Cette journée avait très mal commencé. Depuis mon réveil, j'avais l'impression d'être poursuivie par la malchance, ce qui me mettait d'une humeur massacrante. Je n'avais pas aimé glisser dans la salle de bain pour me ramasser sur le lavabo, à deux doigts de m'éclater la figure sur le miroir ; je n'avais pas aimé cogner mon orteil dans un meuble ; je n'avais pas aimé heurter ma tête contre le coin d'un bureau en me relevant ; je n'avais pas aimé voir que mes écouteurs ne marchaient plus ; je n'avais pas non plus aimé trébucher dans les escaliers et faillir faire un roulé boulé ; je n'avais pas aimé voir que la salle à manger était déjà remplie de certains groupes de filles bruyantes (ce qui n'arrivait jamais à cette heure) ; je n'avais pas aimé savoir que la cuisinière était malade, et qu'on avait donc commandé les petit-déjeuné (le pain était un bout de bois et les yaourts périmés, j'en étais sûre) ; et j'avais cru que j'allais me suicider en me prenant un examen surprise de mathématique en plein dans la face.

Alors, être toute seule à la terrasse, peinarde avec mon devoir d'arts plastiques (le thème étant de représenter de n'importe quelle manière la sérénité) sous un temps agréablement ensoleillé, une légère brise rafraîchissant tout ça, je me sentais terriblement chanceuse pour la première fois de ma journée, et je pouvais vous affirmer que ça faisait du bien.

La sérénité... Pour tout vous dire, c'était actuellement le sentiment qui m'habitait. Ouais, là, maintenant, je pouvais me détendre et me sentir sereine. J'aimais passer délicatement mon crayon sur ma feuille A4, en train de créer le profil d'une femme, jeune, assise, le corps lâche mais élégant, accoudé à une table en bois, tout ça à l'état de croquis. Je ne savais pas encore comment la visualiser complètement, je ne connaissais pas encore l’expression que j'allais lui faire, ni sa coiffure, tout simplement son physique. Je ne savais pas non plus ce que j'allais créer de "magique", mais je trouverais, la semaine qu'il me restait avant de rendre mon devoir me laisserait le temps.

Juste, pour le moment, je me laissais bercer par la quiétude qui régnait en ces lieux, la douce chaleur que me procurait Moon, toujours sur mes épaules, me détendait des premières heures de ma journée. D'ailleurs, en y pensant, j'étais chanceuse d'avoir une écharpe chauffante rien que pour moi, qui m'avait bien aidée depuis le début de ma journée, en m'aidant de ses paroles sages et réconfortantes.

Sur une envie, je sortais juste une autre feuille de ma pochette, laissant mon crayon gris glisser tout seul sur le papier, dessinant sans m'en rendre vraiment compte mon louveteau-raton-laveur, avec ses yeux noirs, ses dessins bleu mais gris clair sur mon dessin ressortant sur son pelage blanc comme la lune, ses étranges sortes de pics au niveau de ses épaules, sa longue queue bien touffue, son expression de sagesse et de confiance. Je la dessinais assise, sa queue s'enroulant presque autour de ses pattes avant, en train de me fixer de ses yeux qui me paraissait infiniment doux.

Là, maintenant, seule avec mon familier, dans un silence juste rompu par le frottement de mon crayon contre ma feuille, je me sentais bien.

J'étais tellement absorbée par mon dessin que je me rendis compte qu'il y avait quelqu'un à la terrasse en plus de moi que lorsqu'une main tenant un carnet apparut dans mon champ de vision.

Je remontai mon regard en glissant sur sa main, son bras au teint pale, son autre main dressée en signe de salut, pour finalement atteindre son visage. Fille (de mon âge, je dirais), visage souriant encadré de cheveux châtains atteignant ses épaules, les yeux vert clair. "Délicate" lui irait bien, je trouve. Je reposais mes yeux sur son carnet :

« Bonjour ! Désolée de te déranger.
Je t'ai aperçue en passant dans le couloir et j'ai décidé de te saluer.
Moi, c'est Síf ! Et le mouton, là, Skepna. »

Sif, donc ? Délicat, oui. Je baissai le regard, à côté de la jeune fille s'y tenait bien un petit mignon mouton - à croquer -, du nom de Skepna, très bien. Elle m’abordait donc parce qu'elle m'avait vu de couloir ? Étrange, mais pourquoi pas.

Je lui rendis son salut d'un petit hochement de tête, et lui répondit simplement, sans animosité ni l'inverse :

- "Ookami, et l'écharpe vivante qui me sert de familier s'appelle Moon.
Autrement, ne t'inquiète pas, tu ne m'as pas dérangée tant que ça, je faisais trois fois rien."

Je voyais bien que Sif me détaillait assez intensément, bien que discrètement. Encore un mage en train de me reluquer comme une bête de foire ? Ce serait bien la première fois qu'un mage viendrais jusqu'à m'adresser la parole juste pour me voir de plus près. Enfin, "parler", elle n'avait pas ouvert la bouche... Maintenant que j'y pensais, je me demandais bien pour quelle raison.

Soudain, je remarquai que son regard avait dévié sur ce qui se trouvait sous mes mains, mes dessins donc, mes petits secrets que je préférais garder pour moi, vu par une personne dont je ne connaissais que le prénom... Elle se pencha légèrement, sa tête suivant le mouvement pour mieux voir mon dessin presque fini de Moon. Pourquoi je n'avais pas pensé à le ranger ? Je suis juste une idiote.

Son vif redressement et son griffonnement rapide sur son carnet me fit sortir de mes pensées noires. Elle tendit à nouveau le bras vers moi, son carnet au bout, écrit en son centre :

« Oh ? C'est de toi ? »

Joliment écrit, soi-disant passant. Il n'empêche que j'avais enfin compris qu'elle était muette. Au moins, l'un des mystères de cette fille était percé. Elle passait ses bras dans son dos, en se balançant d'avant en arrière, me souriant à nouveau.

- "Oui, c'est de moi", dis-je en affirmant mes paroles en hochant la tête. Je ne savais pas pourquoi, mais cette fille ne me semblait pas comme les autres mages. Ses irises étaient vraiment emplies de pure curiosité, et non de mépris ou de dégoût. "Tu peux t'asseoir à côté de moi pour mieux voir, si tu veux", lui proposais-je sans réfléchir en tapotant la place de libre sur mon banc.

C'était bien la première fois que j'étais si amicale avec une personne que je venais de rencontrer. Peut-être que sa gestuelle élégante m'avait incitée à vouloir en savoir plus sur elle ? Peut-être que "parler" avec une muette m'avais poussé à ne pas couper à court la discussion ? Peut-être que sa spontanéité à m'adresser la parole m'avait intéressée ? Je ne savais pas, et je ne le voulais pas vraiment me poser de questions.

Et puis, avec de la chance, peut-être que Sif s'y connaissait aussi en dessin ?

L'instant qui suivit ma proposition, Sif était déjà assise à côté de moi, après m'avoir remerciée d'un hochement de tête. Avant que ses yeux n'aillent sur mon dessin, ils s'accrochèrent à Moon. Elle faisait bien d'en profiter, mon écharpe vivante aimait bien rester cacher sous ma chevelure. Je lus dans ses prunelles vertes de l’incompréhension, puis de la lucidité avant de regarder plus en détaille mon dessin. Ah... Qu'est-ce que ça me faisait bizarre quand même de le montrer. Il n'empêche que le petit sourire qui naissait sur les lèvres de la muette me fit plaisir, plus que je ne l'aurais pensée. Son stylo s'activa à nouveau sur son carnet, qu'elle me montra après avoir écrit ce qu'elle souhaitait :

« C'est très réussi.
Je dirais juste que ce trait, à gauche, manque un peu de fermeté.
Mais sans même un modèle, vraiment pas mal du tout. Bravo. »

Je regardai le trait qu'elle me désignait, et hochait la tête, d'accord avec elle car ce trait m'avait déjà dérangée la rétine un peu plus tôt. J'allais justement le rectifier lorsque je m'étais rendu compte de la présence de Sif. Je pris mon crayon, me pencha sur mon dessin et avec soin, j'accentuai le dit trait, en espérant ne pas aggraver la bêtise. Je me redressai, et fus plutôt heureuse de voir que ce n'était pas devenue pire.

Je reposais mon crayon et pris enfin le temps de lui répondre, un sourire microscopique aux lèvres :

- "Tu as l’œil, Sif. Ce trait m'avait déjà dérangée tout à l'heure, et j'allais le rectifier lorsque tu étais arrivée. Pour tout te dire, j'ai encore du mal avec les dessins sans modèle, j'aime bien la reproduction, même si l'imagination et dessiner ce que l'on souhaite est très agréable", dis-je en penchant la tête et en accentuant mon sourire sans même m'en rendre compte. "Mais je suis sûre que tu connais déjà cette sensation".

« En fait, moi aussi je dessine parfois. Rien de bien sérieux. »

Venait-elle de rajouter sur son carnet. Je le savais, haha. Finalement, en cette fin de journée, j'ai de la chance. Je tombais sur une fille agréable qui dessinait, si ça, ce n'était pas de la veine, je ne savais pas ce que c'était alors.

- "Le hasard fait bien les choses, aussi", me dit par pensée Moon, toujours sur mes épaules, feignant de dormir. Elle n'avait pas tort, mais, les deux options étaient valables.

Je quittai mes pensées pour me concentrer sur le carnet, que Sif faisait tourner les pages, des visages, des silhouettes, des paysages, des graffitis remplissaient les pages. Je pris la relève pour changer de page, ne faisant plus trop intention à ce qui m'entourait. C'était comme ça avec moi, je tombais sur un dessin (ou plusieurs), et je me perdais dans la contemplation, et par la même occasion, mes oreilles et ma queue bougeaient au fil de mes impressions.

Je tournais les pages calmement, et mes réactions s’enchaînaient ; un visage avec une moue comique, un sourire fleurissait et mes oreilles gigotaient ; une silhouette franchement élégante et je restais la détailler ma queue battant lentement l'air ; une longue forêt et c'était la nostalgie qui m’habitait, souvenirs d'Hybriland m’envahissant, mes oreilles tombant tristement sur les côtés. Je réagissais instinctivement pour chaque dessin ou même pour de simples petits graffitis, c'était comme ça ; je voyais quelque chose qui ressemblait de près ou de loin à un dessin, et je ne me contrôlais plus, laissant libre cours à mes pulsions.

Personnellement, j'aimais beaucoup les dessins de Sif. Ils étaient beaux, soignés bien qu'en même temps l'inverse et le fait qu'ils n'étaient jamais achevés leur donnait un côté "magique".

J'exprimais mes pensées à voix haute à Sif en lâchant pour la première fois du regard son carnet, le lui rendant par la même occasion, ayant tout vu :

- "J'aime beaucoup ton style, c'est très beau, franchement. Tes dessins m'inspirent un vent de liberté, mais je ne sais pas trop pourquoi", avouais-je, un rire léger suivait mes paroles, ce qui était rarissime. "Attends, je vais te montrer mon carnet qui ne me quitte jamais", dis-je en me penchant sur mon sac parterre pour en y sortir un petit carnet qui pouvait tenir sans problème dans ma main. Je le lui tendis tout en ajoutant : "J'aime dessiner dedans pour passer le temps, ou sous une pulsion, ou encore pour immortaliser un moment qui se passe devant moi. Tiens, regarde", dis-je en désignant un petit oiseau bien détaillé fait au crayon de bois, "celui-ci, je l'ai dessiné lorsqu'il s'était posté sur le rebord de ma fenêtre".

Puis je la laissai regarder à sa guise le reste de mon carnet, sans ressentir un sentiment oppressant parce que je montrais mes "petits secrets" à quelqu'un que je venais de rencontrer. Je crois bien que je pouvais qualifier Sif comme étant ma première amie au sein de Tadakai. Et, c'est sous une pulsion, en l'observant, la voyant détendue et sereine, de profil à moi, un discret sourire flottant sur ses lèvres, la position de son corps élégamment droit sans être rigide, en train de regarder mon carnet que je repris le croquis de mon dessin pour mon devoir d'arts plastiques, discrètement, pour ne pas la déranger, et pour qu'elle reste dans la même position.

Sif était un modèle parfait pour mon devoir, la veine je vous dis.

- "Ou le hasard."

- "Oui, Moon."

 

J'avais réussi à créer le croquis sophistiqué (j'avais rajouté les "formes" et un peu les ombres) de Sif de son cou jusqu'à ses pieds, replier sous le banc, créant une petite ombre sous ceux-ci, pour faire de la forme. Les bras m'avaient demandé un peu d'effort car ils bougeaient lorsqu'elle tournait les pages - mais je n'allais pas lui dire d'arrêter ses mouvements, ça aurait été trop... Absurde. Mais j'avais réussi ; les mains aussi d'ailleurs, les doigts délicatement posés sur une feuille. J'avais dessiné aussi l'ébauche de vêtements qui se composait d'un long t-shirt ample, d'un mini-short et de jolies chaussures avec de petits talons, pour remplacer son uniforme de Tadakai, qui n'inspirait pas vraiment la sérénité. Le seul vrai problème était son visage, caché par ses cheveux. Toute la sérénité de la chose résidait dans l'expression de son visage, qui m'était dissimulée. Je n'allais pas non plus lui dire de placer ses mèches derrière son oreille, non, non et non.

Mais c'est alors, comme par magie qu'elle fit le geste que je voulais. Délicatesse, calme, douceur, concentration, absorption étaient là, sur sa face. Mais, en fusionnant son visage au reste de son corps, c'était la sérénité qui transpirait. Je repris alors sans attendre mon dessin, recopiant les lèvres fines étirées en un sourire presque invisible, les mèches légèrement bouclées coincées derrière l'oreille, les yeux fixent, les longs cils, le petit nez, tout. Je faillis m'exclamer lorsqu'elle penchait la tête en se mordant la lèvre inférieure, concentrée, pendant quelques instants avant qu'elle ne reprenne sa pose (presque initiale), à deux ou trois détails près, mais ça ne me gênait pas tant que ça.

Un peu plus tard, je finalisais les ombres de son visage délicat lorsque mon attention fut déviée sur une feuille tendue vers moi, que je lus, en essayant de masquer inconsciemment le dessin que je faisais :

« C'est très beau. J'aime beaucoup. Tu as du talent. »

Un petit sourire fleuri sur mes lèvres qui laissaient échapper un "merci" murmuré alors que je lisait la suite du message :

« Et qu'est-ce que tu nous dessines, cette fois ? »

Aïe. Avant que je ne puisse réagir, Sif c'était déjà penché sur mon dessin. Un simple rapide coup d’œil, mais sans doute ce qu'il suffisait pour remarquer la ressemblance entre elle et le croquis... D'abord perplexe, je craignais de l'avoir importunée de l'avoir dessinée sans rien lui dire - mais l'occasion était trop belle, aussi. J'allais m'expliquer lorsqu'elle ouvrit la bouche, les yeux rieurs, pétillant, son corps secoué de petits soubresauts. Je compris rapidement qu'elle riait. C'était une scène assez spéciale et magique à voir. Son expression était juste un décile, et je me retins de toutes mes forces pour ne pas foncer sur une feuille et de recopier ce que ma mémoire avait enregistrée.

Son rire silencieux se stoppa, et elle prit une tête intriguée en désignant mon dessin, la tête penchée sur la droite. Je crois bien que je lui devais une explication. C'était le sourire fier bien que gentil, les yeux riants, la queue remuant que je pris la parole :

- "J'ai un devoir d'arts plastiques qui me demande de représenter de n'importe quelle manière la sérénité. Je m'excuse, mais j'ai saisi ma chance lorsque tu regardais mon carnet, tu étais juste ce que je voulais." Je penchais à mon tour la tête à droite, mes oreilles suivant le mouvement. "Tu n'en veux pas, j'espère . Je suis même prête à me racheter en faisant quelque chose de ton choix - du moment que je trouve ça raisonnable, quand même", précisais-je en élargissant mon sourire.

Je crois bien que c'était la première fois que je me sentais aussi bien avec une personne, égalant mon sentiment de bien-être lorsque j'étais avec mes parents ou mes amies hybrilandiennes. Ça me faisait du bien, de tomber sur une fille pas comme les autres, adorablement agréable, pas ennuyante ou irritante. En plus, le bonus qui faisait tout, elle s'y connaissait en dessin.

J'espérais juste pouvoir la revoir une autre fois, peut-être bien autour d'un autre dessin. Et peut-être même garder contact avec elle par la suite... Enfin bon, je n'en étais pas encore là ! Tout de suite, je devais prier, parce que je me devais d'être sûre qu'elle ne m'en voulait pas, et aussi pour difficulté de la chose qu'elle allait sans doute me demander.

J'étais un peu inquiète de voir Sif marcher de long en large, les bras dans le dos, en pleine intense réflexion. Peut-être qu'elle m'en voulait vraiment ? Peut-être qu'elle allait se venger sévèrement et que j'allais me rendre compte que c'était une grande sadique ? Ou peut-être rien du tout ? Ou bi-... Le fil de mes pensées fut coupée par l'immobilisation soudaine de la muette, qui saisissait stylo et carnet, écrivant sans doute ma sentence. Le sourire que je commençais à déjà apprécier de Sif réapparu sur ses lèvres tendit qu'elle ancrait ses yeux verts pétillants à ce qui ressemblait à de la malice. Bon, ok, peut-être qu'elle n'était pas sadique, mais je sentais que j'allais quand même en baver. Elle quittait mon regard pour retourner à sa feuille, continuant à y écrire.

Le fait qu'elle "cachait" ce qu'elle écrivait me rendait nerveuse, la voir se diriger vers son sac sans encore rien "dire" me mettait presque au supplice. Elle sortit de son sac et d'une sacoche un appareil photo, de qualité, soi-disant passant, qui devait être tout à fait génial à utiliser. Je préférais le dessin, mais la photographie était un art que je respectais et admirais dès que possible - une expression prise au bon moment, un vol d'oiseaux capturé, ça me fascinait. L'appareil montré qu'il fut de suite remis à ça place, bien protégé. La brune un peu plus grande que moi se dirigeait enfin dans ma direction, mais elle s'arrêtait à mis chemin, me faisant presque gigoter. Elle mordillait son stylo, regardant pensivement sa feuille, sans doute en train de réfléchir à quelque chose - que j'allais peut-être ne pas apprécier ? Elle finit par hausser une épaule tout en soupirant, son stylo se mettant en action sur la feuille de son carnet pour (je l'espérais) la dernière fois.

Elle me montrai enfin ce qu'elle avait écrit pendant ce qu'il me semblait une éternité, tendit qu'elle me lançait un sourire rayonnant. Le message se séparait en quatre parties ; la première :

« Alors comme ça je représente la sérénité, hein ? »

- "D'une certaine façon", songeais-je pour moi-même.

La deuxième partie :

« J'accepte de poser pour toi, mais en retour je veux la même chose. Que tu me laisses te photographier pendant que tu dessines, un de ces jours. J'aime beaucoup la photographie. »

Aïe, cela expliquait pourquoi elle m'avait montré son appareil. Je savais que je n'allais pas aimer. Le fait qu'elle accepte d'être mon modèle me plaisait énormément, bien que j'avais déjà fait le plus dur du dessin en un temps-record (mais j'étais sûre de pouvoir la dessiner pour d'autres occasions). Mais le fait que je me fasse photographier ne me plaisait pas franchement... Pas que ça me gênait (en fait, si), mais que juste, à chaque fois que je me retrouvais devant un objectif, je ne savais pas comment réagir et je tentais de fuir le plus loin possible. Je soupirais, peut-être qu'en étant absorbée par mon dessin, je ne remarquerais rien, comme elle lorsque je la dessinais...

Troisième partie :

« En fait, j'aimerais aussi, à l'occasion, que tu me parles de là d'où tu viens. Ton pays. Je suis arrivée récemment à Tadakai et je ne sais presque rien des hybrides et de votre pays. Je dois admettre que je suis intriguée. »

Voilà une demande surprenante qu'on ne m'avait encore jamais posée. Maintenant que j'y réfléchissais, c'est vrai que nombreux devaient être les personnes qui se demandaient pleines de chose sur ma terre natale (ils devaient même s'imaginer des tas de trucs), mais personne n'osait la poser à voix haute. Cette demande, bien qu'assez bizarre et rare, elle ne me dérangeait pas tant que ça. Je pensais même que ça me ferait du bien de parler d'Hybriland.

Le message se concluait d'un :

« Alors ? On a un marché ? »

Je souriais. J'adorais la façon qu'avait Sif de s'exprimer. Bon, pour en revenir à nos moutons - je ne parle pas de toi, Skepna -, est-ce qu'on avait un marché ? Après réflexion et même après approbation de Moon, je dis, souriante, dévoilant mes dents blanches plus pointues que la normale (ne le rendant pas effrayant pour autant - du moins, par pour cette situation), un sentiment de bonheur se diffusant à partir de ma poitrine jusqu'au reste de mon corps :

- "Marché conclu !", je rajoutais même, gentiment taquine, toujours avec mon sourire, tout en penchant la tête, "prépare toi déjà à être sur la plupart de mes feuilles, Sif."