Où tu vas, je vais.

I

l est l'heure de devenir des grandes personnes, ça ne va pas être chose facile, tu vas en baver, je peux te le jurer. Ta vie ne sera jamais long fleuve tranquille comme tu as pu te l'imaginer dans tes rêveries enfantines. Tu connaîtras, tes plus belles joies, tes plus belles peines. Tantôt des jours bordés de soleil, tantôt des orages violents. Il semble que je ne sois pas de taille pour porter tes malheurs sur mes épaules, mais je veux bien t'en prêter une pour que tu te décharges un peu. Nous sommes ensemble par hasard, mais unis par choix, ne l'oublie jamais. Je t'aime.

Mon chemin avait semblé bien long ce matin, des copies qui s'étaient entassées depuis bien trop longtemps sur mon bureau, venaient enfin de prendre leur envol. Le cour du monde suit son fil et me laisse en plan au milieu du champ de bataille sans une once d'explication. Je traîne mes converses sur le sol et fixant mes pieds, mon jean troué trop serré et ma chemise blanche trop grande me donne ce look de garçonne qui fait mon charme, pourtant, je me sens lourde. Je pousse la porte de la salle des professeurs pour me faire un café espérant que ce dernier me donnera l'énergie nécessaire pour aller voir les têtes blondes ennuyeuses qui m'attendent dans ma salle de classe, la 15. J'aime bien cette salle, elle porte le chiffre de mon anniversaire, enfin, ce n'est qu'un détail parmi tant d'autre. je bois une gorgée de mon nectar béni, et me rappelle alors, que je n'ai jamais aimé le café, mon palais se crispe et assèche entièrement ma bouche, j'hausse les épaules. Tant pis. Je pose la tasse sale dans un évier non loin de là, je glisse mes feuilles dans mon cartable. Je sors en regardant un collègue, il m’interpelle vaguement, me proposant de boire un vers avec lui ce soir, proposition plus qu'inintéressante. je n'aime pas les gens, surtout ceux qui ont une technique d'approche aussi basique que celle ci. Je décline donc, gentiment mais clairement son offre en lui sortant une excuse vielle comme le monde, et tellement vielle, qu'elle ne mérite même pas d'être retranscrite. je continue me chemin, passant de bâtiments en bâtiments pour finalement me retrouver devant la salle 15, je pousse la porte, et à ma grande surprise, je vois trois individu, une petite blonde menue, un rouquin costaud et un presque roux. Je me met à sourire bêtement, ce presque roux est à moi. C'est le mien, enfin, une fois que j'ai eu l'occasion de changer une ou deux fois ses couches pendant mon enfance.

Nos regards se croisent, ne sourirent se mêlent, comme à chaque fois, Carwell Berry, mon âme sœur de toujours, ma bonne étoile, mon meilleur ami, mon frère. Il est content, au moins autant que moi. Les deux zouaves du fond papotent et me regardent d'un air dubitatif, visiblement mon jeune âge semble faire tilte vu la tête de moule qu'ils affichent en parfaite synchronisation. J'hausse une nouvelle fois les épaules. Je sors un bouquin épais, le pose sur mon bureau, m'assoie en tailleur sur ce même bureau et commence à dire.

- Madame Bovary. Grande oeuvre classique de Flaubert, je vois le regard lubrique et lasse des trois élèves se perdre quand la porte s'ouvre une fois encore laissant apparaître une bonne dizaine d'élèves supplémentaire, puis je reprends,je sais que ce livre et gros, long et totalement soporifique, mais je vais faire en sorte que vous ne le vomissiez pas par tous les pores de votre corps au cour des heures qui arriveront. Avant toute chose, je vais me présenter : Mlle Berry. Retenez mon nom, ne le retenez pas, ça n'a aucune importance du moment que vous essayez de comprendre un minimum ce que je vais vous raconter sur ce bouquin. Concernant votre identité, elle m'importe peu, vous pouvez vous appeler Adolphe, Josette ou Ondine, que cela ne changerait rien, ça ne m'intéresse pas.

Je les regarde, ils sont devant moi avec des grands yeux ouverts, à la fois admiratif, et inquiet de ce que je vais leur faire subir. J'esquisse un sourire, fière de moi. Des questions commencent un peu à fuser, j'y réponds avec une certaine attention, le cours commence à prendre forme, et je ne peux m'empêcher de regarder Carwy, qui me fixe avec son air enjôleur, que je connais si bien, il me réserve quelque chose, je le sens, je le connais par cœur ce sourire, c'est le sourire Berry, celui qui dit : " Suprise mother fucker, j'tai eu ", je l'aime bien ce sourire, mais pas s'il réussit à me désarmer devant mes élèves. Que le jeu commence mini moi, je t'attends.