Une journée parfaite, c'était le résumé en quelques mots de mon planning matinale qui s'était constitué d'un cours avec une classe plutôt agréable, d'un bon repas et d'une sieste en ce début d'après-midi. Profiter de la vie au sein de ce pensionnat était certes bien agréable mais, il fallait que je commence à travailler sérieusement sur les premières copies que j'avais relevé. Un simple questionnaire pour tester la culture artistique de mes élèves où je me ferais une joie de gribouiller des commentaires amusants sur leur manque d'intérêt pour nos grands artistes. Aujourd'hui j'étais d'humeur joueuse ou plutôt, j'avais envie, je ressentais ce besoin insatiable d'emmerder la population tadakienne !  

Ainsi, pour m’atteler à mon travail, je revêtis d'un jean gris, de baskets et d'un gros pull rouge bien chaud avant de me diriger vers une salle de classe non occupée. Je savais pertinemment qu'en restant dans ma chambre je ne ferais que m'écrouler à nouveau sur mon lit pour baver en ronflant. Le bâtiment était grand au point que je me perdais avec une facilité déconcertante, mon sens de l'orientation n'étant pas très développé. Fort heureusement, je trouvais une salle de classe dans le couloir des deuxièmes années qui n'était pas occupée. Sans attendre, je pénétrais dans la pièce en refermant délicatement la porte derrière moi avant de découvrir Kaoru Asuka, un de mes élèves. Un sourire amusé se déclina sur mon visage.

L'adolescent dormait tranquillement sur un bureau, tout contre un radiateur, la place idéale ! Au chaud par ce froid glaciale, il m'avait volé mon idée et je n'avais pas envie de le laisser tranquille. Tout d'abord, je pris soin de déposer mes affaires et de sortir une feuille volante et un crayon papier. C'est alors qu'il marmonna un flot d'absurdités plus étranges les unes que les autres. J'oscillais un sourcil, le regardant avant de me retenir de ne pas éclater de rire pour ne pas le réveiller. En effet, ce serait fort dommage puisque je lui préparais une petite blague. Sans attendre, je dessinais rapidement trois petits glaçons sur ma feuille et avec un brin de concentration, je les fis apparaître sur la table. Avec délicatesse, je les attrapais avant de soulever doucement la chemise du jeune homme et de glisser les trois morceau de froid à l’intérieur.

"Bien le bonjour Monsieur Asuka ! Comment allez-vous ? Vous avez eu un problème avec le vampire fan de J-Pop ? Ha ha."

Presque pliée en deux, je me tordais de rire à en avoir mal au ventre devant la réaction de l'élève même si celui-ci paraissait quelque peu en colère.

Rares étaient mes blagues qui avaient aussi bien marché ! Le pauvre Kaoru avait subi un réveil glacial suivit de plusieurs chutes répétitives comme si le malheur s'acharnait sur lui. Bien entendu, je ne pouvais plus m'arrêter de rire, pliée en deux et adossée contre le bureau alors que j'observais l'état de la salle de classe et du pauvre élève qui se relevait de ses cascades. À travers ses lunettes, je vois la vengeance qu'il souhaite exercer, je n'ais aucune idée de ce que c'est mais je m'y prépare essayant de retrouver un peu de sérieux entre deux éclats de rires. Rapidement, il colle les glaçons contre le radiateur, ceux-ci fondent mais trop lent, ils ont disparu. Triomphante, je souris avant de venir pincer la joue de l'adolescent par amusement.

"Désolée Kaoru, c'était tellement tentant que je n'ais guère pu résister puis, je t'aime bien ! T'es très doué pour le dessin, tu sais ?"

Sans attendre, j'entrepris alors de relever les bureaux et chaises qui jonchaient maintenant le sol pour les remettre à leurs places initiales comme si rien ne c'était passé. Cependant, je n'avais pas fini de m'amuser, en réalité, je n'avais aucune envie de corriger ces foutues copies et je cherchais simplement de quoi me distraire. Malheureusement pour lui, j'avais élu Kaoru distraction de ma fin d'après-midi, il était tout gentil et n'oserait sans doute pas s'en prendre à son professeur. Après tout, je disposais du pouvoir au sein de ce bâtiment et pas lui, alors autant en profiter, sans en abuser. Discrètement, je saisis le crayon qui traînait encore sur la table puis je me rapprochai de l'élève, l'air de rien.

"Reprenons un peu de sérieux ! Tu vas bien, tu ne t'es pas fait mal ?"

Un sourire en coin s'esquissa sur mon visage alors que je dégainais mon arme pour dessiner sur le joli minois de l'adolescent une petite moustache en deux coups de crayons. S'en suivit, un pas en arrière et une forte concentration, j'avais fait apparaître la vraie moustache sur son visage et j'avais utilisé assez d'énergie pour qu'elle reste au moins un petit quart d'heure. À nouveau, je m’esclaffais de rire en observant mon chef-d'oeuvre avant de ranger le crayon dans ma poche. Malgré tout, je restais sur mes gardes, prête à riposter en cas de vengeance même si je n'avais pas de feuille à disposition.

" C'est dommage que tu ne puisses pas te voir dans un miroir, tu es tellement drôle comme ça."

Dans cette nouvelle farce, le plus drôle n'était pas forcément le résultat mais le simple fait de voir le visage de l'élève se décomposer sous la découverte de mon chef-d'oeuvre. D'autant plus que ce n'était pas n'importe qui mais bien Kaoru qui avait toujours une référence complètement idiote mais tellement drôle à sortir. Seulement, bien vite, je commence à m'arrêter de rire quand il insinua qu'il allait me tondre, je n'était pas sûre de comprendre. Un rire nerveux m'échappait alors que j'essuyais une larme du revers de la manche, cela faisait longtemps que je n'avais pas ri à en pleurer. C'était agréable.

"Me tondre ? Tu ne crois pas que tu y vas un peu fort ? Faut pas déconner, c'était juste une petite blague comme ça. Enfin, ça s'en va d'ici une petite vingtaine de minutes, voir un peu moins t'inquiète pas va."


Alors que j'essayais de reprendre un semblant de sérieux, une tondeuse apparut dans la main de l'élève, un sourire malsain se dessinait sur son visage et lentement il s'approchait de moi. Les yeux écarquillés, je le regardais tout d'abord faire, surprise qu'il ait réussi une telle téléportation, cela avait dû lui demander beaucoup de concentration même si ça n'en avait pas l'air. Ensuite, je réagis enfin, il en avait après mes cheveux ?! Ma si belle fantaisie capillaire qui me donnait un style de vieille punk marginale totalement démodée ! Il n'avait pas le droit d'y toucher, jamais !! Doucement, je fis quelques pas en arrière, restant un brin méfiante, je n'avais pas envie de lui crier dessus en sachant que j'avais déclenché sa colère avec mes blagues.

"Je suis désolée ? Enfin, pas vraiment car c'était trop drôle pour que je m'excuse. Ceci dit, joli téléportation, tu la sors d'où cette tondeuse ? De ta chambre ?"

Jetant un rapide coup d’œil au alentours, ma feuille était trop loin pour que je puisse me défendre avec ma magie et je n'avais pas pensé à prendre un petit morceau de papier dans mes poches comme d'habitude. Quelle idiote. Faisant la moue, je décidais de prendre la seule option qu'il me restait pour lui échapper, c'était lâche face à un élève: la fuite. Sans plus attendre, je me retournais et me mis à courir, me faufilant entre les bureaux et chaises. Alors que je voulu attraper mes copies qui étaient restées sur le bureau du professeur, mon flanc droit heurta celui-ci me faisant pousser un petit grognement de douleur. Je manquais de tomber mais in extremis, je me rattrapais et attrapais mes copies en même temps avant de prendre la direction de la porte en courant.

Déboulant dans le couloir, je ne savais pas où aller, ne connaissant toujours pas vraiment les directions des différents bâtiments. Mon seul souvenir était la salle d'art plastique qui n'était pas loin et la grande véranda avec un super hamac. Le hamac ! Si je m'enroulais dedans, je serais impossible à trouver, puis c'est un super endroit pour faire une petite siè... non pour corriger des copies ! Sans attendre, je pris alors la direction de la véranda, du moins, la direction qui était sensée me mener là-bas, je n'avais aucune certitude. Bien entendu, je courrais à en perdre haleine, jetant de temps à autre un regard par dessus mon épaule pour vérifier si Kaoru était à ma poursuite.

Personne derrière moi. Il était loin, au milieu du couloir, juste devant la porte, sans bouger. Pourquoi ne me poursuivait-il pas ? Des paroles en l'air sans doute cette histoire de tondeuse, enfin, je ne m'arrêtais tout de même pas, dès fois qu'il essayait de me tendre un piège. Ma respiration était saccadée, un point de côté commençait à me lancer dans le flanc gauche et j'évacuais un peu trop de toxine. Malgré ma silhouette athlétique qui me donnait une très bonne endurance, le sport n'avait jamais été une de mes activités favorites, je m’essoufflais vite. Fort heureusement, la véranda était là, j'ouvris la porte et je jetais à l’intérieure avant de chercher une cachette du regard. La pièce est vide.

Surprise, Kaoru apparaît, comme par magie. Ah ? Oui, c'est vrai que c'est le cas, c'est un mage qui maîtrise la téléportation... Aucune chance de fuir et je n'y ais même pas pensé avant, quelle idiote. Je fais la moue en le regardant alors qu'une voix nous interrompt dans notre course poursuite. Un membre du personnel se tient là, devant nous, à moitié rasé ce qui lui donne un style de merde mais c'est drôle. Je souris, amusée en comprenant directement que c'est de là que venait la tondeuse ! Ainsi, le pauvre mage allait avoir quelques soucis avec cet homme, l'idée me fait jubiler intérieurement, venu de nul part, il me sauve la mise. D'autant plus qu'il n'avait pas l'air fin avec sa chemise ouverte, sa moustache et sa tondeuse.

Et voilà ! J'aurais pu le parier que l'élève allait encore sortir une connerie pas possible pour se sortir de cette situation délicate. Je crois que c'est pour ça que je l'apprécie aussi, il est sans gêne et toujours prêt à sortir une ineptie. En plus son accent espagnol était horrible, pourtant ils ont des cours ici non ?! Enfin, je ris discrètement et finit par ne plus me retenir quand la moustache disparaît et qu'il perd toute crédibilité. Seulement, je m'arrête bien vite quand il m'accuse de viol couplé d'un fantasme totalement horrible. Essayant de garder un air sérieux, l'homme me fixe comme pour me demander si c'est bien vrai. Que faire.

Les secondes défilent vites, je ne peux pas répondre que c'est faux en sachant que c'est ma faute si nous sommes dans cette situation. Il se ferait engueuler à ma place et j'ai tout de même un minimum de sens moral. Là, ma seule réplique est d'écarquiller les yeux en faisant un mouvement de tête bizarre comme par provocation.

"Quoi ? Vous avez pas de fantasme bizarre vous peut-être ?"

Sans demander son reste, le pauvre homme prit la direction de la sortie après avoir jeté un regard suspect allant de moi à Kaoru. Quelques secondes s'écoulèrent avant que j'éclate de rire en me tenant le vendre, j'en avais mal aux côtes ! Rapidement, je me reprends en regardant l'élève.

"Franchement, je n'en attendais pas moins de toi mais... Tu aurais quand même pu éviter la partie avec les poils, c'est vraiment étrange et dérangeant. J'espère au moins que ce n'était pas une extériorisation de tes fantasmes profonds."

Encore un peu affaiblie par ma course,  je m'approche du hamac pour m'asseoir délicatement dessus en prenant garde de ne pas tomber, ni de faire tomber mes copies. Il me restait tout de même un petit problème à régler après cette histoire complètement folle, comment allais-je m'en sortir si on m'interrogeait ? Après tout, je venais d'être faussement accusé de viole.

"Je pense que c'est suffisant comme vengeance, tu viens de détruire ma réputation. Mais sache que si jamais j'apprend que la moitié du pensionnat est au courant, je trouverais un moyen de pourrir la tienne aussi !"