Cours de développement magique et sensoriel. C'était un cours qui n'était pas obligatoire, mais vivement conseillé pour tous les élémentalistes. Ceux qui contrôlaient un élément étaient assez courants, que ce soit le feu, l'eau, l'air, la terre, ou certains éléments moins courants dont il en faisait partie. Après tout, c'était un cours indispensable pour ces personnes là pour une raison simple : Le contrôle d'un élément, sa maîtrise, passe par son entière compréhension. Savoir où il est, ce qu'il est, ce qu'il peut faire, ce qu'il ne peut pas faire, ses limites, sa quantité, sa pureté... Bien des détails que l'on doit donc saisir avant de pouvoir espérer faire de grandes choses. Certes, ce cours n'était pas obligatoire et bien des élèves réussissent sans. Mais la différence entre sans et avec était flagrante, et la différence pourrait être comparable à un amateur avec un professionnel.

Autant donc y aller. Il était tôt, il était lundi, Ryusaki aurait largement préféré passer sa matinée au lit. Ou mieux, en compagnie de sa bien-aimée. Mais ce n'était pas bien de rater un cours auquel il s'était inscrit. En tant que membre du comité de discipline, le jeune garçon devait être, au yeux de la majorité des élèves, irréprochable. Un exemple. Généralement, la grande majorité de ses cours se passait très bien, il avait en général d'assez bons résultats dans la majorité des matières. Plutôt doué en général, le jeune garçon ne s'attendait pas du tout donc cette fois à se heurter à un mur. Mais en même temps, c'est ce qui arrive quand on grignote en marchant et qu'on tourne trop vite alors que la porte se trouve à deux mètres à sa droite. Bon, bon, avancer deux mètres, avancer et Ryusaki se reprit cette fois la porte. Elle était fermée.

La professeur arriva légèrement en retard. Bah. Si cela se reproduisait souvent, il faudra qu'il fasse un rapport dessus. Mais bon. Aujourd'hui donc, le cours portait sur la perception magique et les sens. Et c'est là que Ryusaki avait un gros problème. Regarder sans les yeux. Ecouter sans les oreilles. Autrement dit, tenter de percevoir le monde avec sa magie, en fermant les yeux et en bouchant ses oreilles. Sa magie lui disait quoi? Qu'il avait faim. Ce n'était pas une information très utile, donc le petit blondinet se mit à se concentrer sur ses autres sens. Son odorat marchait très bien, et la fenêtre ouverte faisait qu'il sentait très bien que le déjeuner au réfectoire était en train d'être préparé. Et cela donnait faim. Donc aucune information utile.

Peur? Ryusaki n'avait absolument pas peur de son pouvoir. L'ayant déjà utilisé maintes et maintes fois dans diverses occasions et diverses utilisations. Mais pour celle là, c'était tout simplement impossible. Certes, le jeune garçon n'était pas le seul dans ce cas. La sensibilité qu'il avait était la même qu'un non-élémentaliste avec un pouvoir qui n'était pas dans le domaine de la perception. Arriver à deviner qu'un projectile lui arrivait dans la tête était possible, mais généralement, l'impact survenait pendant le traitement de l'information, rendant donc l'information inutile, puisque la conclusion de l'information était qu'il fallait l'éviter et donc que c'était trop tard puisqu'il l'avait déjà reçu.

Et quand on passe, une matinée, à fermer les yeux et à ne plus rien écouter, que se passe-t-il? Oui, Ryusaki s'est endormi sur son bureau. En voyant cela, Usa-chan se mit à grimper sur Ryu', se poser sur sa tête et piquer un roupillon aussi. Fort heureusement, ils ne ronflaient pas. Mais la séance était loin, très loin d'être productive. Heureusement que l'horloge interne du jeune garçon sonna cinq minutes avant la fin du cours. Malheureusement, cette horloge sonnait suffisamment fort pour que ses voisins soient alertés. Ryusaki avait faim. La première chose à faire était donc de prendre de son sac un truc et de le fourrer dans sa bouche. Le truc en question étant une brique, apparemment.

Ryusaki avait donc lamentablement échoué. Est-ce qu'il y avait quelque chose qu'il ne comprenait pas, ou bien cette matière n'était juste pas faite pour lui? La réalisation de l'échec et la peur de décevoir firent que le jeune garçon avait désormais un air triste et les yeux humides. Serrant Usa-chan dans ses bras. Le genre de petite bouille toute mignonne qu'on ne peut s'empêcher de consoler. Truc qu'il aimait bien utiliser pour obtenir des bonbons. Mais là, c'était plutôt sincère. C'est pourquoi Ryusaki se mit derrière la prof qui effaçait le bureau et tira légèrement sur le bout du haut de la demoiselle pour signaler sa présence.

"M'dame... Quelque chose que je comprends pas... Comment voulez-vous que je ressente la présence de mon élément en toute chose... Si mon élément, c'est le chocolat, et qu'il y en a nulle part dans cette pièce?"

Ce que Ryusaki savait était qu'il fallait qu'il réagisse vite. Le temps de la pause était relativement limité, mais plus que cela, la dame en face de lui était particulièrement perceptive. Après tout, c'était ce qu'elle enseignait. Donc le moindre détail ne pouvait lui échapper, impossible donc d'agir de façon naturelle. Sinon, par curiosité, le jeune garçon se serait déjà mis à jouer avec les cheveux de la prof' de dev. Son regard avait quelque chose de rassurant, cependant, ses paroles indiquaient l'inverse. Plusieurs choix s'offraient à lui, comme celle de répondre qu'il avait réellement écouté, mais que sans les oreilles, il n'avait pas entendu grand chose. C'était la vérité, après tout, mais cela pouvait être arrogant et irrespectueux, surtout pour quelqu'un ayant échoué à l'exercice. Cependant, la meilleure solution pour lui était de renforcer son expression triste d'enfant pris sur le fait qui regrettait son acte. Bien sur, Ryusaki regrettait vraiment de s'être endormi. Ce n'était pas par distraction, mais au contraire, parce qu'il s'était à ce moment là trop concentré. Ce n'était donc pas un mensonge... Juste une petite exagération.

"Vui mais... Désolé..."

Regard baissé et détourné, position qui indiquait qu'à tout moment, il allait fondre en larmes et s'enfuir de la salle en pleurant pour aller chercher du réconfort ailleurs. Cependant, s'il faisait cela, jamais il ne s'améliorerait. Autant donc obéïr, et se frotter les yeux d'un revers de la main qui ne tenait pas la petite peluche rose. Dans la continuité du mouvement, Ryusaki piqua une craie. Certes, il savait pertinemment que ce genre de détails n'allait pas échapper au professeur. Mais il en avait besoin pour expliquer son pouvoir, ou plutôt, c'était plus facile pour lui de montrer son pouvoir avec une démonstration, n'ayant jamais été très doué avec les mots. S'avançant ainsi vers le bureau de la prof, Ryusaki posa Usa-chan dessus et grimpa sur la table avant de se retourner et de s'asseoir dessus, sur un endroit dénué de feuilles ou d'objets.

"Mon pouvoir..."

D'après les dossiers du comité, il y avait très peu de cas de première année qui avaient plus d'un pouvoir. Ryusaki faisait partie de ces quelques exceptions. Peut-être était-ce en en faisant justement partie, à s'exercer en permanence, qu'il avait pu les développer ainsi. Ou alors, c'était le fait d'avoir mangé tellement de choses que ses pouvoirs se sont développés tout seuls. Après tout, il était l'une des rares personnes à utiliser son pouvoir au moins trois fois par heure à chaque moment, puisqu'il devait manger quasiment en permanence. C'est donc un peu étrange pour lui de devoir expliquer ce qu'il savait faire avec un pouvoir au singulier.

"Tout ce que ma bouche touche peut être mangé. Les métaux les plus durs croquent sous la dent, les flammes donnent une sensation similaire dans la bouche à une bonne soupe bien chaude, les poisons peuvent être digérés sans soucis et les magies sont converties en énergie quand on les avale. Cette énergie, je la sens très bien en moi, elle parcourt les veines et rend de la vitalité. Elle peut même accélerer les processus de guérison. Mais je peux aussi la transformer en chocolat. Qui prend alors les mêmes propriétés qu'énoncées plus haut. Qui peut être solide ou liquide, prendre la forme et les propriétés de mon choix, et aussi intégrer ce que j'ai mangé pour donner plus de goût."

En guise donc de démonstration, Ryusaki se mordit un bout du pouche gauche, laissant tomber quelques gouttes de sang, puis croqua la moitié de la craie qu'il avait pris. Savourant un petit peu l'étrange bonbon qu'il avait dans la bouche, très sec et fade, mais cela ne lui déplaisait pas tout de même. La blessure à son doigt se refermait petit à petit. Le bout de craie restant dans sa main vit apparaître quelques lignes marron assez fines qui le parcourait, formant des spirales et des motifs.

"Mais le point le plus important est que je ne suis pas le seul concerné. Dès que je touche ainsi quelque chose, n'importe qui peut le manger. Et en recevoir les effets. 'Voulez essayer, M'dame Meridian?"

Ryusaki tendait donc le petit bout de craie au chocolat. La majorité des personnes refusait ce petit geste. Après tout, qui avait envie de manger de la craie? Ceux qui mettaient curiosité et sens commun sur une balance et qui penchaient vers le premier.

"Je sais que je peux faire autre chose aussi quand je fais des bisous, mais j'en suis pas encore sur. 'Part ça, je sens bien ce qui se passe à l'intérieur de mon corps, mais... J'arrive absolument pas à sentir, à percevoir de la même façon ce qui se passe à l'extérieur. "