Les cours, c’est si ennuyant. Je sais que je ne peux guère y échapper, mais donner autant de mon temps à cela en est presque décourageant. Quelle journée pourrie. En plus, Roda est restée en haut, je ne peux même râler sur lui. Peut être aurais-je du devenir bibliothécaire en vue de ma fréquentation du bâtiment. C'est un métier facile, au moins. Et une bonne excuse pour avoir son nez penché continuellement dans un livre. Il fait si beau dehors... un temps pour faire des expériences tiens. Autant flâner un peu dans cette cours, j’ai de toute façon déjà récupérer ce que je cherchais. Mes élèves ne font attention à rien. Ils en arrivent même à faire exploser une expérience toute simple, et faire passer en prime mon matériel par la fenêtre. Ou bien c’est moi qui ai inversé deux composants. Au final, ce n’est pas important. De toute façon ils sont si c..

« Faen. Mais qu'est-ce que... »

Bryne n'en revenait pas. Alors qu'il traversait la cours de Tadakai, l'albinos venait de se prendre un bout de bois sur son épaule. Il le poussa machinalement un peu plus loin comme si cela allait enlever sa douleur à l’épaule. Il en oublia presque son injure en norvégien qui lui avait échappée. Ses prunelles suivirent par la suite le gros toutou qui vint quelques secondes plus tard le ramasser, sans même faire attention à sa personne. Bryne était devenu un arbre en cet instant même. Une chose inexistante. Même s’il savait que se fondre dans la masse était facile pour lui, être aussi inexistant ne pouvait que le toucher. De plus, interrompre comme cela ses divagations l’agaçait quelque peu. Sa journée était assez fatigante comme cela. Du regard, le jeune professeur chercha la source de ce projectile. Il n’y avait que peu de monde ici, les cours avaient déjà repris depuis un moment. Très vite, il vit au loin une fille se roulant par terre avec le même chien qu’auparavant. Après quelques secondes de réflexion, il esquissa un sourire, se dirigea vers elle. Au final, c’était une bonne journée, et il avait bien le temps pour s’accorder une pause. De toute façon, ses élèves n’étaient pas importants et pouvaient bien apprendre sans lui.

Lorsqu'il arriva à sa hauteur, Bryne,  aux allures d'un étudiant banal pris le temps de détailler son agresseur. Elle semblait albinos, comme lui. Elle semblait surtout ne pas l’avoir remarqué. Avait-il aussi peu de présence que cela ? A contrario, lorsqu’il en avait, beaucoup  de filles – et garçons lui courraient après. Ne pouvait-il pas être tranquille ? Ne pouvait-il pas simplement étudier son pouvoir sans que personne ne le dérange ? Cela aurait été bien trop facile pourtant. Bryne n’aimait pas les choses faciles.
Son pied heurta pourtant quelque chose qui détourna son attention de l’élève. Un livre. Sans même demander Bryne se baissa, feuilletant les pages de celui-ci pour en connaitre le sujet. Tiens, du norvégien. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu de livre dans cette langue, outre ses notes. Dorénavant, il devait avoir attiré l’attention de son agresseur.

« Tu parles couramment le norvégien ? »

Ni bonjour, ni explication quant à sa venue ici. Il voulait dans un premier temps voir sa réaction, voir si se présenter et lui faire la moral était nécessaire. Il voulait juste passer le temps.

Le jeune homme sourit intérieurement face à la réponse de l’élève. Pour avoir une réputation de fille froide et hautaine, cette dernière savait lui faire honneur. Il était vrai que Bryne avait déjà entendue quelques remarques sur Neriel, sans plus y prendre garde ; s’il ne se trompait pas sur son nom. Ou peut-être était-ce Meriel. Qu’importe. Il ne s’intéressait guère aux élèves de toute façon, et se fichait pas mal de leur comportement avec les autres professeurs. Seul son petit monde l’importait un tant soit peu. Il ne prit guère la peine de rétorquer que oui, pour un norvégien, parler couramment la langue de son pays était essentiel. Au final, le professeur ne savait si c’était de part sa culture ou son origine que la fille connaissait le norvégien. Avant qu’il ne puisse lui poser la question, elle lui pose une question très certainement déplacé qui lui fit hausser un sourcil. Il appréciait son audace d’aller aussi loin.  

« Oui. »

Voilà le seul mot qu’il lui répondit. Il n’allait pas mentir, ni s’éterniser sur ce sujet. Il avait bien ses raisons, et voir que cette fille se permettait ce genre de remarque face à un adulte l’intéressait et l’agaçait. Ce fut pourtant un nouveau sourire, cette fois-ci bien sur son visage, qui apparut en guise de réaction. Redonnant son livre à Nerimachin, l’albinos pris le temps de réajuster sa tenue pour paraitre légèrement plus présentable. Comme l’avait fait son vis-à-vis en enlevant la bave de son visage.

Son sourire n’avait pas disparu, c’était une simple plaisanterie sérieuse. Au final, il se fichait pas mal d’avoir eu mal. Au final, peut-être aurait-il dû simplement ignorer la chose, ne pas s’approcher de cette étudiante. Ce fut cependant sa dernière phrase qui changea le courant de sa pensée. S’en était trop pour le jeune homme. Même s’il semblait la déranger, ce manque de respect flagrant ne pouvait se tolérer. N’était-ce pas évident ? Incontestablement, il n’était pas venu pour boire un thé. Bryne avait encore des principes, et son rôle de professeur l’obligeait les suivre malgré tout.

« Effectivement je viens te vois pour quelque chose de précis, c’est-à-dire m’assurer que tu te rappelais des règles de cette école. Normalement, oui. Malgré tout je doute que lancer des bâtons de bois sur le personnel enseignant soit autorisé, même en cette belle journée. »

Sa réponse était peut-être légèrement froide. Même un peu trop. Au final, Bryne n’aimait pas trop faire la morale aux enfants. Cela était une perte de temps ; ils ne retenaient de toute façon rien. Passant une main dans ses cheveux, il fit un pas en arrière, commençant sa volte face pour se diriger vers les bâtiments. Il n’allait pas pour autant la laisser tranquille ; pour lui avoir fait mal il allait l’embêter encore un peu. Ses prochains cours lui serviraient à trouver un bon passe-temps à lui faire faire.« Comme tu l’as souligné je ne suis pas à mon poste, et je me dois d’y retourner. Malgré tout, tu viendras me voir à la fin des cours, dans une des salles du quatrième étage. »

Sans plus d’indication, il s’éloigna de la jeune fille, le sourire aux lèvres. Au final sa journée n’était pas si pourrie que ça.