Tadakai, au milieu d’une journée d’été. Telle une ruche, l’activité y était, à n’en pas douter, digne d’une grande ville. A l’image de Nara, il y avait énormément de monde, entre des élèves qui venaient et passaient et un personnel affairé comme des businessmen. Il y avait un bourdonnement assourdissant. Cela bavardait entre des groupes d’enfants ou d’adolescents qui, semble-t-il, s’étaient déjà formés. Même certains professeurs s’étaient déjà trouvé des atomes crochus entre eux. C’était le lot des établissements scolaires. Dehors, le soleil y était resplendissant, ce qui n’encourageait pas l’assiduité en cours. Mais la plupart des étudiants et des adultes faisaient contre mauvaise fortune bon cœur.
Quoi qu’il en fût, c’était la première journée de travail pour notre ami Shinji, et celle-ci se passait plutôt bien. Il fit son entrée en matière par les élèves de seconde classe, puis ceux de la quatrième, tous de cinquième année. A vrai dire, c’était ceux avec qui il se sentirait le plus à l’aise, le jeune rouquin s’estimant beaucoup plus à même de faire preuve d’empathie. Mais cela, il ne pourrait le dire avec certitude qu’après avoir passé plus de temps en compagnie de tout le monde.
Sous une voute céleste d’une lueur exceptionnelle, dénué du moindre nuage, le délicieux Tohime dispensait ses cours à l’intérieur de salles de classe typiquement japonaises, avec une rangée de bureaux disposée en cinq colonnes en face desquelles trône, au milieu, celui de leur professeur, lui-même adossé à un tableau blanc. Aérée et lumineuse, les pièces possédaient de multiples fenêtres avec vue sur le parc du pensionnat. Et, pendant cette matinée somme toute tranquille, le professeur alterna entre le troisième et le cinquième étage de l’aile principale du bâtiment, chacun des paliers représentant les différentes années. Ainsi, ceux de première année étant répartis au deuxième étage, ceux de seconde au troisième, et ainsi de suite. Mais assez parlé de la typographie des lieux, entrons dans le vif du sujet.
Le jeune rouquin était assez inquiet quant à ses premiers cours. En effet, ayant reçu dans son enfance une éducation regroupant la plupart des domaines connus, ce dernier possédait une culture encyclopédique, et il lui était pénible de n’enseigner qu’une seule matière sans devoir empiéter sur d’autres. Mais la biologie correspondait au final à sa façon de penser. Et donc, plein d’entrain, souriant et accessible, amical et souriant, mais un peu maladroit par moment, notre protagoniste entama chacun de ses cours avec le même laïus :
- « Bonjour à tous ! Je suis Tohime-san, votre nouveau professeur de biologie, une bien noble matière. Sachez que dans mes cours, la seule chose que je vous demanderai, c’est de faire preuve d’intelligence, d’observation et de logique. La biologie, c’est avant tout l’excellence de la pensée scientifique. Il n’est pas question ici d’apprendre bêtement vos bouquins par cœur, cela ne vous servirait à rien. La biologie, c’est la vie : Seule l’expérience compte. Aussi, il vous faudra regarder autour de vous, disséquer, assimiler, comprendre, et retenir. Nous aurons donc à sortir de temps en temps afin de regarder la nature par nos propres yeux. Je compte donc sur vos aptitudes à canaliser votre énergie afin que tout se passe du mieux possible, et je vous promets que vous ne vous ennuierez pas dans mes cours. »
Son sourire irradiait de toute part, et nul doute que sa bonne humeur était contagieuse. Une trace infime de son pouvoir, peut-être. Ou tout simplement que la bonne humeur était contagieuse.
Evidemment, la classe quatre était nettement moins avide de savoir, et l’auditoire était bien moins attentif à ses propos. Il dût à une ou deux reprises faire parler la poudre, jamais avec agressivité mais toujours avec la finesse d’esprit qui est la sienne, sa marque de fabrique. Je vous parlerai à l’occasion de ses œuvres, mais pour l’heure, il y a autre chose qui nous intéresse.
Ainsi, après le labeur de la matinée, et peu avant de quitter la classe pour l’heure du repas, il invita un élève en particulier à se présenter à lui, en tête à tête. Il avait besoin d’éclaircir quelques points sans le parasitage de ses collègues. La porte coulissante s’ouvrit peu après s’être refermée après que le dernier élève de la matinée était parti se sustenter à la cantine. Shinji, lui, s’était accoudé à la fenêtre pour humer un air parfumé des essences de cèdre et de prunier qui peuplaient les abords du bâtiment. Il se retourna ensuite en voyant l’élève pointer timidement la tête.
- « Kohlskui-san, c’est cela ? Je vous en prie… », fit-il, en tendant la main vers une chaise disposé face au bureau qu’était le sien pour l’instant.
Après quoi sortit-il de sa douce torpeur pour se concentrer sur le cas de l’étudiant.
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