La vie ne'est qu'un songe et les songes rien que des songes ~

La journée subissait les premières flammes du crépuscule, le dernier cours de la journée venait de se passer, plutôt paisiblement, il était temps de rentrer tranquillement au dortoir, pour prendre des nouvelles d'Hydrangea, voir comment se portait la poignée de personnes qui avaient encore de l'importance pour Ronald à l'autre bout du globe.
Cependant, le téléphone du jeune blond n'était pas de cet avis. Une vibration, deux vibrations, un rapide coup d’œil et un numéro connu. Il fallait être rapide, discret, et trouver surtout un endroit vide.
Le troisième étage avait cet avantage d'être assez peu fréquenté pour être calme, surtout en fin de journée, et c'est tout naturellement que, lorsque d'un regard, Ronald vit la porte de la terrasse entre-ouverte, il s'y engagea pour répondre à l'appareil qui n'avait aucunement envie d'arrêter de bourdonner.

« Oui, qu'est-ce qui se passe, normalement les appels d'affaires se passent plus tard, je n'ai pas même eu le temps de rentrer dans ma chambre vous savez ! Fit Ronald, quelque peu agacé.
— Monsieur, ce n'est pas un appel d'affaires, le majordome m'a fait parvenir un message pour vous, à propos de votre soeur, il m'a dit de vous le faire parvenir au plus vite, il s'occupe d'elle en ce mo-...
— Il lui est arrivé quelque chose !? Le jeune homme n'avait pas laissé son interlocuteur finir.
— De ce que votre domestique m'a dit, rien d'inhabituel, elle était juste plus affaiblie que d'habitude, elle s'en est remis à l'instant, mais il devait rester près d'elle et ne pouvait pas vous faire passer le message. La voix sortant du téléphone était distante, mais aussi chaleureuse que possible.
— Oh... Je vois, désolé de m'être emporté d'un coup, quand il est question d'elle j'ai du mal à me contenir,[/b] lança Ronald, soulagé, mais vu que vous appelez, faisons le point sur ce qui nous préoccupe habituellement, voulez-vous ? »

Malgré sa relative tranquillité, on pouvait sentir dans la voix du blond toute cette inquiétude intarissable qui vivait en lui dès qu'un problème arrivait à sa soeur. Accoudé sur le rebord de la terrasse, les yeux dans le vermeil qui s'élevait doucement dans le ciel au loin, ses pensées se dirigeaient vers sa petite soeur. Malade, à cause de lui. Demeurant triste, parce que loin de lui. Il ne voulait que ça, pouvoir s'occuper d'elle, mais ce mal était un mal nécessaire pour lui promettre un futur, un luxe qu'Hydrangea ne possédait pas dans l'immédiat.
L'uniforme virevoltait au gré d'une légère brise, à l'unisson avec ses cheveux, il pouvait presque s'endormir, là, face à ce spectacle, la petite tâche noire qui plongeait dans le lac devait probablement être Becquerel cherchant de quoi se nourir, en y songeant, Ronald se disait que le lac n'aurait bientôt plus un seul semblant de faune vu l'allure à laquelle son compagnon s'entêtait à pêcher.
Mais le petit rêve devait être écourté, le jeune homme en avait oublié l'appel téléphonique qui était en cours.

« ...et donc c'est pour ça que nous avons besoin que vous nous débloquiez des fonds à nouveaux. Monsieur ?
— ... Ronald restait silencieux, dans ses pensées avant de se réveiller, Ou-oui ! Pardon, j'étais perdu un instant. Les fonds à débloquer ont toujours le même objet, n'est-ce pas ?
— Oui, monsieur.
— Très bien, vous savez quoi faire, essayez d'apporter autant de soutien que possible aux équipes de recherches, le but reste de trouver une alternative viable à la fission dans le monde énergétique. La fusion sera bientôt testée à grande échelle en France, mais nous avons besoin de voir si d'autres techniques seraient possibles. Les fonds seront débloqués demain dans la matinée sur votre fuseau horaire. Le discours de Ronald, bien qu'improvisé au gré de la discussion, semblait millimétré, il savait ce qu'il voulait et les résultats qu'il attendait.
— Très bien, monsieur, merci monsieur.
— Je vous en prie. »

L'instant suivant le téléphone s'était tu.
Le jeune homme resta ce qui lui semblait une éternité à reprendre sa contemplation de l'arrivée du crépuscule, puis il se dirigea lentement vers le banc le plus proche et s'y installa.
Il porta délicatement sa main au niveau de son cou, sur la chevalière avant de penser tout haut :

« Pourquoi m'avoir laissé un tel héritage aussi prématurément, et pourquoi dois-je m'efforcer de garder tout ça secret ? Sérieusement... Il marqua un temps, et pourquoi doit-elle toujours finir par souffrir ?.. »

Installé très sobrement, Ronald ferma les yeux un instant, et dans l'obscur spectacle que ses paupières fermées lui offraient, il dessina la jeune Fitzgerald dans son esprit, sa responsabilité dans son état le rongeait, de plus en plus, il était venu à Tadakai pour mieux contrôler son pouvoir, mais aussi pour éventuellement trouver une solution pour la sauver. La sauver elle. Tout ce qui l'importait à cet instant n'était ni l'entreprise de sa famille, ni son propre sort, non. La seule chose qui avait droit à toute la considération de Ronald était bien sa petite soeur. Une semaine et il n'avait quasiment parlé à personne encore, toutes ses forces n'étaient rassemblées que pour Hydrangea.

Spoiler: