s'empara de la jeune fille. Certes, dans les faits, elle aurait très pu tenter d'escalader la paroi en grimpant sur le siège des toilettes ou de se faufiler autrement jusqu'à l'extérieur ; mais là, tout ce qu'elle comprenait, c'est qu'elle était bel et bien coincée dans ce petit cabinet étriqué et qu'elle n'avait aucun moyen d'appeler à l'aide. Síf s'acharna une nouvelle fois, en vain, sur la poignée, puis recula d'un pas pour observer la porte qui lui barrait l'accès à l'extérieur avec un air horrifié.
Son sang de ne fit qu'un tour. Elle prit appuie sur le rebord de la cuvette et se propulsa épaule en avant. Après tout ça fonctionnait dans les films, non ? Elle se ramassa maladroitement contre la paroi qui refusa de céder et jura intérieurement. Avant de se reculer à nouveau et d'essayer une deuxième fois. Qui ne résista pas pas au second assaut. Avec un « PLOP » déplorable, la porte sortie de ses gonds avant de s'écraser sur le sol dans un bruit, qui pour le coup ressemblait plus à « BADAMBAMBROUM ». Prise dans son élan, Síf s'étala tout aussi misérablement sur le sol, en même temps que son sac et tout son contenu. Carnet à dessin, stylos, crayons, petits bonbons à la vanille, nuées de photos et fatras en tout genre glissèrent aux quatre coins la pièce.
Un peu sonnée, l'Islandaise resta étendue quelques secondes, à moitié sur le carrelage froid, à moitié sur la porte. Ou plutôt le cadavre de porte. Son regard attrapa à cet instant une crinière rousse.
Helvíti. Elle n'était pas seule. Síf resta interdite pendant quelques secondes, dévisageant l'inconnue qui lui faisait face - debout, elle, - et cligna des yeux. Elle n'arrivait pas encore à réaliser l’enchaînement des événements qui venaient de se dérouler à l'instant. Tout en se relevant, elle rattrapa son carnet par un coin et l'un des stylos qui roulait par terre et grava le papier d'un tout simple :
« Euh... Salut ? »
à l'adresse de la rouquine.
Parce que franchement, dans une situation pareille, elle n'avait foutrement aucune idée de ce qu'elle aurait bien pu essayer de dire d'autre.
Sans même parler de tenter d'envisager d'imaginer peut-être l'éventualité de s'expliquer.
Elle aurait pu se risquer à « shoush », comme elle l'avait vu un peu plus tôt, remarque.
Ça aurait sûrement eu tout autant de sens.
J'ai très honte du nom du topic.