La neige tombait doucement en flocons discrets sur le pensionnat, venant ainsi étoffer le manteau blanc qui avait déjà recouvert les lieux. Le ciel, uniformément gris paraissait se confondre avec l'horizon.

Les pas innombrables des élèves crissaient à mesure qu'ils entraient dans la neige. Parfois, on entendait une voix s'élever ou un cri d'excitation, mais il paraissait bien plus étouffé que d'habitude, comme le son parvenait d'un rêve.

Dans cette ambiance qui sentait bon les fêtes de fin d'année et qui excitaient les esprits les plus enfantins, je traversais le jardin pour m'arrêter face au dortoir.

Certains élèves me regardaient avec étonnement. Mon sac devait leur paraître lourd pour que je m'attarde ainsi mais ce qu'ils ignoraient, c'est que ce dernier était très agréable à porter et ne blessait pas mes épaules.

Voici donc l'endroit ou je vais vivre désormais...

Pensai-je en détaillant l'architecture du bâtiment.

Il y a pire... C'est sûr...

Finis-je par décider en reprenant ma marche tout en sachant qu'a quelques mètres de moi, la petite créature qui devait être mon familier désormais, me suivait discrètement en se dissimulant dans l'ombre de la haie.

Je me demande s'il est vraiment normal qu'il ne me réponde pas quand j'essaye de lui parler. Enfin bon... Ce n'est pas comme-ci je désirais vraiment avoir un familier à la base. Qu'il soit discret et ne vienne pas m'ennuyer, ça m'arrange.

Me dis-je en pensée pour chasser l'ombre qui étreignait mon cœur.

Je montai alors les marches du perron et passai les portes pour arriver dans le hall. La chaleur du chauffage me donna l'impression de percuter un mur d'air chaud à mon entrée. Mes yeux se mirent à pleurer et mon nez à couler à cause du changement brusque de température.

Écartant la grosse écharpe verte que j'avais autour du cou pour mieux me respirer, je pris le temps de me moucher et de me sécher les yeux.  

Chambre 5, Couloir 1.

Martelai-je de nouveau dans mon esprit pour être sûr de ne pas oublier en chemin. Une petite boule d'appréhension ne quittait pas ma gorge.

Vivre à cinq dans la même chambre... A notre âge... Déjà que j'avais du mal à garder de l'ordre dans ma propre chambre lorsque j'étais seul. Alors, à cinq! ... J'espère qu'ils sont gentils...

Tout en pensant à tous ça, je regardai le plan, m'imprégnai de la manière dont la numérotation s'organisait par rapport au plan du bâtiment.

Derrière moi, je pouvais sentir que mon familier s'était glissé par la porte lors de mon entrée, juste avant qu'elle ne se referme puis qu'il s'était trouvé un coin d'ombre ou m'observer.

Sérieusement, je ne pensai pas que ça se passerait comme ça avec lui...

Me dis-je en faisant une moue triste. Puis, me résignant et raffermissant ma volonté, je m'engageai dans le bâtiment. Je n’eus pas beaucoup de mal pour trouver la porte de la chambre qui m'était attribuée.

C'était une simple porte avec écrit "Chambre 5" dessus. Pourtant, en cet instant, elle me paraissait presque menaçante. Quelles créatures démoniaques, quels mages lubriques et pervers pouvaient accueillir cette chambre ?

Inspirant à fond, je finis par porter ma main sur la porte et par frapper plusieurs fois quelques coups secs. Puis, j'attendis, mon cœur s'accélérant que la porte s'ouvre sur l'objet de mes craintes.

J'attendis une bonne dizaine de secondes.

Il n'y a personne ?

Me demandai-je au bout de quelques instants. Je refrappai de nouveau, un peu plus fort, un peu plus longuement, puis je sortais la clé que l'on m'avait donné.

J'espère qu'il n'y a pas une fille avec un casque sur les oreilles en train de s'habiller dans la chambre ou je suis partie pour avoir une réputation de pervers.

J'entrai la clé dans la serrure et tournai. Le loquet fit son bruit caractéristique et je poussai la porte pour l'ouvrir devant moi. Le regard braqué vers le sol, je lançai un:

Shitsurei shimasu... (Excusez-moi, j'entre...)

Hey! Avec quasiment pas d'accent!

Pensai-je. Le japonais n'était naturellement pas ma langue maternelle. Son apprentissage m'avait prit un certain temps et...

Je clignai des paupières alors que mes yeux tombaient sur une peluche laissée sur le sol. Mes sourcils se froncèrent alors que je levai les yeux. Ces derniers s'écarquillèrent et j'en vins à lâcher le sac que je tenais par la main.

Qu'... Qu'est...

Qu'est-ce que c'est que ça !?

Intuitivement, je fis un pas en arrière puis regardai ce qu'il y avait marqué sur la porte.

Non, non... Pas de doute... C'est bien ma chambre... Et...

Ma pensée venait de s'évanouir alors que je voyai une peluche tenant un pinceau en train de dégrader l'un des murs. Mes lèvres s'entrouvrirent dans un soupir muet de stupéfaction.

Qui sont les malades qui vivent là-dedans !?

C'est pas vrai...

Je portai ma main à mon front puis je la passai sur mon visage comme pour m'assurer que j'étais bien face à ce spectacle apocalyptique flippant.

Pendant ce temps, mon familier m'avait rejoint et penchait la tête par l’encadrement de la porte pour admirer la pièce de ses grands yeux émeraudes tout curieux.

Quoi ?!

Les peluches dans la pièce commençaient à se mouvoir dangereusement, comme hantées par un esprit malfaisant! D'ailleurs, une peluche au centre de tous ça semblait prononcer des incantations dans une langue inconnue.

Ok... Dans un pensionnat rempli de mages irresponsables, j'aurai du m'y attendre! Pas le choix! Il est temps de réparer leurs conneries! Comme d'hab...

J'arrive...

Dis-je d'un ton froid et sec.

Je me défis de mon sac de voyage pour le poser à l'extérieur, contre le mur, près de la porte. Les traits de mon visage se durcirent alors que je faisais doucement rouler mes épaules pour les soulager.

Il faut que je me concentre et que je laisse sortir mon pouvoir dans cette pièce.

J'inspirai et expirai de plus en plus profondément et enfin serrai les poings.

Je vais repousser la magie qui règne dans cette pièce. Je la déteste, je la hais et il n'est pas question qu'elle fasse du mal encore une fois en ma présence.

Peu à peu, à mesure que ma volonté se raffermissait, mon aura d'anti-magie commençait à s'éloigner de ma seule personne pour gagner la chambre.

Elle ne prenait aucune forme physique, elle n'émettait aucun rayonnement mais tous les mages et hybrides qui voudraient utiliser leurs sorts dans cette pièce auraient désormais la sensation que le monde autour d'eux résisteraient, jusqu'à les en empêcher s'ils étaient trop faibles ou n'y mettaient pas assez d'énergie de lancer leurs sorts.

Bien...

Sauf si le pouvoir auquel je faisais face était plus fort que le mien, les peluches devaient désormais arrêter de s'agiter. La magie qui les animait devait être repoussée.

Tout d'abord, je fus surpris de voir un enfant sortir de sous un lit.

Ouah, c'est quoi ce gamin ? Ils acceptent des mioches dans ce pensionnat ? S'il vous plaît, faite qu'il soit propre au lit, sérieux...

Mais une chose me vint à l'esprit lorsqu'il parla. De toute évidence, il m'avait trompé. Il m'avait fait croire qu'il était la personne en détresse alors qu'il était le mage qui était à l'origine de toute cette mascarade.

Classique...

Les mages étaient tous fourbes et cruels, ils étaient ainsi. Ils se moquaient du mal qu'ils faisaient aux autres et ne pensaient qu'à s'amuser en les faisant souffrir.

Je secouai la tête négativement sans me départir de mon expression neutre.

Non, je te pensais juste en danger et j'ai fais ce que j'ai jugé nécessaire pour te sauver mais je vois que tout ça n'était qu'un mensonge.

J'agrippai mes deux sacs et entrai dans la pièce en gardant le mage dans mon champ de vision. Je posais mes affaires sur le lit qui ne semblait pas occupé... A part par des peluches. Je commençai alors à lui reparler d'une voix emplie de méfiance.

Je viens d'arriver d'Hybriland.

Je me tournai complétement vers mon interlocuteur.

Je me nomme Detsuda Yuhei, enchanté de te rencontrer.

Je m'inclinai à la façon japonaise puis me redressai.

Pour la petite explication, je suis atteint d'un handicap nommé "Aura d'anti-magie". Il peut donc m'arriver d'influer, troubler voir annuler certains pouvoirs quand je suis présents dans une pièce.

Puis un sourire naquit sur mes lèvres.

Mais je devrais pouvoir m'en empêcher dès que j'aurai pu me reposer dans mon lit.

Lui dis-je en désignant les peluches qui recouvraient l'endroit ou je devais m'installer.

Pendant ce temps, mon familier se glissait à l'intérieur de la chambre et allait disparaître à son tour sous l'un des lits.

Il est bizarre... Fantasque, dirons-nous ?

Je regardai le gamin qui me parlai et m'étonnai de cet aplomb qui ne sied en rien à son apparence juvénile. Je pressais les lèvres l'une contre l'autre d'un air boudeur et je fronçais les sourcils légèrement.

J'ai déjà un voyage dans les pattes et je vais déjà avoir fort à faire à ranger mes affaires. De plus, ce sont "tes" affaires qui sont éparpillées un peu partout, il est donc de "ta" responsabilité de les ranger.

Lui expliquai-je d'un ton péremptoire qui ne laissait guère place à la discussion. Ensuite, je me retournai pour ouvrir mon grand sac à dos et commencer à ranger son contenu dans les meubles proches de mon lit.

Pour ma part, je n'avais aucune envie de donner crédit aux caprices de ce mioche. Je ne savais même pas ce que faisait un gamin si jeune dans un tel établissement et je n'étais pas payé pour faire du babysitting.

Par contre, pourrais-tu me dire si des règles ou accords tacites ont été passés entre toi et les autres personnes de la chambre ?

Ouch! Mais il fait quoi là ?!

Je me tournai vivement en me tenant la cotte. Le regardant comme on pourrait regarder un fou, j'écoutai ses idioties d'une oreille distraite quand mes iris s'enflammèrent.

Les sourcils légèrement froncés et le regard plutôt sombre, je le fixai, attentif à d'autres de ses mouvements débiles en lui répondant d'une voix ou couvait ma colère. Il pouvait tenter de m'interrompre mais j'étais bien décider à continuer, qu'importaient ses diatribes.

Ton peuple, mage, est responsable d'un génocide de plusieurs milliards d'hybrilien dans notre monde. Ton peuple, humains, magiciens, a massacré des familles entières allant du plus petites enfants aux vieillards les plus inoffensifs. Ils ont créés des systèmes et des sociétés dans le seul but de faire souffrir et ainsi accomplir leurs désirs perverses.

Et ici, là, maintenant, avec tes petites exigences, tes caprices d'enfant gâté, tu es juste en train de suivre leurs voies. Alors, excuse-moi, mais si c'est ça être humain, si c'est devenir une sorte de monstruosité, je préfère de loin être un animal et suivre mon instinct.

Soyons clair, tu n'obtiendras rien de moi, que ça soit en frappant, en mordant ou avec tes vengeances mesquines, tu obtiendras juste un cercle vicieux de haine qui finira mal pour toi.

Maintenant, on va faire quelque chose. Je vais prendre toutes les peluches qui sont de mon côté de la chambre et te les redonner.

C'est ce que je me mis à faire tout en lui parlant.

Ensuite, tu vas repartir et tu vas me laisser tranquille. Tu vas me laisser en paix et tu vas surtout te de-mer-der pour te sortir de tes conneries, tout seul, comme un grand.

Et peut-être qu'un jour, quand tu te comporteras autrement et que tu seras capable d'être assez gentil et aimable pour le demander gentiment, je te donnerai volontiers un coup de main.

Mais pour aujourd'hui... Tu me lourdes!

Je finissais de lui mettre la dernière peluche dans les bras puis surveillai son départ, attentif à d'autres violences qu'il pourrait tenter à mon égard.